Filière porcine : ce qui est pris est prix

Qu'est-ce-qui fait le prix du porc? Le prix de l'aliment, la concurrence européenne, le bon vouloir des acheteurs de la grande distribution? Qui est gagnant sur ce marché en crise? Pour comprendre, nous avons suivi le parcours de la viande de porc du producteur jusqu'au rayon du supermarché.

On le sait, l'équilibre économique des élevages de porcs est précaire. En fait, c'est l'équilibre de toute la filière porcine, du producteur au dernier transformateur qui est précaire. Le porc est un produit peu cher, les marges sont donc limitées.

La qualité ça paye

Il y a 12 ans, au nord de l'Ille-et-Vilaine plusieurs acteurs de la filière porc se sont rassemblés pour lancer le label Bleu Blanc Cœur. L'idée était de proposer une viande abordable mais d'une qualité légèrement supérieure à la moyenne pour fidéliser le consommateur. Pour améliorer la qualité gustative de la viande le groupement de producteurs a fait le pari de bonifier la nourriture des porcs avec des graines de lin. Cette céréale riche en Oméga 3 est meilleure pour la santé et rend la viande plus onctueuse: le pari a été réussi.

Le surcoût alimentaire est pris en charge par le groupement qui valorise la viande auprès des abattoirs.
Ce choix permet à Gervais Barbot de gagner 2 centimes supplémentaires par kilo de porc. Pas grand chose mais en ces temps de crise, ce qui est pris est pris.
Tout ce qui peut améliorer le prix de vente sans grever le coût de production est bon à prendre.

L'éleveur : Ça eu payé mais ça paye plus

La formule du comique auvergnat Fernand Raynaud pourrait s'appliquer au contexte de crise actuelle. Car aujourd'hui, même si la filière Bleu Blanc Cœur résiste un peu mieux que d'autres, pour elle aussi les temps sont durs. Pour être à l'équilibre, Gervais Barbot devrait vendre son porc à 1,45€ le kilo... Cette semaine le cours était à 1,25€. Contre des prix si bas, son label Bleu Blanc Coeur ne peut pas grand chose, si ce n'est amortir un peu la crise

L'abatteur : des marges aléatoires

Pour l'abatteur qui achète les porcs de Gervais Barbot, les marges de manœuvres aussi sont serrées car le porc n'est pas très rémunérateur. Acheter au dessus du prix du marché est un peu donc un pari. Malgré tout ces abattoirs Abera ont fait le choix d'acheter une viande de qualité supérieure. Grâce à ce surplus de qualité les consommateurs jouent le patriotisme lors de leurs achats et cette viande l'emporte sur d'autres en provenance d'Allemagne par exemple. Ce jour là les longes de porcs labelisées Bleu Blanc Coeur sortiront de l'abattoir à 2,60 euros le kilo.

Le transformateur: juste de quoi payer les salaires et les coûts

Dernière étape de transformation, la découpe des viandes sous toutes les formes que l'on peut trouver dans la grande distribution. L' entreprises Fantou emploie 30 salariés pour la découpe et la mise en barquettes et la préparation des livraisons.

Yves Fantou, le patron de cette PME, s'appuie sur une image de produit de qualité, le seul moyen de se distinguer d'autres transformateurs beaucoup plus gros que lui. Le kilo de côtes de porcs issu des longes arrivées à 2,60 euros sera vendu 6,60 euros le kilo au distributeur... Juste de quoi payer les salaires et les coûts d'Yves Fantou...

Le distributeur (la grande surface) ajoutera en moyenne 25% au prix du produit
Gervais Barbot: Eleveur de porcs à Montanel (Manche) Fabrice Chapelle: Directeur abattoirs Abera Yves Fantou: PDG des Entreprises Fantou récit: Anthony Masteau, images, Bruno Van Wassenhove, montage: David Mérieux

Alors qui sont les gagnants de ce marché?

Le premier gagnant de cette guerre des prix sur un marché engorgé c'est le consommateur. De son coté la grande distribution sait préserver ses marges mais elles ne sont pas si faramineuses que l'on pourrait croire. Sur 100 euros de viande de porc vendue en supermarché, la marge brute du distributeur est en moyenne de 33,20€. Mais une fois enlevés les frais de rayon et de personnel il reste 8,70€ et seulement 5,50€ après impôts ce qui est cependant une marge beaucoup plus confortable que celle des autres acteurs de la filière.

Pourquoi le prix du porc s'effondre-t-il?

Pour les producteurs de porc, la volatilité des prix est accentuée depuis une décennie par la libéralisation du commerce international et l’affaiblissement des outils européens de régulation du marché. En fait, le revenu des producteurs de porcs est principalement affecté par le risque de variabilité des prix des intrants, c'est-à-dire essentiellement des aliments, et surtout en ce moment par le prix du porc sur le marché.

Depuis l'embargo russe qui a privé les producteurs européens d'un débouché de 750 000 tonnes de viande de porc par an, les exportateurs ont du baisser leurs prix pour déstocker la surproduction vers l'Asie et les Etats-Unis. Les producteurs européens se trouvent en concurrence entre eux, d'autant que les situations de chacun des pays producteurs ne sont pas comparables et que l'Espagne produit à moins de 1 euros du kilo et augmente sa production chaque année.

Comment se forme le prix ?

Actuellement sur le Marché du Porc Breton (le marché "au cadran" de Plérin fait référence) le kilo de porc vaut 1,10€ mais le producteur touche aussi des primes de 5 à 19 centimes d'euros lorsque qu'il respecte parfaitement certaines normes de qualité (taux de maigre/gras et traçabilité de la viande et de sa nourriture). En moyenne cette prime est de 15 centimes (14 centimes pour l'exemple de Gervais Barbot. S'y ajoute la prime de 2 centimes VPF (respect de la norme Viande de Porc Français) et dans notre exemple la prime BBC (Bleu Blanc Cœur) elle aussi de 2 centimes. Au total cela fait 1.28€ du kilo pour l'éleveur, or il lui faudrait 1.45€ du kilo pour trouver l'équilibre.
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