Privé de football pendant le confinement du printemps 2020, Paul Lasne a remplacé le ballon par la plume. Le milieu de terrain du Stade Brestois publie "MurMures", son premier livre. Des chroniques intimistes qui montrent que l'écriture fut, pour lui, bien plus qu'un simple passe-temps.
Paul Lasne est footballeur professionnel. Il est aussi écrivain. Son livre "MurMures", né pendant le confinement du printemps 2020, rassemble une quarantaine de textes courts, les chroniques d'un quotidien cloîtré qui nous est tombé dessus du jour au lendemain.
Footballeur et écrivain. De quoi tordre le cou à l'étiquette habituelle qui colle aux joueurs aussi sûrement que de la terre sous les crampons. "Les préjugés ont la vie dure, c'est clair, constate le milieu de terrain du Stade Brestois. Les gens se focalisent sur les voitures et la playstation. Mais, dans le foot, il y a des mecs cultivés, qui s'intéressent à plein de choses". Et de citer la passion de ses co-équipiers Cristian Battocchio pour le chant et Irvin Cardona pour le piano.
"Petits plaisirs essentiels"
Paul Lasne s'est pris au jeu des mots. Son corps est à l'arrêt pendant ce confinement mais sa tête bouillonne. Écrire devient l'échappatoire. Jour après jour, pendant la sieste de ses enfants. Une petite lucarne de deux heures. Suffisant pour déposer sur le papier des impressions, des "instants de vie".
La plume remplace le ballon. Le cahier bleu, à portée de main, est un refuge volé au temps suspendu. "On a des vies très animées et on oublie souvent les petits plaisirs, les choses essentielles, souligne Paul Lasne, comme passer des moments en famille. Ça paraît bête à dire mais c'est une réalité. Le confinement m'a permis de savourer ces moments, de prendre du recul sur ce qui fait ma vie, ma carrière de joueur de foot, d'y réfléchir. C'est tout cela que j'ai mis en lumière dans mon livre : les choses ordinaires du quotidien, les choses que l'on a trop tendance à banaliser".
Ecrire était un moyen pour moi de m'extraire du confinement et de trouver un équilibre dans des journées qui pouvaient être routinières
"Pas trop chambré dans le vestiaire"
Paul Lasne offre des récits intimistes, imagés, où le banal se fait poésie. Les mots craquent, l'odeur du café vous saisit au détour d'une ligne. L'auteur jongle avec les émotions et dit, au fond, l'universalité de ces instants claquemurés.
Page après page, il photographie des scènes de famille, immortalise des souvenirs, sublime l'ordinaire. Ici la fabrication d'une tarte aux pommes avec sa fille, "Louise ne tient plus, écrit-il. Elle se dérobe, abandonne sa retenue et fait plonger ses doigts à l'assaut de la pâte. Elle lèche, déguste, claque de la langue". Là, une rêverie nocturne, le regard posé depuis une fenêtre sur les grues du port de Brest, "j'imagine ce monde remuant dans le contrepied du jour. Des ouvriers aux barbes grises et denses qui crachent une fumée froide". Là encore, une réflexion sur l'écriture, "bientôt un mois que nous regardons le dehors, bientôt un mois que j'écris mon intérieur".
Le footballeur brestois sait qu'il suscite la curiosité dans le vestiaire. "Je n'ai pas encore été trop chambré, rigole-t-il. Pour l'instant, les joueurs tendent l'oreille, me demandent de quoi parle le livre". Pas de football en tout cas, "aucun intérêt puisque il n'y avait ni matchs, ni entraînement", si ce n'est cette partie de ballon partagée avec son fils, où l'écrivain effleure son métier.
Ce livre m'a permis de prendre mon métier de footballeur avec un peu plus de hauteur de vue. Je relativise plus facilement qu'avant
Avec un père écrivain, on pourrait se dire que l'atavisme y est bien pour quelque chose, céder à la facilité et croire que, derrière la plume du milieu de terrain, se cache la figure paternelle qui d'ailleurs édite "MurMures". Paul Lasne réfute le parallèle.
Ce livre, il l'a bâti seul. Jusqu'à ce confinement, écrire ne lui avait même pas traversé l'esprit. Et il n'imaginait pas non plus transpirer autant au-dessus de ses petits cahiers bleus. "Ils sont très raturés, sourit-il. Écrire, c'est un long processus. Il y a l'esthétique et le plaisir de l'écriture parce que, parfois, on a l'impression que tout vient tout seul. Mais quand on se met à retravailler les textes sur l'ordinateur et que l'on se rend compte qu'il y a des choses qui ne vont pas, là, c'est le gros travail de réécriture qui commence. Je me suis tiré les cheveux plus d'une fois car c'est très difficile".
Je suis quelqu'un de pudique, je ne m'étends pas sur les réseaux sociaux ni ne montre ma vie privée. Mon livre révèle une part d'intimité sans que cela soit intrusif
Dans cet isolement, dans ces journées sans football, le joueur du Stade Brestois s'est ouvert une porte qu'il n'a pas l'intention de refermer de si tôt. "Le champ des possibles est infini. J'ai envie d'explorer plus de choses dans ma vie" souffle celui qui, ce dimanche, enfilera le maillot rouge et blanc face à Metz. Un chapitre de plus à une histoire entamée avec le ballon rond voilà plus de vingt ans.