Ce 5 octobre2023, au pied de l’Ehpad de Pont-Aven, les camions de déménagement se remplissent. Le 15 septembre dernier, un courrier de la direction de l’établissement a annoncé aux résidents qu’ils disposaient de trois semaines pour quitter les lieux. Ils partent, amers et en colère.
"Ah ben dites donc, on nous a joué un drôle de tour. C’est une honte de faire des choses pareilles !" Jacqueline Le Gargasson ne décolère pas. À 88 ans, elle est obligée de déménager une nouvelle fois.
"J’avais un appartement, un petit bout de jardin et puis on vous donne un vulgaire bout de papier et on vous dit, voilà, vous êtes expulsés et si vous ne partez pas avant le 6, votre caution sera retenue. Moi, je respecte les gangsters à côté de ça."
Le 15 septembre dernier, la direction de la résidence a prévenu les occupants qu’elle était placée en liquidation judiciaire et qu’ils devaient donc faire leurs cartons.
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Préjudice moral, physique et financier
Jacqueline raconte les trois semaines qu’elle vient de vivre et évoque un préjudice moral, physique et financier. Elle a dû trouver une autre place en urgence. Elle a donc quitté son T 2 pour un studio 300 euros plus cher. "Et en plus, ajoute-t-elle, il faut payer le déménagement."
Depuis 15 jours, pour la vieille dame, la fatigue s’accumule. "Je ne dormais pas, confie-t-elle, je me suis retrouvée à faire des cartons au milieu de la nuit."
Les déménageurs arrivent dans sa nouvelle demeure avec le bureau, la bibliothèque, son petit réfrigérateur et ses plantes.
Elle retrouve le sourire en les installant sur son balcon, mais reste partagée entre anéantissement et révolte. "Je me dis, ce n’est pas possible qu’on me fasse ça et que je ne puisse rien faire. Je suis tendue et peinée."
On a été traités comme des riens, les vieux, ils s’en vont !
Jacqueline, 88 ans
"Il faudrait que les établissements pour les personnes âgées soient étatisés, propose-t-elle, parce que ce qui s’est passé avec cette entreprise, ce n’est pas permis. On a été traités comme des riens. "Les vieux, ils s’en vont !""
Tous les résidents de la résidence ont trouvé une solution de relogement. Un couple a trouvé refuge dans le même établissement qu’elle. "Ma femme a des problèmes de santé, on s’est installé là-bas il y a quatre mois à peine. On est fatigués, à 86 et 85 ans, c’est difficile à vivre, souffle Robert Briatte. On voulait trouver du calme et on ne l’a pas trouvé."
Une perte de repères
"Il y a une dame qui va à Brest, une autre en Belgique, regrette Jacqueline, on s’éparpille. J’ai dit au revoir à un monsieur tout à l’heure. Il a 90 ans, et c’est un homme costaud, un monsieur qui tient debout, il était en pleurs. Il disait, "je ne sais plus quoi faire.""
Jacqueline et ses voisins vont s’installer doucement. "J’ai un lit pour dormir ce soir, c’est le plus important" dit-elle avant d’ajouter aussitôt. "C’est impardonnable ce qu’ils nous ont fait. Ils ne l’emporteront pas au paradis."
(Avec Claire Louet)