Entre la faïence et Quimper, l'histoire remonte à plus de 300 ans. Un musée est même dédié à cette tradition artisanale et industrielle. Le bol breton s'est fait un nom au-delà des frontières régionales. Cependant, cet art, qui a connu son âge d'or, est-il toujours tendance ?
L'art de la faïence en Bretagne repose sur plus de 300 ans d'histoire dont le cœur se trouve à Quimper, dans le Finistère. Tout a commencé au XVIIIe siècle, à la faveur d'un maître potier venu de Provence s'installer dans le quartier de Locmaria. Jean-Baptiste Bousquet fabrique surtout des pipes en terre. Mais son fils, Pierre, est maître faïencier. Ce dernier achète une maison, y bâtit un four et fonde sa manufacture en 1708 : ainsi naît la faïence de Quimper.
Assiettes, plats, cruches, pots sont fabriqués. "Ils avaient tous les matériaux sur place, relate Jérémy Varoquier, directeur du musée de la Faïence de Quimper. De l'eau en quantité pour apporter les matières premières et exporter les produits finis, du bois le long de l'Odet pour la cuisson au four et de l'argile, même si, très rapidement, les faïenceries ont acheté de la terre en provenance de Gironde".
Époque florissante
Dumaine, De la Hubaudière, Porquier, Henriot... Les fabriques poussent comme des champignons et la faïence connaît son plein essor au XIXe siècle. Le couple de Bretons au fond des bols et des assiettes, entièrement façonnés à la main, symbolise le style quimpérois. Les artistes apportent leur touche. Mathurin Méheut travaille pour Henriot, René Quillivic pour HB. "Ils font office de directeurs artistiques dans les manufactures, souligne Jérémy Varoquier. Ils vont amener avec eux des centaines d'autres artistes". Et attirer les collectionneurs de belles pièces.
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De cette époque florissante, il ne reste qu'une seule faïencerie à Quimper, celle d'Henriot. "Tout le monde a perdu cet art de la table que l'on se transmettait de génération en génération, observe le directeur du musée de la Faïence de Quimper. Aujourd'hui, on se lasse vite, on consomme. Mais il faudrait des artistes pour relancer la machine".
À l'image de Valérie Le Roux, laquelle, avec son style singulier, plus contemporain, perpétue la tradition de la faïence. L'artiste a installé son atelier à Concarneau il y a 18 ans. Elle revendique une "démarche artistique plutôt que commerciale" et fabrique des pièces signées "en petites quantités ou en modèle unique".
Elle est persuadée que l'art de la faïence a un avenir. "Il faut des signatures, dit-elle. Peut-être pas des manufactures mais des créateurs indépendants qui proposent quelque chose de plus personnel. Les gens cherchent la pièce rare que l'on ne voit pas partout".
"Maintenir la tradition"
Xavier Dutertre y croit dur comme fer. Lui, il s'est lancé dans la fabrication des fameux bols bretons à prénoms, du côté de Saint-Evarzec, dans le Finistère. Jusque-là, son entreprise se contentait de les décorer. Les Céramiques de Cornouaille sont devenues faïencerie fin 2023. "Il a fallu attendre d'avoir un certain volume et des conditions économiques suffisantes pour y aller, indique-t-il. C'est une aventure onéreuse en termes de mécanisation".
Si les bords et les oreilles des bols sont peints à la main, les décors, eux, sont réalisés selon la technique de la chromolithographie, utilisée dès le XIXe siècle à Limoges. "Cela a plusieurs avantages : le décor est reproduit systématiquement de la même façon, explique Xavier Dutertre. Deuxième avantage, l'inaltérabilité dans le temps pour un usage quotidien. Et enfin, un gain de productivité".
Peindre les décors à la main est envisagé par l'entreprise. "Nous ferons des petites séries, selon la tradition quimpéroise car c'est quelque chose qui nous tient à cœur" précise le patron de la Faïencerie de Cornouaille qui observe que le marché est "extrêmement porteur. À nous de savoir maintenir la tradition avec les engagements d'aujourd'hui, c'est-à-dire les facteurs de prix, de qualité et de disponibilité, note Xavier Dutertre. À l’origine, pour faire un bol prénom, on mettait 8 à 10 jours. Désormais, on peut livrer en moins de 3 jours". 300.000 bols sont produits ici chaque année.
(Avec Isabelle Rettig)