Durant de nombreuses années, les cours d'eau ont été déroutés pour répondre notamment aux besoins agricoles. En Ille-et-Vilaine, Fabien Bossière, technicien rivières, veille désormais à les ramener dans le lit qui était le leur. Un véritable enjeu pour la biodiversité. Entretien.
Fabien Bossière travaille pour l'EPTB Vilaine (Établissement public territorial de bassin) comme technicien rivières. Sa mission depuis près de 15 ans ? Remettre les cours d'eau dans leur lit d'origine.
Dans le département, la tâche est immense, seuls 3 % des masses d'eau sont en bon état. Chaque année sur la Vilaine aval, avec deux autres techniciens rivières, ils restaurent environ 6 kilomètres de cours d'eau. Un technicien bocage et deux chargés de mission Natura 2000 participent également au maintien des espaces naturels sur le territoire, un travail de fourmi, nécessaire pour redonner à la biodiversité toute sa place.
- Comment expliquez-vous que les cours d'eau aient été complètement modifiés ?
Ce qui s'est passé sur les cours d'eau bretons et plus précisément en Ille-et-Vilaine, c'est qu'il y a eu une grande période de remembrement sur le département. Cela a entraîné des travaux hydrauliques importants, un remaniement du parcellaire. Ce remaniement était surtout lié à une demande du monde agricole et des administrations de l'époque pour drainer des zones, gagner des terres cultivables.
- En quoi est-ce un problème ?
C'est un problème parce qu'aujourd'hui toutes ces zones humides qui sont drainées et tous ces cours d'eau qui sont rectifiés, déplacés, reprofilés ne peuvent plus accueillir la biodiversité originelle. On a également de gros problèmes de débit, on a beaucoup de cours d'eau qui s'assèchent très vite.
Sur le Canut sud par exemple, on a une vingtaine de kilomètres de cours d'eau en bon état, sur un linéaire total de 140 km. L'ampleur du travail est énorme.
- Comment remettre les "choses dans le droit chemin" ?
On a une première phase d'étude de nos masses d'eau. Une fois que c'est fait, on propose aux élus locaux, aux agriculteurs, une série de travaux. Il faut savoir que tout se fait sur la base du volontariat, une majorité des cours d'eau se trouvant sur des propriétés privées. Nous réalisons alors tout un travail pédagogique et de sensibilisation. Ce n'est pas toujours simple car il y a une conception du territoire qui s'est implantée dans les esprits. Pour beaucoup de gens, ce qui a été fait, c'était pour le mieux. Remettre en état, c'est vécu comme une régression.
Pour restaurer les cours d'eau comme ils étaient à l'origine, avoir des restaurations ambitieuses, nous disposons de différents outils. Nous utilisons des cartes, notamment l'orthophotographie (des images aériennes ou satellitales de la surface terrestre) de 1950 sur laquelle on superpose le cadastre napoléonien, pour retrouver les emplacements initiaux.
Une fois qu'on a bien repéré les lieux, qu'on a négocié avec les différents propriétaires et acteurs, nous passons à la phase travaux, avec des entreprises spécialisées. Financièrement, il faut savoir que tout est pris en charge par la collectivité (le département, la Région, l'EPTB et l'Agence de l'eau).
- Qu'est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
Ce qui me fait plaisir, c'est de retrouver des cours d'eau vivants. Quand on part d'un tracé rectiligne, sans intérêt, sans vie, sans habitat et qu'on retrouve un cours d'eau méandriforme, ça fait vraiment plaisir. Le summum, ce serait de retrouver des populations qui y vivaient, comme les truites fario. Le défi est loin d'être gagné. Pour peu qu’on lui en laisse la possibilité, il faut du temps pour que la nature reprenne ses droits.