Alors que ce 31 mai 2022, des centaines de personnes du secteur médico-social manifestent partout en France. A Mohon, Claudine Lalycan se désespère. Le malaise de la profession, elle le vit au quotidien. Son centre d’Aide à Domicile en Milieu Rural est à la recherche de salariés pour faire face aux besoins des anciens et ne trouve pas.
"Je n’ai jamais vu ça" se lamente Claudine Lalycan. Elle travaille à l’ADMR de Mohon depuis 1984. Normalement, ils sont une quarantaine à aller et venir, de maisons en maisons pour s’occuper des personnes âgées. En cette fin du mois de mai, ils ne sont plus que 26.
Francis Mahieux, son président partage ses inquiétudes. "L’association a organisé un job dating il y a quelques jours, nous n’avons pas eu une seule visite, pas une seule. En Bretagne, ce jour, on compte 6 615 postes non pourvus dans le secteur de l’aide à domicile."
Certains nous disent Vous êtes mon rayon de soleil !
Claudine Lalycan, ADMR Mohon
"Ça me fait mal au cœur", poursuit Claudine," je n’ai jamais voulu laisser quelqu’un de côté. Ce sont des gens qui ont besoin de nous. En plus des tâches que l’on accomplit, c’est un soutien qu’on apporte, parfois, nous sommes les seules personnes qu’ils voient dans la journée. Certains nous disent, " Vous êtes mon rayon de soleil !""
Obligés de trier !
L’ADMR de Mohon couvre six communes du Centre Bretagne, Saint-Malo-des-Trois-Fontaines, Mohon, Guilliers, Ménac, Evriguet et La Trinité-Porhoët. Les salariés interviennent au domicile de 320 personnes.
"Notre doyenne va fêter ses 100 ans en aout. Elle est chez elle, et elle veut y rester, elle a dit je veux mourir chez moi. C’est pour cela que je veux faire le maximum" témoigne Claudine Lalycan. Mais le maximum, elle le fait déjà explique son président, en plus de son poste de secrétaire, elle se rend chez certains anciens pour boucher les trous dans le planning.
Ce matin, Claudine a encore reçu encore trois appels. Des familles qui demandent notre présence. "Je n’arrive pas à dire "Non", dit-elle, mais je ne sais plus quoi faire." Elle a déjà été contrainte à établir une liste d’attente et sait que le pire est à venir.
"On va être obligés de trier, admet –elle douloureusement. Il y a des gens qui recevaient deux ou trois visites par semaine qui n’en n’auront plus qu’une. On va arrêter le ménage et les vitres, pour se consacrer à l’urgent ! Evidemment, pour ceux pour qui notre passage est vital, on continuera à venir."
Un métier difficile
Dans certaines maisons, les salariés de l’ADMR interviennent jusqu’à trois fois par jour. Pour lever la personne, la faire manger, la coucher.
"C’est un métier dur," reconnait Francis Mahieux, "il faut parfois être présents le matin très tôt pour le lever et le petit déjeuner, puis être encore là le soir pour le coucher.
On a voulu fermer les lits d’hôpitaux, on a renvoyé les gens chez eux mais maintenant, il faut des gens pour s’en occuper !"
"L’espérance de vie augmente, constate le président de l’association, mais avec le vieillissement, certains cas deviennent très lourds et puis, il y a les difficultés physiques, et toutes les maladies dégénératives, Alzheimer, Parkinson…"
Et un métier mal connu
"Les gens ont une mauvaise image du métier, remarque Claudine. Certains pensent que notre tâche consiste à faire du ménage, mais c’est bien plus que cela, chaque personne est différente, chaque maison est différente, chaque histoire est différente.
Parfois, on passe un coup de balai, d’autres fois, on nous demande de faire un gâteau. Et pendant qu’on cuisine avec la dame ou le monsieur, on discute, les odeurs de chocolat ou de pommes chaudes se répandent dans la maison et ça leur donne envie de manger. C’est un métier tellement beau !'
Mais un métier tellement beau !
"Le métier a été revalorisé, pour 120 heures par mois, le salaire brut est de 1 350 euros. Mais il faut faire plus," développe Francis Mahieux "comme cela, on pourrait recruter et on fatiguerait moins ceux et celles qui sont en poste."
Nous permettons aux gens de rester vivre à leur domicile.
Claudine Lalycan, ADMR Mohon
"L’état doit faire un effort pour que la profession soit reconnue comme celle d’aide-soignante ou d’infirmière. Nous avons un rôle très important" insiste Claudine. "Nous permettons aux gens de rester vivre à leur domicile."
Pour parer à l’urgence, Claudine a rappelé deux salariées qui étaient récemment parties à la retraite. Elles ont accepté de venir donner un coup de main cet été, mais "ça devient grave" expose-t-elle.
L’association est à la recherche de sept personnes." On ne demande pas de diplôme, on peut même former les gens " précise Claudine. Elle ne peut, ni ne veut se résoudre à dire "Non" à des personnes âgées qui l'appelleraient à l'aide.
CV et lettre de motivation sont à envoyer par mail à triniteporhoet@admr56.com ou par courrier à Rue de la Mairie, 56490 Mohon.