Procès du Mediator : une médecin de Brest dénonce un mensonge de Servier

La dissimulation présumée par le laboratoire Servier de la dangerosité du Mediator fait l'objet d'un nouveau procès à Paris. Un médecin de Brest qualifiant de "mensonge" une réponse du laboratoire datant de 2008.

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Le laboratoire Servier a-t-il sciemment caché la dangerosité du Mediator ? Au procès en appel à Paris, une médecin de Brest a qualifié, ce mercredi 9 mars 2023, de "mensonge" une réponse du laboratoire en 2008.

La défense du laboratoire a répliqué que toutes les informations sur le produit étaient disponibles. Le groupe pharmaceutique et son ex-numéro deux, Jean-Philippe Seta, sont rejugés depuis le 9 janvier, notamment pour "tromperie aggravée".

Déjà condamné à 2,7 millions d'amende en 2021

Pour l'accusation, le laboratoire a induit en erreur médecins et autorités sanitaires sur la toxicité du Mediator, et en particulier sur sa parenté avec l'Isoméride et le Pondéral, des coupe-faim retirés du marché en 1997 pour leurs effets indésirables cardio-vasculaires.

En première instance, en mars 2021, le groupe a déjà été condamné à 2,7 millions d'euros d'amende.

Depuis une semaine, les débats portent sur la surveillance des effets secondaires du Mediator, avec une interrogation : comment ce médicament, commercialisé depuis 1976, objet d'une enquête des autorités sanitaires depuis 1998 et de signalements d'effets indésirables à partir de 1999, n'a été retiré du marché qu'en 2009 ?

Citée à témoigner mercredi, Dominique Carlhant-Kowalski était directrice adjointe du centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Brest, structure chargée d'analyser et de faire remonter les signalements d'effets indésirables.

Sollicitée en 2007 par sa collègue pneumologue Irène Frachon, qui s'interrogeait sur le lien entre la prise de Mediator et la maladie d'une patiente, la pharmacologue ne trouve "pas grand chose" sur le médicament dans la littérature scientifique.

Elle s'adresse alors au laboratoire qui lui assure, le 7 avril 2008, que "tant en termes de structure chimique que de voies métaboliques", le Mediator "se distingue radicalement des fenfluramines", le principe actif de l'Isoméride.

"Circulez, y a rien à voir"

"Cette réponse est quand même assez "Circulez, y a rien à voir"", cingle la médecin, qui n'avait pas été entendue en première instance. Cette fin de non-recevoir de Servier ne calme pas son inquiétude.

Une recherche laborieuse lui confirme que Servier a bien transmis, en 1998, des documents établissant que le Mediator, une fois dans l'organisme, produit la même molécule que l'Isoméride. Cette substance, la norfenfluramine, peut entraîner une hypertension artérielle pulmonaire et délétère pour les valves du cœur.

"Mais on savait pas la quantité", et donc le potentiel de toxicité, assure Dominique Carlhant-Kowalski.
"Vous aviez cette information", s'emploie à démontrer François De Castro, avocat de Servier, citant le compte-rendu d'un comité de septembre 1998, qui évoque des concentrations de norfenfluramine dans le sang "équivalentes" pour le Mediator et l'Isoméride.

"Franchement, ça n'est pas clair"

"En 2008, quand on a commencé à chercher, je n'avais pas souvenance de ce point précis de 1998", répond Dominique Carlhant-Kowalski, ajoutant que les données évoquées sont "des schémas manuscrits, il n'y a pas de légende, on peut imaginer que le taux est le même, mais franchement ça n'est pas clair".

"La parenté structurale, l'inquiétude d'un transfert de prescription (de l'Isoméride interdit vers le Mediator), la présence de norfenfluramine : toutes ces données sont sur la table", la reprend Christian Saint-Palais, l'un des avocats de Jean-Philippe Seta.

"Je veux bien qu'on nous reproche notre manque de clairvoyance. Le mensonge c'est pas nous qui l'avons eu quand même", s'emporte la témoin, en référence à la réponse reçue du laboratoire en 2008.

"On a été assez baladé par l'histoire de la norfenfluramine dans les urines et le fait que les produits étaient quand même assez différents. Vous avez beaucoup insisté sur les données urinaires, et vraiment ça a été un problème pour nous", a affirmé Carmen Kreft-Donna, qui dirigeait l'unité pharmacovigilance de l'agence du médicament, avant d'être remerciée en 2011.

(Avec l'Agence France Presse)

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