Extension d’élevages : une réglementation jugée trop assouplie par les associations environnementales

Des projets d’extension, comme celui d’un élevage porcin à Plougonvelin, le Gaec des Primevères, font des remous en Mer d’Iroise. Un collectif de riverains et des associations environnementales demandent au préfet une étude d’impact et une enquête publique.

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Ce n’est pas une affaire de personne, mais une question d’impact environnemental.

Annaïg Huelvan, adjointe à l'environnement à la mairie du Conquet

Annaïg Huelvan, élue de la commune du Conquet, située en aval de l’exploitation, rejoint les vives inquiétudes exprimées par le Collectif Sous l’épandage, la plage !, constitué de riverains, dont de nombreux membres de l’association Les Coquelicots.

"L’étang de Kerjan et la ria du Conquet sont des espaces d’une biodiversité remarquable. Ils méritent une grande vigilance en matière de qualité des eaux, qui s’écoulent dans le parc naturel marin d’Iroise. Une étude d’impact aurait permis de désamorcer le mouvement de protestation".

La double, voire triple casquette du porteur de projet, Bernard Gouerec, ne cristallise pas toutes les sources de mécontentement, même si elle interroge.
L’exploitant est aussi le maire de la commune de Plougonvelin. Il est également vice-président chargé de l’eau et de l’assainissement de la communauté de communes du pays d’Iroise.

"On peut s’interroger sur la délivrance du permis de construire", affirme l’élue conquétoise, "mais, il ne faut surtout pas réduire une interrogation environnementale légitime à une querelle électorale !"

Bernard Gouerec en doute, mais pour lui, l’important est de situer son projet d’extension dans le cadre d’une transmission à son fils. "Ce projet est un rassemblement de trois exploitations, en vue de l’installation prochaine de mon fils, Thomas".
 


L'éleveur cherche à rassurer


L'exploitant agricole se veut rassurant : "Une baisse d’effectif par hectare est prévue ; il y aura moins d’animaux en tout. L’épandage ne sera pas augmenté. Il s’agira d’un élevage modeste, une petite structure familiale".
Et d’ajouter, "les trois fermes avaient 197 truies, on atteindrait là 150 truies, avec une production de 4275 porcs charcutiers à l’année. Et on passerait de 105 vaches à 70. C’est, en outre, un projet Label Rouge, qui devrait garantir une qualité de production et de bien-être animal".

Sur le chapitre environnemental, il met en avant la construction de talus autour de toutes les parcelles, dans le cadre de Breizh bocage. Il s'est aussi doté d’un enfouisseur de lisier.

Ce qui ne convainc pas le collectif, qui organise la mobilisation : un rassemblement le 3 juillet dernier, où 130 sympathisants de l’association des Coquelicots et membres du collectif se sont réunis. A peu près le même nombre d’agriculteurs se sont invités, en soutien au maire-agriculteur.

Le collectif a mis en ligne aussi une pétition, qui a recueilli plus de 3000 signatures à ce jour. Il s’inquiète "d’un épandage massif dans des zones déjà surveillées pour leur concentration en nitrates d'origine agricole", et interroge "Comment se fait-il qu'un tel dossier soit soumis à la procédure d'enregistrement et non à la procédure d'autorisation ? Dans le dossier déposé en préfecture, les enjeux environnementaux n’ont en effet été que très peu développés, voire pas du tout."
 

Or, l'installation et ses nombreuses zones d'épandage se situent, précisent-ils, à proximité immédiate d’une zone Natura 2000, d’une zone vulnérable (ZNPV) et zone d'excédents structurels (nitrates d'origine agricole), d’une ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) et d’une zone d'action renforcée en raison de la mauvaise qualité des eaux pluviales de surface, chargées en nitrates, sans compter le parcours ornithologique de la mairie du Conquet.

Les associations environnementales montent au créneau


Le dossier a fait l’objet d’une consultation publique en mairie de Plougonvelin et en préfecture, du 22 juin au 19 juillet dernier.

L’association Bretagne Vivante y a apporté sa contribution, dans laquelle elle s’étonne en premier lieu que "la présentation du dossier soumis à consultation n’ait jamais fait état du regroupement de trois exploitations et de la diminution du cheptel, qui s’ensuivrait". Une présentation "très embrouillée de ce qui est prévu à épandre".

Elle rappelle, par ailleurs, que le PLU de la commune de Plougonvelin souligne bien que "que les secteurs urbanisés actuels et futurs de la commune de Plougonvelin sont situés dans le bassin-versant de Kermorvan et qu'il est donc important de tenir compte de cette entité hydrographique, car toute dégradation en amont peut indirectement entraîner des effets en aval sur les sites Natura 2000, qui sont essentiellement maritimes".
"L’augmentation des rejets d’eaux usées et pluviales liée à l’urbanisation pourra entraîner un risque de pollution des eaux dans le milieu récepteur, la mer d’Iroise"
.
 

Déposition de l'association Bretagne vivante


Elle invoque, à ce titre, un risque "d’épandages et d’apports d’azote cumulés du bassin-versant de la ria", avec la présence d’autres élevages dont le GAEC Perrot, "qui dénombre déjà à lui seul 3760 équivalents-porcs".

Elle ajoute que "ces exploitations fonctionnent selon un modèle agro-industriel, qui implique une culture intensive de céréales pour l’alimentation des animaux. Elle peut s’avérer responsable de fuites d’azote et de toxiques indésirables en direction des cours et plans d’eau".

Dans une lettre ouverte adressée au préfet ce mercredi 22 juillet, l’association Eau et Rivières de Bretagne et son association membre, Baie de Douarnenez Environnement vont plus loin. Elles demandent au préfet du Finistère de donner un avis défavorable aux créations et extensions d'élevage industriel dans le périmètre du Parc naturel marin d'Iroise. Elles pointent du doigt ce projet d’extension et celui de Pouldergat, ainsi que celui de création d’un poulailler industriel sur la commune du Juch.

"Les associations, la population, mais aussi le monde agricole ont besoin de cohérence et de clarté pour se positionner face aux enjeux qui se présentent et ainsi pouvoir engager la nécessaire transition agricole de nos territoires".
Elles invitent le préfet à "prendre des décisions conformes aux orientations données par le Président de la République et aux propositions de la convention citoyenne pour le climat".

D’autres voix se sont aussi élevées, comme celles de l’association Avenir et environnement en pays d’Iroise.


Des procédures d’extension trop allégées pour mesurer l’impact réel environnemental, d’après les associations

Les associations estiment que "pour ces dossiers, la procédure d’autorisation devrait être préférée à un simple enregistrement et le Parc naturel marin d’Iroise, plus souvent associé dans la préparation des décisions sur la forme et sur le fond" avance Bretagne Vivante.

Le projet d’extension à Plougonvelin a été soumis à une simple procédure d’enregistrement en préfecture, après consultation publique, car l’exploitation se situerait en dessous du seuil de 750 truies ou de 2000 emplacements pour les porcs charcutiers. Au-delà de 2000 animaux, une autorisation est requise.

C’est le fruit d’un assouplissement, qui avait été proposé, dans un amendement par le député UMP des Côtes-d'Armor, Marc Le Fur. Retoqué par l'Assemblée nationale en 2010, il avait été finalement repris en 2014 par le gouvernement. Les éleveurs plaidaient, alors, pour une diminution des contraintes administratives lourdes, dans un contexte de fragilité de la filière économique porcine.

Les associations parlaient de "déclaration de guerre à la politique environnementale", à l'époque et ne cessent, depuis, de dénoncer cette réglementation assouplie. "Elle dispenserait la plupart des projets d’extension ou de création d’élevages d’enquête publique et d’étude d’impact sérieuse, ainsi que de la saisine du Parc marin naturel d’Iroise".
 

On souhaiterait une meilleure prise en compte de la capacité milieu à absorber et non pas une analyse des dossiers, en fonction du nombre de bêtes. La Ria du Conquet, zone Natura 2000, est menacée par un développement croissant d’algues vertes, signe que le bassin versant est déjà sursaturé de nutriments.


La préfecture affirme tenir compte de l'environnement


La préfecture du Finistère, que nous avons sollicitée, objecte qu’elle tient compte de l’environnement dans sa totalité.
Elle rappelle que "le dossier de Plougonvelin a été examiné par la DDPP, la Direction départementale de la protection des populations, qui l'a déclaré complet et régulier. Sur cette base, il a été soumis à consultation du public" et ajoute que "les avis seront donnés au terme de l'instruction des dossiers".

Sollicité également, le Parc naturel marin d’Iroise nous a répondu, par le biais de la Présidente de son conseil de gestion, Nathalie Sarrabezolles, "qu’il serait bien que le Parc soit plus souvent consulté pour ce type de projet. Et que des éléments d’analyse plus précis soient fournis, comme des données élargies à l’échelle d’un bassin versant pour avoir une vision complète de l’impact sur le milieu. Il est difficile de se faire une idée, quand on avance projet par projet. Il faut des informations fiables, objectives et indépendantes, sans tomber dans l’écueil de la suradministration. Il faut, en effet, apporter des réponses rapides".

Pour René Louail, ex-conseiller régional EELV, "il faut que l'on change la manière de produire et qu'on réintroduise, dans les zones fragiles, l’élevage de cochons sur paille. Actuellement, la législation encourage encore trop souvent la concentration des exploitations".

Le débat est loin d’être clos en matière d’agrandissement des élevages.

 
 
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