Qualité de l'eau : p​​​​​​eut-on sauver nos rivières bretonnes ?

En Bretagne, plus de 60% des cours d’eau sont en mauvais état. En cause, les pollutions agricoles, industrielles ou domestiques, l'érosion des sols ou le réchauffement climatique. Du temps et des efforts soutenus seront nécessaires pour inverser cette situation.

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En Bretagne, plus de 60% des cours d’eau sont en mauvais état. Pollutions agricoles, industrielles ou domestiques, érosion des sols, réchauffement climatique, un cocktail détonnant de facteurs multiples, qui depuis plusieurs décennies maintenant contribue à dégrader la qualité des eaux de surface. Et pour retrouver un jour des eaux pures comme elles pouvaient l’être autrefois, il faudra du temps et des efforts soutenus.
 

La Seiche, l'une des rivières les plus polluées de Bretagne


C’est l’une des rivières les plus polluées d’Ille-et-Vilaine. La Seiche, un affluent de la Vilaine, long d’une petite centaine de kilomètres, est en piteux état. En 2017, l’usine Lactalis de Retiers avait rejeté dans la rivière du lactose. Une pollution accidentelle mais dramatique pour la biodiversité. Asphyxiés, les poissons étaient morts par centaines, plus de 5 tonnes au total et aujourd’hui encore, la Seiche ne s’est pas remise de cette pollution : « Il faut entre 3 et 5 ans pour effacer les conséquences d’une pollution comme celle-ci », explique Pauline Pennober, chargée de mission à Eaux et Rivières de Bretagne. Depuis le début de l’année, au moins 23 pollutions ont été recensées en Bretagne : déversement de lisier et de boues d’épuration, fuite de produits chimiques ou de désherbants, de l’Ille-et-Vilaine au Finistère,  les exemples ne manquent pas.
   

En plus la Seiche, comme la plupart des cours d’eau bretons subit de multiples pollutions. On y retrouve des pesticides, du phosphore et des nitrates. Pour preuve la présence d’orties en nombre le long de la rivière, une plante qui aime particulièrement se nourrir de nutriments comme les  nitrates. Quant à la couleur marron de l’eau, elle s’explique par l’érosion des sols : « Aujourd’hui, comme on a détruit le bocage et les zones humides, l’eau s’enfuit aussitôt dans la rivière à la moindre petite pluie. Autrefois, l’eau n’était pas toujours de cette couleur.  C’était le cas uniquement  en période d’inondations », précise Pauline Pennober. La terre ainsi emportée, charrie avec elle des pesticides, des nitrates ou encore du phosphore responsable par exemple de la prolifération d’ espèces invasives comme l’Egérie, une plante aquatique que l’on trouve désormais dans la Vilaine.
 
 

Des rivières majoritairement dégradées


Résultat, seuls 37% des cours d’eau de la région sont jugés en bon état. Cela va de 60% dans le Finistère à seulement 7% en Ille-et-Vilaine. Si les pesticides sont présents dans la quasi-totalité des fleuves et rivières de la région (99,7%), les nitrates demeurent une grosse préoccupation notamment parce qu’ils sont à l’origine des algues vertes qui depuis plusieurs décennies maintenant, envahissent les plages bretonnes.


En 2018, malgré les changements de pratiques de certains agriculteurs, 77% des stations de mesures bretonnes (il y en a 738) présentaient encore une concentration supérieure ou égale à 25mg/l dont 17% supérieure à 50mg/l. 
 
 

Des efforts importants…

Face à ces pollutions préoccupantes, des efforts sont faits par les collectivités comme l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Le bassin couvre huit régions et 13 millions d’habitants, de l’Occitanie jusqu’à la pointe Finistère. L’agence a déjà consacré 2,7 milliards d’euros entre 2013 et 2018 à l’eau et à la biodiversité au travers de 45 000 actions sur l’ensemble du bassin, la Bretagne bénéficiant à elle seule de 547 millions d’euros.
 

Pour son 11eme programme, 2019-2024, c’est une enveloppe de 2,27 milliards d’euros qui est prévue avec notamment près de 400 millions d’euros destinés à lutter contre les pollutions liées à l’agriculture et à l’activité économique.
 
 

De son côté,  la région est aussi très engagée. Dans le cadre des mesures agro environnementales, elle a consacré notamment 142 millions d’euros de fonds européens  à aider les agriculteurs pour se convertir en bio, limiter les intrants ou lutter contre l’érosion. Grace à l’aide de Breizh Bocage, un dispositif régional, Michel Bobon, éleveur bio à Val-Couesnon a reçu 12 000 euros pour recréer des talus sur lesquels il va replanter des haies. « Ici, on est dans une zone sensible car il y’a eu des coulées de boue vers le Couesnon en raison de l’absence de talus de ceinture dans les fonds de vallée. On est plusieurs à avoir pu installer des talus perpendiculairement à la pente sur lesquels on plantera des arbres cet hiver. Cela va permettre de freiner l’érosion ».
 


Les pêcheurs aussi sont un certain nombre à se mobiliser pour restaurer les cours d’eau : débroussaillage, restauration des berges. En 2017, les membres de la Gaule Antrainaise, l’association de pêche d’Antrain, ont aussi disposé 30 tonnes de gros blocs de roches sur le lit du Couesnon, près de Romazy. A cet endroit, dans les années 70-80, le cours d’eau avait été creusé et élargi entrainant la disparition de la faune et de la flore aquatique. Les roches ont permis d’oxygéner l’eau et de retrouver ainsi de la biodiversité. Désormais, les anguilles, les tacons, les jeunes saumons, et même des écrevisses ont fait leur réapparition.
 

… mais seront-ils suffisants ?


Pour autant, la bataille est encore loin d’être gagnée. Tout du moins en ce qui concerne certains types de pollutions. C’est le cas des nitratesIls s’infiltrent dans le sol en même temps que la pluie et vont rester parfois des années dans la nappe souterraine.

Camille Vautier est doctorante à Rennes 1 et vient de boucler sa thèse sur les pollutions aux nitrates. « En Bretagne, la majeure partie des eaux de surface vient des eaux souterraines. L’eau de pluie s’infiltre dans la roche et circule pendant 10, 20, ou 30 ans avant de ressortir dans les ruisseaux. C’est variable en fonction des différents types de nappes phréatiques. Conséquence : les nitrates qui se sont infiltrés dans le sol ressortent 10 ou 15 ans plus tard, avec l’eau quand elle arrive dans les cours d’eau. Certains minéraux comme la pyrite contenue dans les sous-sols sont capables de dénitrifier l’eau de façon naturelle, mais il n’y en a pas partout. Même si on stoppe aujourd’hui l’utilisation des nitrates, on en retrouvera encore pendant quelques dizaines d’années dans les cours d’eau. C’est ce qu’on appelle l’héritage en nitrates. »

Seule solution : poursuivre les efforts de manière soutenue et sur le long terme sans se décourager pour avoir l’espoir qu’un jour nos rivières retrouvent enfin un état sanitaire satisfaisant.


Le reportage d'I. Rettig, C. Rousseau, V. Surrault et A. Guédes

Interviews : Pauline Pennober, chargée de mission Eaux et Rivières de Bretagne - Michel Bobon, éleveur en bio à Val-Couesnon (35) - Bernard Aline, trésorier de la Gaule Antrainaise - Olivier Morazé, président de la Gaule Antrainaise - Camille Vautier, doctorante à l'Université Rennes 1-spécialiste des pollutions aux nitrates

 

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