"Allez, on trottine, on trottine": six détenus de tous âges, le visage abîmé par la vie ou beau gosse, sportifs ou non, mais tous "vulnérables", bénéficient d'un régime sportif de faveur à la maison d'arrêt de Brest pour les aider à relever la tête.
Six détenus ont assisté cette semaine à la séance organisée par quatre étudiants en troisième année de Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), au gymnase de l'établissement pénitentiaire, qui héberge 289 détenus pour 254 places. "Ce sont des détenus qui, soit sont particulièrement fragilisés par leur incarcération, soit ils ont des problèmes de santé ou des fragilités psychologiques, soit ils sont effrayés par la vie carcérale", explique à l'AFP Loïc Ben Ghaffar-Dumortier, adjoint au directeur du centre situé à la périphérie de Brest.
Démarche novatrice
"Ces personnes vont avoir tendance à se replier sur elles-mêmes et à ne sortir de leur cellule que pour aller prendre leur douche, et encore... ", poursuit-il, estimant que la démarche est plutôt novatrice dans le milieu carcéral. "Allez, on trottine, on trottine", les encourage en ce début d'après-midi Soizic Marrec, 21 ans, carré court châtain clair et large sourire aux lèvres. "C'est parti pour le marathon !" lui répond du tac au tac Armel, 64 ans, collier de barbe blanche, en s'élançant à petites foulées sur le terrain clos de murs blancs maculés de crachats. Après un échauffement de quelques minutes, les six détenus, qui en jogging, qui en jeans et tee-shirt, enchaînent les exercices de musculation, d'équilibre, de relaxation, d'adresse, mais également ludiques. "Tête, épaules, genoux, cuisses, chevilles, oreilles, joues, ventre...", Soizic énonce les parties du corps que les détenus, positionnés l'un en face de l'autre, doivent toucher des mains le plus rapidement possible.Puis la jeune étudiante lance: "coupelle!" C'est alors à celui qui va se baisser le plus rapidement possible pour attraper un petit cône souple placé entre les couples de joueurs.
'Sans rancune !'
Des éclats de rire fusent, même chez ceux dont les réflexes sont systématiquement moins performants. On se congratule: "Sans rancune !". "Rien qu'après 10 minutes d'échauffement ou d'exercices on voit toute la richesse qui se créé entre détenus et intervenants", souligne Loïc Ben Ghaffar-Dumortier. "Notre souhait est de faire de la pratique sportive une activité de réinsertion à part entière, et ceci pour tous", assure-t-il. "C'est bien pour se dépenser", témoigne avec timidité auprès de l'AFP Jordan, 21 ans, bas du crâne rasé, petit bouc au menton. "On entend mieux les consignes, qui sont aussi mieux respectées", poursuit-il, enveloppé dans un jogging rouge.On ne fait pas grand chose autrement, le temps ne passe pas très vite ici
Le jeune garçon trouve le temps long. "La plupart des primaires (ceux pour qui c'est la première fois en prison, ndlr) ont très peur de sortir de leur cellule. Ils ont peur de se faire casser la gueule", explique Armel, visiblement sûr de lui, qui a pu bénéficier de cette activité en raison de son âge.
"Ici les groupes sont réduits, c'est ainsi plus facile pour eux d'y participer", souligne Thomas Houdart, surveillant et moniteur de sport à la maison d'arrêt, expliquant que les séances de sport proposées habituellement se déroulent avec des groupes d'une quarantaine de détenus, tous les deux jours environ. Lancée début avril, à l'initiative des quatre étudiants en filière sportive à l'Université de Bretagne occidentale (UBO), l'activité va être pérennisée par l'établissement pénitentiaire, ouvert en 1990 et au sein duquel travaillent, toutes administrations confondues, quelque 150 personnes.