Ferme urbaine. Chez Raymonde, on fait pousser les légumes en mode collectif

"Ramener les citadins vers l'agriculture", c'est le leitmotiv de l'association Vert le Jardin qui a créé, il y a cinq ans, une ferme urbaine en périphérie de Brest. Chez Raymonde, les habitants s'activent dans les potagers et font vivre le lieu. Les légumes sont vendus sur place. Un modèle qui fait mouche puisqu'un deuxième projet, cette fois en pleine ville, sort de terre.

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Au bout d'une rue sans issue, le totem bricolé à partir d'un tronc d'arbre indique que vous êtes bien arrivé chez Raymonde. Le grondement lointain des voitures sur la route nationale 12 et les avions qui décollent de l'aéroport voisin rappellent que la ferme se trouve en zone urbaine. A Guipavas, près de Brest, au lieu-dit Kervao.

"Avant, il y avait sept exploitations ici, indique Michel Campion. Les villes se sont étendues, ont grignoté petit à petit la ruralité. Maintenant, il ne reste plus que nous et une autre ferme".

Casquette vissée sur le crâne, l'homme dirige l'association Vert le Jardin, laquelle a racheté les bâtiments agricoles, la maison et les parcelles de terrain il y a quelques années pour y bâtir cette ferme à Raymonde où il fait bon cultiver son jardin. Une ferme urbaine qui produit des légumes et les vend.

Je me cultive en même temps que je cultive

Marie-France, bénévole à la Ferme à Raymonde

Penchée au-dessus d'une rangée d'oignons, Marie-France joue de la binette pour enlever les mauvaises herbes et donner de l'air à la terre très sèche. Elle est un peu chez elle, ici. Disons qu'elle est souvent là, comme la plupart des bénévoles qui plantent, arrosent, récoltent, s'occupent des poules, lapins et chèvres.

Cette infirmière à la retraite de 70 ans s'est mise au jardinage il y a huit ans. "J'ai commencé par les légumes faciles comme les poireaux ou les pommes de terre dans un jardin partagé à Brest, raconte-t-elle. Je me demandais si j'allais savoir faire". La fille d'agriculteur a vite retrouvé la main, "qui n'est ni verte ni rien, s'amuse Michel Campion. Tout le monde est capable de faire pousser quelque chose. Il suffit d'avoir envie".

Marie-France le regarde en souriant. "Oui, enfin, il faut quand même apprendre. Moi, j'apprends toujours beaucoup. Je me cultive en même temps que je cultive". Les deux rigolent puis la retraitée retourne à ses oignons "parce que le boulot, il ne va pas se faire tout seul".

Deux tonnes de légumes en 2021

La Ferme à Raymonde, c'est "un bordel harmonieux" lance Gwenole Le Roy. Il a la bonne mine de ceux qui passent leur vie au grand air. L'homme est maraîcher depuis près de 20 ans. Il a été embauché récemment par l'association qui compte 23 salariés - 6 à Rennes, en Ille-et-Vilaine, au Hangar, 3 à Saint-Brieuc, dans les Côtes-d'Armor, au Jardin ressource et le plus gros des troupes à Brest où Vert le Jardin est né il y a 22 ans.

C'est vrai qu'ici, tout n'est pas tiré au cordeau. Peu importe. Ce n'est pas l'esprit du lieu. Le potager de 5.000 m2 a produit deux tonnes de légumes l'année dernière, vendus aux adhérents de l'association. "A partir de septembre, annonce Michel Campion, on pourra vendre à tout le monde, sur place ou dans les épiceries sociales et solidaires".

Vert le Jardin récupère une grande partie des déchets verts de Brest pour fabriquer son compost et ainsi fertiliser naturellement les sols. Elle s'est aussi rapprochée de l'association Kaol Kozh, qui travaille à la préservation des semences et remet au goût du jour des variétés anciennes de légumes. C'est d'ailleurs là que les chemins de Gwenole et Michel Campion se sont croisés. 

Tandis que l'un des cinq chats de la maison s'étire au soleil près d'un pied de framboisiers, Gwenole rejoint la serre pour donner coup de main et conseil à une bénévole. "Toute la partie production, c'est mon métier, je suis habitué, explique-t-il. Là, je suis confronté à la dimension sociale et collective. Les gens viennent ici pour trouver de l'air, du lien. Le jardin devient parfois un prétexte".

Nouveau projet à Brest

Cette ferme urbaine est la première du genre dans le paysage brestois. Une deuxième est en train de sortir de terre. A Brest, cette fois, au pied des hautes tours bleues de Quéliverzan. Elle s'étendra à terme jusqu'au quartier de Bellevue. Une fois encore, l'association Vert le Jardin est aux manettes, associée à la métropole brestoise.

On veut ramener les citadins vers l'agriculture

Michel Campion, directeur de l'association Vert le Jardin


Baptisé "Quélibelle", ce nouveau lieu de culture en pleine ville va mêler maraîchage et élevage. Les premières pommes de terre ont été plantées ce mercredi, avec les habitants. Tout un symbole car ce sont eux qui, comme chez Raymonde, feront vivre les potagers. La production de légumes bio sera vendue sur place. "On veut ramener les citadins vers l'agriculture et l'agriculture vers les citadins, souligne Michel Campion. Il y a aussi des enjeux alimentaires urgents car le 'bien manger' n'est pas à la portée de tous les porte-monnaie. Avec cette ferme, on apporte un petit plus".

Partage

Chez Raymonde, la fin de journée se profile. Les brouettes et les outils seront bientôt remisés dans les hangars. Le soleil cogne et les fronts transpirent sous les chapeaux de paille. Gwenole le maraîcher promène sa silhouette d'une parcelle à l'autre. 

La ferme ressemble un peu à une auberge espagnole où chacun va et vient. A son rythme. "Les gens se sont appropriés le lieu, observe le maraîcher. Ils viennent planter ce qu'ils aiment et savent planter, s'entraident, se donnent des astuces. Chacun fait attention à l'autre".

Les chantiers de la bricol', les chantiers collectifs, les samedis jardinage durant l'été et le marché de Raymonde sont autant de moments partagés dans cette ferme qui accueille également chaque semaine des personnes en insertion.

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