La plage des Sables Blancs est la plus prisée de Concarneau (Finistère). Sur son sable fin, on y vient en famille pour profiter des activités proposées en été. A l’hiver 1930-1931, Georges Simenon y séjourna. L’endroit lui inspira deux enquêtes du commissaire Maigret.
La villa dans laquelle Georges Simenon vécut borde toujours la plage des Sables Blancs. Elle fut construite en 1928 par un horloger-bijoutier de Concarneau, Albert Gloaguen, qui la destinait à ses trois fils.
Elle fut donc divisée en trois parties et porte aujourd’hui encore les numéros 11, 13 et 15. Georges Simenon habitait au 13.
Une retraite studieuse
« On ne sait pas pourquoi Georges Simenon est venu spécialement sur cette plage. Est-ce quelqu’un à Paris qui lui en a parlé? A-t-il-vu une petite annonce dans un journal ? On ne sait pas » explique Christine Labbé, guide conférencière du service Patrimoine à la Mairie de Concarneau.
Ce qui est certain, c’est que Georges Simenon cherchait un endroit calme où il puisse travailler.
« Georges Simenon, ajoute Jean-Paul Ollivier, auteur de « Concarneau et l’univers de Georges Simenon », avait plusieurs ouvrages à finir pour sa maison d’édition Fayard. Il s’était engagé, il fallait qu’il vienne quelque part pour écrire ! »
Georges Simenon arrive à l’hiver 1930, en novembre ou décembre on ne sait pas exactement. Il quittera les lieux en février 1931.
A l’époque, la plage des Sables Blancs est située à Beuzec-Conq, une commune qui n’avait pas encore été rattachée à Concarneau. La plage était donc éloignée de la ville. Un endroit idéal pour un séjour studieux.
« Il s’astreint à écrire tous les jours » raconte Christine Labbé. « Il écrit pratiquement une centaine de pages par jour. Il se met à une table sur une chaise, devant la mer, devant la plage et il écrit. »
Et quand il n’écrit pas, l’auteur se balade.La plage des Sables Blancs, bordée de quelques villas, et, entre autres, d’une somptueuse demeure méritant le nom de château et appartenant au maire de la ville, s’étire entre deux pointes rocheuses, à trois kilomètres de Concarneau.
« Il se promenait tous les jours sur la plage des Sables Blancs » rappelle Jean-Paul Ollivier. « Il aimait cela. Il allait sur les rochers dans la partie est de la plage avec son chien Olaf. »
Sous le signe de Concarneau
Georges Simenon partait aussi humer l’atmosphère de la ville voisine.
« Il a l’œil d’un photographe, il observe la ville, les bruits » souligne Christine Labbé. « Il prend des notes qui vont lui servir à écrire après son retour de Concarneau, en 1931, « Le Chien jaune », le premier livre où il est question de Concarneau. »
Concarneau inspirera aussi à Georges Simenon un autre roman pour sa série des « Maigret » : « Les Demoiselles de Concarneau » publié en 1936.
Dans son livre « Concarneau et l’univers de Georges Simenon », Jean-Paul Ollivier, natif de la ville bleue et lecteur avide des « Maigret », s’est amusé à recenser toutes les références faites à la cité portuaire dans l’œuvre de Georges Simenon.
« Dans onze ouvrages, sans compter « Les Demoiselles de Concarneau » et « Le Chien jaune », il est fait référence à Concarneau. C’est parfois un mot, trois lignes, dix lignes, parfois un chapitre entier… On ne peut pas ne pas aimer Concarneau quand il a écrit ce qu’il a écrit » sourit Jean-Paul Ollivier. « On peut dire que Concarneau est entrée dans sa mémoire. »
Entre réalité et fiction
Au point de pouvoir décrire la ville et y situer une intrigue sans y être car quand il a écrit ses romans, Georges Simenon n’était pas à Concarneau : il n’écrivait jamais ses livres à l’endroit même qu’il décrivait.
« Il a littéralement collé à Concarneau. On peut se balader avec « Le Chien jaune », on a tous les aspects de la ville : la mentalité concarnoise, les descriptions sont parfaites » ajoute Jean-Paul Ollivier.
« Quand il décrit la plage des Sables Blancs, il parle d’un hôtel qui est en construction et effectivement il y a un hôtel en construction à l’hiver 1930 quand Georges Simenon est là » souligne Christine Labbé.
L’Hôtel des Sables Blancs existe toujours. Il est aujourd’hui une institution de Concarneau comme l’est aussi le Bar de l’Amiral situé face aux remparts de la ville close.
Cet établissement doit son nom à Georges Simenon. Auparavant, il s’appelait le Gand Hôtel de Concarneau.
Dans « Le Chien jaune », le commissaire Maigret en fait son QG, le temps d’élucider une série de meurtres.
Dans le roman, Georges Simenon le rebaptise l’hôtel de l’Amiral. La réalité a rejoint la fiction puisque depuis, ce nom lui est resté.
Il s’en alla, les deux mains dans les poches, le col du pardessus relevé, le long de la plage des Sables Blancs.
Sur les pas de Maigret
Il est donc très facile aujourd’hui encore de marcher sur les pas de Georges Simenon et de son enquêteur Maigret.
« Lors des visites guidées du centre-ville et du cœur historique » souligne Christine Labbé, « on passe devant le Grand Hôtel, l’hôtel de l’Amiral dans « Le Chien jaune ».
On poursuit dans la ville close où Simenon est passé. On sait aussi qu’il a pris notre fameux petit bac, qu’il s’est rendu au Passage de Lanriec où il situe l’intrigue des « Demoiselles de Concarneau ». Tout cela existe encore, on peut le voir ! »
La ville close est celle qui a le moins changé depuis le passage de Georges Simenon.
La plage des Sables Blancs quant à elle, est devenue la plage principale de Concarneau, bordée, de tout son long, d’immeubles et de villas qui n’existaient pas à l’hiver 1930-1931.
Or, il ne faut qu’un rayon de soleil pour transformer Concarneau, car alors les murailles de la vieille ville, lugubres sous la pluie, deviennent d’un blanc joyeux, éclatant.
Concarneau est la seule ville de Bretagne présente dans l’œuvre de Georges Simenon. La cité portuaire en est fière.
Depuis 1993, elle accueille chaque été, excepté cette année en raison de la crise sanitaire, le festival « Le Chien jaune » dédié à la littérature policière.
Concarneau, terre de polars décidément ! Depuis 2012, Maigret a trouvé un héritier en la personne du commissaire Dupin, policier à Concarneau né de l’imagination d’un écrivain allemand amoureux de la Bretagne.