Le commissaire Dupin, héros d'un polar à succès en Allemagne, muté de Paris vers la Bretagne en raison de son caractère revêche, est depuis 2012 le policier français le plus connu outre-Rhin, attirant des milliers d'Allemands sur les lieux de ses enquêtes.
Ce célibataire de près de 50 ans, "allergique aux prétentieux et aux autorités, détestant son bureau au commissariat" de Concarneau mais "aimant la conversation avec les petites gens" est né de l'imagination de Jean-Luc Bannalec, pseudonyme de l'écrivain allemand Jörg Bong, directeur de la maison d'édition Fischer à Francfort, envouté par la "magie" de la Bretagne.
L'écrivain, 51 ans, passe trois mois par an dans les terres de Merlin l'enchanteur et du seigneur Conomor, où il a acquis une maison. Sous sa plume, l'enquêteur arpente îles et terres comme un personnage des récits légendaires que les Bretons font vivre encore. Il conduit ses enquêtes seul. Parfois il mène sa propre enquête dans des affaires qui ne le regardent même pas.
Le commissaire "gourmand et gourmet", dopé à la caféine, amateur de produits locaux et naturels, a inspiré aux propriétaires du restaurant l'Amiral à Concarneau un catalogue de cent recettes: "la cuisine bretonne du commissaire Dupin" co-signé avec l'écrivain.
La version française de son cinquième roman, "Péril en mer d'iroise", est en librairie depuis le 22 mars.
Trois cadavres
Contrebande, conflit entre pêcheurs artisanaux et industriels, fonds marins en péril et recherche d'un trésor perdu en forment l'énigme. Trois cadavres sont découverts en trois lieux différents: ceux d'une pêcheuse professionnelle dans un local à filets de la criée de Douarnenez, d'une jeune chercheuse, spécialiste des dauphins dans un cimetière de l'île de Sein, et d'un professeur de biologie à la retraite, passionné d'histoire, sur la presqu'île de Crozon. En arrière-plan, le trésor d'Ys, une ville en baie de Douarnenez, engloutie par l'océan comme le veut une des plus célèbres légendes de Bretagne.Autres enquêtes: "Les marais sanglants de Guérande", en référence aux célèbres marais salants, "Étrange printemps aux Glénan", "L'inconnu du Port-Bélon". Le prochain roman sort en juin en Allemagne. Il aura pour théâtre la mythique forêt de Brocéliande (Morbihan), pays du roi Arthur ou du chevalier Lancelot.
"Les Bretons savent raconter des histoires", observe l'écrivain qui passe beaucoup de temps avec les habitants, traquant les récits les plus pertinents. "Les vieux connaissent l'histoire des lieux. Ils peuvent vous raconter des choses incroyables sur une pierre", s'enthousiasme l'ancien professeur de littérature à l'université de Francfort qui a d'abord écrit "des livres scientifiques sur l'imagination au 18e siècle".
L'amour de la Bretagne depuis de longues années
Sa carrière d'écrivain a commencé avec la Bretagne découverte à 16 ans lors de vacances. Ce fut une coup de foudre, avivé par Flaubert, l'auteur "préféré" de Jörg Bong, qui avait consacré un livre à cette région. "On a l'impression que vous avez toujours vécu en Bretagne", dit à son adresse Pascal Usureau, son distributeur. "On respire l'iode, le poisson quand on vous lit".Ici, "la nature est magique. Quand le soleil se lève, c'est irréel. Ce que vous ressentez est bien plus fort que ce que vous voyez", juge Bannalec. "La Bretagne se met toute seule dans les livres", ajoute avec modestie le discret écrivain rencontré à Douarnenez.
Trois millions d'exemplaires
En août 2016, il a reçu le prix Mécène du Conseil régional de Bretagne. En Allemagne, c'est le succès: près de trois millions d'exemplaires vendus et une série qui cartonne avec cinq millions de téléspectateurs, dont nombre viennent ensuite parcourir plus de 1 000 km afin de se mettre sur les pas de Dupin, un livre de Bannalec sous le bras.L'office régional du tourisme a créé une page dédiée sur son site, mentionnant les lieux où le commissaire promène sa silhouette. L'office a aussi créé des autocollants en allemand "lieux Dupin", explique Maud Gicquel à l'AFP. Après chaque numéro des enquêtes Dupin diffusée, il y a un "bond" du nombre de touristes allemands.
Le nombre de visiteurs allemands en Bretagne est passé de 550 000 en 2011 à 820 000 en 2017. Dans le Finistère, où enquête le fin limier, ils sont passés de 100 000 à 200 000.