L'Etat vient d'autoriser les armateurs à tester les marins pêcheurs et de commerce avant leur embarquement sur les bateaux. Une mesure qui n'est pas obligatoire mais qui répond à la demande des navigants.
Après deux mois à l'arrêt, les chalutiers de l'Armement Bigouden reprennent doucement la mer. "Les marins sont contents et surtout impatients de repartir" indique Soizig Palmer-Le Gall, la présidente de cette entreprise de pêche basée au Guilvinec, dans le Finistère.
Feu vert de l'État pour les tests
Epidémie de Covid-19 oblige, une prise de température sera effectuée avant d'embarquer. Pour ce qui est des tests virologiques dits RT-PCR, Soizig Palmer-Le Gall préfère laisser le champ libre aux patrons des douze navires de l'Armement. "Si l'un d'eux exige le dépistage, nous le ferons évidemment" dit celle qui, comme d'autres armateurs et navigants depuis des semaines, demandait à ce que les marins puissent être testés avant leur départ.
L'État vient de donner son feu vert à cette demande. Le 12 mai dernier, la cellule interministérielle de crise a validé un protocole qui donne la possibilité de procéder à des tests RT-PCR sur les marins s'apprêtant à embarquer pour une durée supérieure ou égale à sept jours.
Protocole de tests des marins avant embarquement
"Confinez-vous, si vous voulez retourner à bord"
"Pour les marins qui ont peur et besoin de se rassurer, ces tests ont une utilité, souligne la présidente de l'Armement Bigouden. Après, cela ne garantit rien et n'empêche pas d'attraper le virus. Les patrons de bateaux connaissent bien leurs équipages, savent comment ils fonctionnent. Le mot d'ordre avait été clair : confinez-vous si vous voulez retourner à bord !"
En tant qu'employeur, Soizig Palmer-Le Gall doit veiller à ce que les mesures sanitaires soient respectées sur ses navires : distance d'au moins un mètre entre les marins ou, à défaut, port du masque, limitation du personnel de quart en passerelle, repas décalés, etc. "Ce qui n'est pas évident sur nos petits bateaux. Certaines situations de travail font que les pêcheurs sont obligés d'être en contact les uns avec les autres". Un casse-tête certes, mais l'entrepreneuse du Guilvinec sait aussi que "le bon sens et le sérieux des marins sont un atout. Eux, on n'a pas besoin de leur dire de faire attention".
Un auto-questionnaire de santé est également à disposition des marins pêcheurs et de commerce pour savoir, notamment, s'ils ont eu de la fièvre, des symptômes de toux, etc. Autant de questions qui doivent ensuite être analysées par le service de santé des gens de mer. Service qui n'a pas reçu l'aval du ministère de la Transition écologique (dont il dépend) pour nous répondre.
Marins de commerce, situations de détresse
Du côté de la marine marchande, même si ce protocole de dépistage arrive tard, il reste néanmoins "un élément important, note Laure Tallonneau, inspectrice de la Fédération internationale des transports (ITF) à Brest. Sauf que rien n'oblige l'armateur à les réaliser". La jeune femme, qui se bat pour les droits des marins, gère, depuis le début du confinement, des situations de détresse et d'épuisement professionnel chez des navigants qui enchaînent les embarquements, faute de relèves d'équipages devenues difficiles, depuis l'apparition de l'épidémie, voire impossibles quand elles nécessitent un transport en avion. "La situation sanitaire liée au Covid-19 a rendu les choses très compliquées. Pour certains, c'est même catastrophique. J'ai eu un appel d'un marin français qui est bloqué en Afrique. Il ne sait pas quand il va pouvoir débarquer alors que cela fait douze mois qu'il est à bord d'un bateau."
Il faut aujourd'hui que des solutions soient mises en place pour rapatrier les marins chez eux
La question des relèves est devenue cruciale avec le déconfinement. "Et les conditions sanitaires dans lesquelles elles se passent aussi" précise Laure Tallonneau. "Enfin, quand elles ont lieu, ajoute l'inspectrice de l'ITF. Parce qu'il faut savoir que, pour les armateurs, moins il y a de relève, plus c'est intéressant financièrement pour eux puisqu'ils n'auront pas à payer les rapatriements". Elle indique que, côté français, les relèves sont en train de s'organiser. "Pour ce qui est des armateurs étrangers, là, c'est plus complexe. Sachant que la grande majorité des marins vient des pays pauvres, ils restent à bord, car ils n'ont pas le choix."