Avant le grand défilé des Gras qui se déroulera ce dimanche, à Douarnenez, dans le Finistère, chacun se prépare et peaufine son déguisement. Ambiance dans les coulisses de ce carnaval qui va durer cinq jours.
Dans un hangar, sur le port du Rosmeur, à Douarnenez, ils sont une dizaine à s’être donné rendez-vous ce samedi matin. Ils arrivent les bras chargés de bateaux. En carton, en tissu, de différentes tailles, différentes couleurs.
"T’as testé le tien ?" demande Jacques alias Jakez qui fignole sa petite embarcation dans un coin. Il l’a baptisée "La Belle poule", clin d’œil à la goélette qui sert à l’entraînement de la Marine nationale "où j’ai failli faire mon service militaire" remarque Jakez. En haut du mât : une petite poule en peluche. L’unique voile est en satin, le matériau de prédilection de ce retraité. Sa marque de fabrique. "Un déguisement de Jakez sans satin, impossible" sourit Raymond.
"Va falloir chanter fort, les gars"
Voilà donc le groupe "A voile et à vapeur" des Gras au grand complet avant que ne sonne l’heure de midi. "Vous voyez ces voiles, dit Christine, en montrant le bateau de pirate construit par son mari, Jean-Pierre. Elles sont faites dans la première couette que nous nous sommes achetés après notre mariage. Comme quoi, tout peut servir !" s’amuse celle qui a donné son nom de jeune-fille à son bateau : "Le Baron".
Françoise, que tout le monde ici appelle Soaz, débarque à son tour. Et avec elle la banderole du groupe qu’elle portera fièrement. Soaz, elle défile aux Gras depuis l’âge de 14 ans. Elle en a 58. Pour rien au monde, elle ne manquerait ce carnaval. "Je l’ai même fait enceinte, se souvient-elle. J’ai cru que j’allais accoucher pendant le défilé". Pour elle, les Gras, "c’est LA fête de l’année où on peut s’éclater, se libérer de tout, être dans la dérision. J’adore ça, la dérision".
En 2006, cette infirmière dans le civil est même choisie pour endosser le costume du Den Paolig, le roi du Carnaval chargé de veiller sur les festivités pendant cinq jours. "Une grande fierté, confie-t-elle. Je l’ai pris comme une reconnaissance du groupe que nous formons aux Gras depuis des années". Ce groupe qui, pour l’édition 2022, investira les rues de Douarnenez dans une parodie des Fêtes maritimes. D’où les bateaux.
Soaz, Raymond, Christine, Jean-Pierre et les autres – ils sont une bonne vingtaine – défileront grimés en pirates, leur embarcation bien arrimée autour de la taille et aux sons de chants marins. "Ceci dit, j’ai vu que l’on serait derrière une fanfare dans le cortège, va falloir chanter fort, les gars" lance Jean-Pierre.
Dans le garage de Jean-Charles et Martine
Plus haut dans la ville, où l’on croise déjà ce samedi des habitants costumés, se trouve ce que les participants aux Gras appellent gentiment "le bar illégal". Celui de Jean-Charles et Martine. En fait de bar, il s’agit de leur garage dans lequel ils s’activent avant le jour J. Au programme : la préparation de trente litres de vin chaud, "mais sans alcool" tiennent-ils à préciser, qui sera distribué dimanche gratuitement à ceux et celles qui veulent faire une courte pause pendant le défilé. "Il y aura aussi des gâteaux, des bonbons, de l’eau, des sodas, du café, du thé" souligne Martine.
Pour qui pratique les Gras, "le garage" est au carnaval de Douarnenez ce que les stands de ravitaillement sont aux courses à pied. Avec en prime, guirlandes de guinguette, lampions et Jean-Charles aux platines car l’homme, collectionneur de vinyls – il possède plus de 10.000 33 Tours chez lui, sans parler des 45 Tours – entend bien "ambiancer" le passage des Gras sous ses fenêtres. "C’est notre joie des Gras d’ouvrir le garage et de proposer tout cela, raconte Martine. Comme on est un peu fatigués pour défiler, on participe de cette manière depuis une dizaine d’années".
Ce dimanche, le grand défilé prendra le départ à 14 h 30. Chars, batucadas, fanfares résonneront à travers les rues de Douarnenez. "On a hâte, relate Soaz. On attend ce moment depuis deux ans car on a tous besoin de se retrouver et de s’amuser".