Exposition. Ernest Pignon-Ernest fait parler les murs à Landerneau

Le Fonds Hélène et Edouard Leclerc à Landerneau ouvre grand son espace à l'oeuvre monumentale d'Ernest Pignon-Ernest dès ce 12 juin. L'exposition explore le travail de cet artiste humaniste, plasticien de l'éphémère qui, depuis plus de cinquante ans, glisse ses images dans nos vies.

D'ordinaire, c'est à la rue qu'Ernest Pignon-Ernest confie ses dessins. Son art est éphémère, pensé à l'échelle d'un lieu unique. "L'oeuvre, c'est la rue elle-même, dit-il. Avec son histoire et sa mémoire enfouie"

Du béton de l'espace public à celui des cimaises du Fonds Hélène et Edouard Leclerc (FHEL) à Landerneau, le voyage sonnerait presque comme une contradiction, si l'on s'en tenait à la démarche du plasticien qui, depuis plus de cinquante ans, colle au dehors, à la nuit tombée, ses silhouettes tracées au fusain ou à la pierre noire. "Etre dans la rue, ce n'est pas être contre les musées et les galeries" tient-il à préciser, pour couper court aux raccourcis faciles qu'il a souvent essuyés par le passé.

"Les lieux, mon matériau"

L'exposition que lui consacre le FHEL à partir de ce 12 juin rassemble plus de trois-cents oeuvres, dans une scénographie qui réussit la prouesse de faire entrer l'extérieur à l'intérieur, une manière de gommer la frontière et de restituer ce lien indissociable entre l'image et la rue.
Elle explore aussi le processus de création à travers des croquis, dessins, notes, études, "le public peut suivre mes tâtonnements" explique Ernest Pignon-Ernest qui se dit "impressionné" et "touché par l'attention qui est portée à [ses] travaux".

A près de 80 ans, l'homme reste une figure incontournable et résolument moderne de l'art urbain. Ce fils d'une coiffeuse et d'un ouvrier des abattoirs de Nice est venu à la peinture "à cause de Picasso et Guernica".

Il quitte sa ville natale pour un village du Vaucluse en 1966. "J'avais une vision romantique du Vaucluse, sourit-il. A peine arrivé, j'apprends qu'à une dizaine de kilomètres d'où je suis, la force de frappe nucléaire y a installé son QG, sur le plateau d'Albion. Cette puissance de mort enkysté dans la lavande, je ne pouvais pas la représenter dans un tableau, je n'avais pas le talent de Picasso"

Il lâche alors ses rouleaux de toile et ses pinceaux, utilise une photo prise au lendemain d'Hiroshima qu'il découpe en pochoir et imprime sur les maisons et les rochers du plateau d'Albion. "C'est à cet instant que j'ai compris que les lieux pouvaient devenir mon matériau, que je devais travailler là-dessus et réinscrire l'histoire humaine dans ces lieux

"Ce que l'on inflige aux hommes"

Il y a chez Pignon-Ernest des figures obsessionnelles. A commencer par Rimbaud qu'il découvre adolescent et auquel il rend hommage, en 1978, dans un portrait devenu célèbre. 

Pier Paolo Pasolini fait lui aussi partie de la galerie personnelle d'Ernest Pignon-Ernest. Il l'immortalise en 2015 avec un de dessin - Pasolini portant son propre corps supplicié - qu'il colle sur les lieux où vécut et fut assassiné le cinéaste italien.

A Landerneau, une cinquantaine d'études dévoile le cheminement du plasticien pour aboutir à l'oeuvre finale.

"Pasolini, c'est une référence pour moi. C'était un visionnaire, il a annoncé la société dans laquelle nous vivons, l'acculturation, le capitalisme consumériste et ses dérives" rappelle Ernest Pignon-Ernest dont le travail entre en résonance avec celui du réalisateur italien et pas seulement dans son aspect esthétique. 

Lui aussi interroge ce monde qui tourne en rond ou plus rond, il dénonce "ce que l'on inflige aux hommes". L'apartheid, les migrants, les expulsés, la lutte en faveur de l'avortement. Il maroufle les murs des villes de ses sérigraphies, en écho à l'actualité du moment et dans une perspective historique. "Ces images sont célèbres car elles sont devenues l’identité la plus familière d’un poète, d’un combat ou d’une situation, note Jean de Loisy, le commissaire de l'exposition du FHEL. Ernest Pignon‑Ernest, l’artiste que l’on croyait connaître, longtemps aimé du public et ignoré des institutions, est présenté pour ce qu’il est : profond, complexe, radical, soucieux de l’humain".

Ernest Pignon-Ernest, du 12 juin 2022 au 15 janvier 2023 - Fonds Hélène et Edouard Leclerc, Landerneau

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