Manque de moyens dans les Ehpad, "cela fait 15 ans que l'on crie dans le désert"

Au début des années 2000, Joëlle Le Gall a fondé la Fédération Nationale des Associations et Familles des Personnes Agées. Quand le livre de Victor Castanet "Les Fossoyeurs" sur la maltraitance dans les établissements d'Orpéa, est sorti, elle a retrouvé dans ces pages tout ce qu’elle dénonce depuis des années. Elle vient d’adresser une lettre ouverte à la ministre des solidarités, Brigitte Bourguignon.

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"Il n’est pas question que j’aille avec tous ses vieux !" Quand le père de Joëlle Le Gall est arrivé dans l’Unité de Soins Longue Durée et qu’une aide-soignante lui a annoncé qu’elle allait le conduire à la salle à manger, les choses ne se sont pas déroulées exactement comme prévu. "Nous, on espérait qu’il allait pouvoir finir sa vie dans de bonnes conditions, confie Joëlle, ce n’était pas très bien parti !"

Comme elle ne voulait pas alourdir le travail du personnel, Joëlle Le Gall a proposé de venir lui donner ses repas le midi et le soir. En y allant tous les jours, elle a vu ce qu'il se passait.

"On lui donnait un bain tous les deux mois, quand il sonnait pour que quelqu’un vienne changer ses protections, le personnel arrivait des heures plus tard, la nourriture était immangeable. Et c’était pareil pour les autres."

Joëlle Le Gall avait beau interpeller les infirmières, les médecins, rien ne bougeait. Alors, elle a fondé l’association Bien Vieillir Ensemble et commencé à essayer de faire bouger les choses. "On a fait comprendre au personnel des maisons de retraite que l’on n’était pas là pour les attaquer mais pour comprendre ce qui n’allait pas".

En Bretagne, les personnes âgées représentent 29% de la population. "Elles ont le droit de finir leurs jours de façon digne et respectueuse. Cela fait 15 ans que l’on dénonce ce qui se passe et que nous ne sommes pas entendus."

La personne âgée n’est pas un produit marchand

Joëlle Le Gall vient d’adresser une lettre ouverte à la ministre des solidarités. "Madame la Ministre, écrit-elle, le coût des EHPAD publics et associatifs, c’est l’omerta. Si le coût de l’hébergement concernant les EHPAD à but lucratif (cotés en bourse) est révoltant, il l’est aussi pour les EHPAD publics et associatifs à but non lucratif : 2.300 euros en moyenne nationale face à des retraites bien inférieures pour un grand nombre de citoyens. Aujourd’hui on rejoint un établissement par obligation : AVC, Parkinson, Alzheimer, maladies cardiaques, et non pas par choix comme si nous recherchions un bon hôtel pour nous accueillir."

"Quand on demande autant d’argent à une personne, ce devrait être le nec plus ultra, résume Joëlle Le Gall, mais ce n’est même pas le cas."

Des moyens matériels et humains

Le taux d’encadrement dans les établissements en France est de 0,56%. "Un peu plus d’une demi-personne par résident, c’est très insuffisant. On parle parfois de la maltraitance du personnel dans les Ehpad, là, c’est de la maltraitance de l’Etat sur ce personnel. "

"Quand on a des financements qui ne sont pas à la hauteur, les gens ne veulent plus faire ce métier. Ils ont appris les bonnes pratiques, mais ils sont bousculés, il faudrait qu’ils aillent d’une chambre à l’autre en patins à roulettes. Ils sont en souffrance alors ils quittent la profession et vont ailleurs." Joëlle Le Gall insiste donc sur l’urgence à revaloriser les salaires des soignants. "Il faut tout repenser ! "répète-t-elle.

La médecine fait des progrès constants, la durée de vie s’allonge, mais les maladies ne disparaissent pas. Les établissements doivent être dotés de plateaux techniques et de soignants en nombre suffisant.

Un regard extérieur


"Les familles doivent avoir un droit de regard sur l’accompagnement de leur parent et pouvoir s’exprimer sans crainte" poursuit la lettre. Joëlle Le Gall détaille, "dans les Conseils de Vie Sociale, tels qu’ils existent, les résidents n’ont pas très envie de se plaindre de peur des représailles, leurs familles se taisent aussi pour que leurs mots ne se retournent pas contre leur proche, les élus qui sont souvent membres des conseils de surveillance ne veulent pas de vagues. Il faut des contrôles, sinon on continuera à lire des livres comme Les Fossoyeurs ! "

Les personnes de deviennent pas des sous-citoyens le lendemain de leur soixantième anniversaire. Un citoyen doit rester un citoyen à part entière, de sa vie à sa mort.

Joëlle Le Gall,

présidente Bien Vieillir Ensemble en Bretagne

"Nous vous prions de croire à notre bonne volonté pour continuer à réformer notre système de santé" écrit Joëlle pour terminer sa lettre, et au téléphone, elle ajoute comme pour prévenir, "cela fait 15 ans que je me bats, et jusqu’au bout, je mettrai toute mon énergie pour changer le système."

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