L'affaire du Médiator, ce sont 3700 victimes, qui ont développé des troubles cardiaques, suite à la prise du médicament. Le laboratoire Servier a déjà versé près de 115 millions d'euros à ces malades. La réaction d'Irène Frachon, médecin pneumologue à Brest, qui a révélé l'affaire.
D’après le dernier bilan actualisé du processus d'indemnisation des malades, 114,7 millions d'euros ont été versés par le laboratoire pharmaceutique Servier à plus de 3 000 victimes du Médiator. Prescrit pendant plus de 30 ans à cinq millions de personnes en France, le Mediator, un antidiabétique, largement utilisé comme coupe-faim, est tenu pour responsable de centaines de morts. Il a été retiré du marché en novembre 2009, suite au scandale sanitaire révélé par Irène Frachon, médecin pneumologue de l'hôpital de Brest. Une affaire qui a déjà fait l'objet de multiple procédures. Le procès au pénal doit s'ouvrir le 23 septembre prochain devant le tribunal de grande instance de Paris. Près de 4 000 personnes ayant pris ce médicament doivent se constituer partie civile pour ce procès, mais en acceptant l'offre de Servier d'une indemnisation à l'amiable, les victimes s'engagent à renoncer à leur action pénale.
"Un chiffre qui dit l'ampleur de la catastrophe sanitaire"
Ce chiffre de 115 millions d'euros, nous dit "l'ampleur de de la catastrophe sanitaire", réagit Irène Frachon, qui ajoute "après à côté de ce chiffre, il faut mettre le nombre de personnes concernées, et il y a plus de 3 700 victimes qui ont déposé des dossiers et pour qui on a la preuve et de la prise du médiator et de l'imputabilité des troubles cardiaques au médiator. Donc c'est absolument gigantesque ! Finalement ce chiffre n'est pas si élevé si on le rapporte au nombre de victimes."
Selon les victimes, "le verre à moitié vide ou à moitié plein !"
Le médecin brestois précise encore "Il y a des victimes, très gravement malades, avec des opérations à coeur ouvert, qui aujourd'hui sont mieux indemnisées, à hauteur de quelques centaines de milliers d'euros, ce qui représente en effet des sommes importantes, chez des gens, dont la vie a été détruite, et qui n'avaient plus aucun moyen financier de survivre, puisqu'ils sont en grande invalidité. Ça a été un combat qui a duré 7 ans pour obtenir des indemnisations correctes pour ces gens-là et c'est effectivement une satisfaction. A côté de ça, il reste des milliers de victimes dont les atteintes cardiaques sont plus modestes, mais qui les gênent tous les jours au quotidien et qui ont été indemnisées de façon dérisoire, de quelques milliers d'euros, ce qui n'est pas satisfaisant. Donc il y a un verre à moitié vide et à moitié plein dans le bilan de ces indemnisations!"
ITW : Irène Frachon, médecin pneumologue au CHU de Brest, recueillie par Gwenaëlle Bron et Yvan Frohberg
Le laboratoire Servier, obligé de payer, conteste toutes les demandes
Ce combat de 7 ans a été particulièrement difficile rappelle Irène Frachon, "car malgré ses promesses, le laboratoire Servier, conteste toutes les demandes, ligne à ligne. C'est à dire que tous les rapports d'expertises rendus sont contestés et Servier finit par payer car Servier est obligé de payer, du fait du processus mis en place par les pouvoirs publics, le ministre Xavier Bertrand en 2011. Et puis il y a eu un engagement très fort de Marisol Touraine d'abord et Agnès Buzyn pour que ce processus fonctionne. Un processus qui dit que si Servier n'indemnise pas, c'est l'Etat qui indemnise et qui se retourne contre Servier avec une pénalité de 30%. Le procès pénal par ailleurs se rapproche et effectivement Servier a tout intérêt à payer. Mais je peux vous dire, pour le vivre tous les jours, qu'il ne le fait pas 'gentiment', et c'est extrêment traumatique pour les victimes, et ça je le dénoncerai constamment : la façon dont les victimes ont été traitées pour obtenir une indemnisation à laquelle elles ont droit et surtout qui est vitale pour elles !" s'insurge la pneumologue.