Vent de fronde dans le village de Plouégat-Guérand, près de Morlaix, dans le Finistère. La petite commune de 1065 habitants s'est battue pour garder les noms bretons de ces 140 lieux-dits. Une nouvelle loi instaure en effet une obligation d'adressage (donner un nom de rue ou de chemin et numéroter toutes les maisons) pour faciliter la distribution du courrier, des livraisons et des secours. Dans un premier temps, il était question, selon La Poste, de rajouter des mots français aux toponymes bretons.
C'est une loi avec un nom un peu barbare : la loi 3DS qui a déclenché la résistance du petit village de Plouégat-Guérand, là où fleurent bon les hameaux et les lieux-dits aux noms évocateurs comme Kerlhalon Braz, Kerhalon Bihan, Kervennou Corvez. Tous ces endroits baptisés en Breton par les anciens et qui commencent par Ker, qui désigne un lieu habité, un domaine, un hameau.
L'obligation d'adressage
Car cette loi impose une "obligation d'adressage" à toutes les communes de moins de 2000 habitants. De quoi s'agit-il ? De rendre l'adresse de chaque habitant plus facile à identifier en donnant un nom aux voies et lieux-dits et en numérotant toutes les maisons avant janvier 2026. Sur le fond, le maire, Renaud de Clermond-Tonnerre, est entièrement d'accord. "Le principe est tout à fait logique. On sait que pour des raisons de sécurité, pour les pompiers et les ambulances ou pour les livraisons et les transports, c'est plus efficace pour se repérer."
La commune s'adresse d'ailleurs à La Poste pour l'aider à réaliser un travail d'étude sur ces questions d'adressage. Mais quand celle-ci annonce qu'il faudra indiquer en français, devant les noms des lieux-dits, s'il s'agit d'une route, d'un chemin ou d'une allée, cette harmonisation passe mal. Ici, on compte 140 lieux-dits le long de 50 kilomètres de chemins creux, soit 20 % des adresses de la commune.
Nos noms de lieux-dits font partie de notre patrimoine
En effet, si cette standardisation a du sens pour des raisons évidentes de géolocalisation, comment l'imposer aux habitants, quand les intitulés bretons ont pris place ici depuis des générations ?
Nous voulons garder la poésie et le charme de nos toponymes. Cela fait parti de notre patrimoine. Nous ne voulons pas céder à la standardisation.
Renaud de Clermond-TonnerreMaire de Plouéguat-Guérand
En s'appuyant sur le guide de conseil du Pays de Brest, l'élu a pu demander à La Poste de revoir sa copie. En effet, ce guide recommande de "sauvegarder et valoriser les dénominations, témoins plusieurs fois séculaires des rapports culturels des Bretons aux paysages et conseille de ne pas introduire de catégorisation "lieu-dit' devant un lieu-dit, car il ne fait pas partie du nom propre." En clair, pas besoin de changer par exemple Traon Dour en route de Traon Dour, puisque le nom breton induit déjà la notion de route !
La Poste a fait machine arrière et précise qu'elle s'adaptera aux décisions de la commune. Le choix final des nouvelles adresses relevant de la compétence des élus locaux.
Des numéros seront en revanche bien ajoutés sur des nouveaux panneaux pour mieux identifier les adresses des habitations.