Le Grand Hôtel de la Mer de Morgat veut retrouver de sa superbe. La mairie de Crozon l'a mis en vente pour en faire un haut lieu du tourisme quatre étoiles. Cet établissement fut autrefois très prisé de la bourgeoisie. Elle séjournait dans ce petit village de pêcheurs devenu station balnéaire sous l'impulsion d'un homme : Armand Peugeot.
Depuis la terrasse de l'hôtel, l'océan à perte de vue. Le soleil, ce jour-là, donne envie de flemmarder autour d'un verre, bercé par le roulement des vagues qui s'échouent sur la plage en contrebas.
Sur la presqu'île de Crozon, le Grand Hôtel de la Mer couve la baie de Morgat. Sa silhouette imposante et familière est le symbole d'une belle époque où les dames, vêtues de longues robes aux lignes souples et coiffées de grands chapeaux, et les messieurs en costume, venaient ici prendre leurs bains de mer. La bourgeoisie en vacances dans une station balnéaire du Finistère créée par la famille Peugeot à la fin du XIXe siècle.
A vendre
Toujours en activité et exploité par Belambra, l'hôtel est aujourd'hui à vendre. La commune de Crozon possède les trois-quarts du capital via une société d'économie mixte (SEM). Ce projet de vente vise la montée en gamme de l'établissement, en le transformant en quatre étoiles de haut standing. "Les moyens de la SEM, qui proviennent du loyer de l'exploitant, ne sont pas suffisants pour y parvenir, explique l'élu. La vente à un privé va permettre d'obtenir l'autorisation de monter en gamme".
Dans le contrat de vente, il est stipulé que l'acheteur devra continuer avec le même exploitant, mais aussi aménager un spa avec un couloir de nage ouvert au public, utiliser des produits locaux dans ses restaurants qui ne seront pas uniquement réservés à la clientèle de l'hôtel. "Nous voulons également que cet établissement serve à la formation des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration" ajoute Patrick Berthelot.
Peugeot à la manoeuvre
Le maire de Crozon qualifie le Grand Hôtel de la Mer "d'écrin de toujours. Il fait partie de l'histoire locale" dit-il.
Une histoire qui commence vers 1880 quand Armand Peugeot découvre Morgat. L'industriel franc-comtois, à la tête d'une entreprise déjà prospère qui produit des moulins à café, des outils de jardin et fabrique des bicyclettes, décide de créer une station balnéaire dans ce petit village de pêcheurs de la presqu'île.
Armand Peugeot se tourne vers l'architecte brestois Abel Chabal. Des villas et deux hôtels sortent de terre : l'hôtel de Morgat en 1884 et le Grand Hôtel de la Mer dont la construction durera quatre ans, de 1908 à 1912. "Il est situé sur des anciens marécages qu'il a fallu assécher, note Didier Cadiou, responsable du patrimoine à la mairie de Crozon. Cet hôtel marque le paysage par son architecture particulière. Il caractérise le développement du tourisme ici. Il était aussi destiné à recevoir les amis et la famille de Peugeot, qui arrivaient du Doubs, de Paris et même de Brest".
Lui rendre sa splendeur d'origine
La riche bourgeoisie française et britannique se retrouve autour d'activités de plein air. "Ils faisaient des randonnées sur les sites naturels, relate Didier Cadiou, visitaient les grottes, se baignaient dans des tenues très couvertes. Certains pratiquaient même la chasse aux oiseaux de mer".
Le Grand Hôtel de la Mer va rester entre les mains de la famille Peugeot jusque dans les années 80. L'établissement n'est plus le luxueux palace qu'il fut. Sa façade, qui convoque l'Art nouveau, fait encore illusion mais la belle époque est révolue. L'établissement a mal vieilli.
La commune de Crozon, épaulée par le Département du Finistère, se positionne alors pour lui rendre sa splendeur d'origine et en faire un centre de vacances trois étoiles. L'hôtel est rénové et agrandi.
C'est avec ce prestige d'antan que la mairie de Crozon souhaite aujourd'hui renouer, en voulant décrocher une quatrième étoile. D'autant, assure le maire, que "ce type d'établissement n'existe pas dans un environnement proche".
Si les crinolines et les cabines de plages ont disparu du paysage, le Grand Hôtel de la Mer de Morgat demeure un emblème du tourisme sur cette presqu'île finistérienne. Et compte bien le rester encore longtemps.