Ce mardi, c'était au tour d'Andrew Coles, le commandant du sous-marin HMS Turbulent, de témoigner devant la justice britannique. Un témoignage attendu par les familles des pêcheurs qui ont péri dans le naufrage du Bugaled Breizh. L'officier est resté à la barre une petite heure. Et n'a rien révélé.
"Andrew Coles avait l'occasion de faire la paix avec sa conscience. Il n'a pas choisi de le faire aujourd'hui". Dominique Tricaud, l'avocat des familles des cinq pêcheurs disparus dans le naufrage du Bugaled Breizh, ne mâche pas ses mots en sortant de la Haute Cour de Londres, après l'audition d'Andrew Coles, commandant du sous-marin HMS Turbulent.
Le témoignage à la barre de cet ancien officier de la Royal Navy était très attendu par les familles des victimes. Depuis dix-sept ans, elles soupçonnent le Turbulent de s'être pris dans les filets du chalutier et de l'avoir entraîné par le fond. Elles espéraient approcher de la vérité et enfin découvrir ce qui s'est passé le 15 janvier 2004.
"Il n'a répondu à rien"
L'audition d'Andrew Coles n'a duré qu'une petite heure. "Et il n'a répondu à rien, constate Me Tricaud. Il a juste récité la leçon qu'on lui a demandé d'apprendre".
L'officier de la marine britannique, aujourd'hui à la retraite, a donné une version en tout point identique à celle livrée, la veille et ce mardi matin, par le commandant Daniel Simmonds, un responsable des opérations sous-marines de la Royal Navy : au moment du drame, le submersible se trouvait à quai, à Devonport, l'une des trois bases opérationnelles de la marine anglaise près de Plymouth. "Nous n'étions pas du tout impliqués, a-t-il affirmé. Nous étions à quai".
"Aucun moment de vérité aujourd'hui"
Selon Andrew Coles, le Turbulent devait prendre part à des exercice de l'Otan prévus dans la zone à partir du 16 janvier, mais n'a pas pu le faire en raison d'une avarie. Le sous-marin, qui était stationné pour maintenance depuis le mois de novembre précédent, n'a repris sa navigation que le 19 janvier.
"On se doutait bien qu'il n'allait pas dire le contraire de ce que les galonnés anglais martèlent depuis deux jours, souligne Thierry Lemétayer, le fils du mécanicien du Bugaled Breizh. On peut même dire qu'ils lui ont bien préparé le terrain !". Et de poursuivre : "Cela ne tient pas debout. C'est là que l'on voit que la justice n'avance pas"
Pour Dominique Tricaud, "il n'y a eu aucun moment de vérité aujourd'hui. Le fait que le Bugaled Breizh a été coulé par un sous-marin est une certitude acquise par tous les gens sérieux".
Trois sous-marins en mer le jour du drame
Entendu à nouveau ce mardi matin par la Haute Cour de Londres, le commandant Daniel Simmonds, responsable des opérations sous-marines de la Royal Navy a, de son côté, estimé "impensable" qu'un sous-marin allié ait pu se trouver dans le secteur assigné aux exercices, qui impliquaient les marines de plusieurs pays, sans avoir notifié sa présence.
Tout aussi "impensable", selon l'officier, serait de falsifier le journal de bord d'un sous-marin ou les documents relatifs à ses mouvements : cela constituerait un "manquement grave" de nature à "éroder la confiance" entre pays alliés.
Communications officielles à l'appui, le commandant Simmonds a répété que seuls trois sous-marins se trouvaient en mer quand le Bugaled Breizh a sombré (l'allemand U22, le néerlandais Dolfijn et le britannique Torbay). Il a exclu que l'un d'eux ait pu se trouver à moins de cinq milles nautiques du chalutier. Des exercices de la Marine britannique étaient aussi programmés le jour du drame - sans sous-marins, selon Daniel Simmonds.
Depuis le 4 octobre, la Haute Cour de Londres tente de déterminer les causes du naufrage du Bugaled Breizh, survenu le 15 janvier 2004 alors qu'il pêchait au large des Cornouailles britanniques.
En France, une longue procédure judiciaire, clôturée en 2016 par un non lieu, n'avait pu trancher entre l'hypothèse d'un accrochage par un sous-marin et celle d'un accident de pêche.