Une plage, une histoire : Saint-Nicolas à Port Manec’h, coup de cœur du collectionneur américain Albert Barnes

Située à Névez (Finistère), Port Manec’h et sa plage de Saint-Nicolas furent un haut lieu de villégiature à la Belle Époque. Albert Barnes, un collectionneur d'art américain, y séjourna pendant de nombreux étés, attiré par la présence, non loin de là, des peintres de Pont-Aven.

Une vingtaine de cabines de bain en bois, peintes en blanc, témoignent aujourd’hui encore du passé de la plage. À la Belle Époque, il y en avait une soixantaine. Les premiers estivants découvrent Port Manec’h sur les pas des artistes. Pont-Aven est à quelques encablures. L’endroit attire depuis quelques années déjà de nombreux peintres.

Sur les pas des artistes de Pont-Aven

Paul Gauguin, Émile Bernard, Paul Sérusier parmi les plus connus, viennent poser leur chevalet dans la petite cité finistérienne et sur la côte sauvage de Névez et Port Manec’h.

Ces peintres, dits a posteriori de l’école de Pont-Aven, logeaient à la pension de Julia Guillou (1848-1927) à Pont-Aven. Pour attirer une clientèle plus aisée et pour ne pas la mélanger avec sa clientèle d’artistes, Julia Guillou surnommée « la bonne hôtesse », achète un petit fort sur les hauteurs de Port Manec’h. Elle le transforme en un établissement de luxe : l’Hôtel Julia inauguré en 1904.

La naissance du tourisme à Port Manec'h

« À Port Manec’h, on est plus éloigné des grandes stations balnéaires de l’époque. On est loin de Deauville, de Saint-Malo » explique Marjolaine Collet, conseillère en séjour à l'Office de Tourisme de Concarneau à Pont-Aven. « C’était plus intime, plus secret ici. Pour venir, il fallait prendre le train jusqu’à Pont-Aven et ensuite on se rendait à Port Manec’h soit en vedette à pétrole, soit en voiture à cheval. Ce n’était pas anodin de venir jusqu’ici. Il fallait vraiment le vouloir à l’époque ! »

Et le succès est au rendez-vous ! En quelques années, le petit port de pêche à la sardine que fréquentaient les artistes peintres devient une station balnéaire prisée de la haute société parisienne.
De riches familles font construire de belles résidences secondaires. Le tourisme balnéaire à Port Manec’h est né !

Aux artistes peintres succèderont les personnalités du cinéma : Jean Gabin, Arletty séjourneront à l'Hôtel Julia.

Les chefs-d'œuvre du Dr Barnes

Entre les deux guerres mondiales, une autre personnalité, moins connue du grand public, passa, elle aussi, de nombreux étés à Port Manec’h. Il s’agit du Dr Albert Barnes (1872-1951), un collectionneur d’art américain.

Ouverte en 1925 à Philadelphie, la fondation Barnes abrite l'une des plus extraordinaires collections de peintures françaises de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Les chiffres donnent le tournis : 180 Renoir, 69 Cézanne, 60 Matisse, 46 Picasso, mais aussi des Monet, Van Gogh, Gauguin, etc ...

« C’est le marchand d’art Georges Keller qui a fait connaître Port Manec’h au Dr Albert Barnes » précise Barbara Beaucar, historienne et ancienne archiviste de la Fondation Barnes à Philadelphie, une ville du Nord-Est des Etats-Unis.

« Issu d’une famille modeste, le Dr Albert Barnes fait fortune en inventant un nouvel antiseptique, l’Argyrol » explique Marjolaine Collet. « Grâce à sa fortune, il décide de se constituer une collection d’art moderne. »

Et pour cela, le Dr Barnes et son épouse voyagent en Europe. Pont-Aven est l’une des étapes du médecin américain.

« Barnes est devenu si friand de Port Manec’h et de ses habitants » explique Barbara Beaucar « qu'il a eu pour projet d'y acheter une propriété pour y créer une école et un centre culturel, un paradis pour que les artistes puissent y travailler en paix. » Son projet n’aboutira pas, mais l’homme restera fidèle à la petite station balnéaire finistérienne.

« Il est vraiment tombé amoureux de Port Manec’h » précise Marjolaine Collet. « Il va revenir plusieurs étés durant. On parle même de 15 années ! »

Pendant un temps, il logea chez Julia Guillou. Il prit ensuite ses quartiers chez Jeanne Guillerme.

« Barnes s'est lié d’amitié avec Jeanne Guillerme, la propriétaire de l’hôtel Tante Jeanne. Leur amitié a survécu aux barrières linguistiques, à l’océan et à la guerre mondiale » comme en atteste la correspondance qu’il a entretenue avec elle et qu'a étudiée Barbara Beaucar. Selon Marjolaine Collet, le médecin était aussi très apprécié de la population locale. « Il était très proche des habitants, il aimait faire plaisir. Il organisait des bals dans tout le pays. » 

La Bretagne au cœur

Son affection pour la région va le conduire en 1937 à acheter un puits dans un village voisin. Il le fait démonter pierre par pierre et le reconstruit au siège de sa Fondation installée à l’époque à Merion, dans la banlieue de Philadelphie.

« En voyant une photographie du puits chez le Dr Barnes, son amie, Jeanne Guillerme, lui a écrit de Port Manec'h pour lui exprimer son bonheur de voir la Bretagne tenir une telle place d’honneur » note Barbara Beaucar.

La même année, Albert Barnes, de retour aux États-Unis, demande au marchand d’art Georges Keller de lui acheter un chiot qu'il avait vu à Port Manec'h l'été précédent. Dans sa correspondance, relève Barbara Beaucar, « Barnes écrit qu'il s'agit d' 'un chien merveilleux…, négligé là-bas, et… digne d'une meilleure maison'."

Le chien fit le voyage avec Georges Keller en 1938 sur un bateau à vapeur en partance du Havre. Il fut baptisé "Feal" qui signifie "Fidèle" en breton. L’attachement du Dr Barnes à Port Manec’h et la Bretagne ne s’arrêta pas là puisqu’il donna le nom de « Ker Feal » à sa propriété aux Etats-Unis.

Albert Barnes décéda en 1951 dans un accident de voiture. Il avait 79 ans. S'il n'a pas laissé de trace visible de ses nombreux séjours à Port Manec'h, il a en tout cas laissé des souvenirs et des anecdotes qui se racontent encore.




 

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