La Commission européenne a annoncé jeudi qu'elle allait renouveler l'autorisation du glyphosate dans l'UE pour 10 ans, à la suite d'un vote des Etats membres qui n'a pas permis de dégager de majorité sur le sort de cet herbicide controversé. Des victimes de pesticides réunis en collectif estiment qu'il s'agit d'un véritable scandale
" On en prend pour le maximum. C'est une grande déception". Avec beaucoup d'amertume et de déception dans la voix, Michel Besnard, Président du Collectif de Soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest avoue ne pas comprendre la situation. Il espérait que la France, plus grand pays agricole d'Europe, pèse de tout son poids pour faire interdire le glyphosate.
Les politiques n'ont pas le courage de suivre les scientifiques
Michel BesnardPrésident Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest
" C'est un recul du gouvernement. Emmanuel Macron avait pourtant promis de faire interdire ce pesticide en 2021" regrette-t-il. Et il ajoute " Il est clair qu'on privilégie les intérêts économiques de certains contre la santé de la population".
Je ne peux pas accepter cela. Cela méritera le pénal
Christian Jouaultmembre du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest
A ses côtés, Christian Jouault est en colère. " Je n'arrive pas à comprendre. On sait que c'est dangereux. En conscience, certains vont assumer de rendre des gens malades. C'est comme pour les affaires de l'amiante et du sang contaminé." lance-t-il. En 2015, cet ancien éleveur laitier en polycultures apprend qu'il est atteint d'un cancer évolutif de la prostate. Après huit années de combat juridique et administratif, son cancer vient d'être reconnu en mai dernier comme maladie professionnelle avec un taux d'invalidité de 70%. " Dans mon métier, j'utilisais de nombreux pesticides même s'il n'y avait pas que du glyphosate". Un agriculteur qui se remémore les propos des médecins qu'il croisait pour traiter son cancer. " Deux grands médecins m'ont dit : on voit beaucoup de gens comme vous avec les phytos !".
Pour lui, pas question de céder. Après avoir lutté contre la mort, il a décidé de combattre le glyphosate et les pesticides. Et il conclut "C'est un véritable scandale. C'est criminel. Les études scientifiques le démontrent."
Le comité de soutien aux victimes des pesticides poursuit la lutte
Le collectif de soutien aux victimes de pesticides qui comptent 500 adhérents majoritairement en Bretagne et dans les Pays de la Loire entend bien poursuivre ses démarches pour faire interdire notamment le Glyphosate. Un collectif qui défend plus de 150 dossiers de malades dans l'Ouest. Des paysans, des salariés du monde agricole ou des riverains qui ont développé des pathologies à cause des pesticides. Leucémie, maladie de Parkinson, cancer de la gorge, de la prostate...
Il faut fermer le robinet à pesticides
Dominique Le GouxAssociation Eau et Rivières de Bretagne
De leurs côté, les associations écologistes sont vent debout. Pour Eau et Rivières de Bretagne, Dominique Le Goux, chargée de mission Pesticides indique que la position de son association n'a pas changé. "Nous souhaitons la sortie la plus rapide possible des pesticides. Et le glytphosate en fait partie. C'est ré-autorisation ne va pas dans le bon sens." Elle ajoute "On voit bien que la contamination généralisée de l'eau avec les pesticides dont le glyphosate et les résidus de glyphosate seront problématiques tant qu'on ne fermera pas le robinet à pesticides."
Pour sa part, l'association Génération Futures fustige cette autorisation "catastrophique pour 10 ans alors que la précédente n'était que de 5 ans.".
S'il le faut, nous irons devant la Cour de Justice Européenne pour que les évaluations des rsiques du glyphosate soient vraiment réalisées.
François VeillerettePorte-Parole Asso. Générations Futures
François Veillerette, porte-parole de l'association dénonce l'utilisation de cette molécule alors que "les dossiers d'évaluation du pesticide ne sont pas faits et alors que nous avons de plus en plus de données scientifiques par exemple de l'INSERM qui montrent les effets sur les sols, sur les pollinisateurs, la faune aquatique et aussi sur la santé humaine."
Génération Futures qui ira s'il le faut devant la Cour de Justice Européenne afin de suspendre l'autorisation tant que les évaluations des risques ne seront pas réalisées.
De son côté, la Chambre d'Agriculture de Bretagne se dit "satisfaite de cette prolongation". Joint par téléphone, Olivier Manseau, Directeur-Adjoint au service Production et Innovation de la Chambre régionale estime néanmoins que cette décision doit être accompagnée sur deux points pour pouvoir sortir du glyphozate d'ici dix ans : "Il faut un soutien plus marqué pour trouver ces alternatives. C'est à dire un financement renforcé de la recherche au niveau européen. Et puis il faut continuer à travailler pour l'utilisation du glyphozate de manière la plus optimale."
La majorité qualifiée requise pas atteinte
Comme lors d'un premier vote le 13 octobre, la majorité qualifiée requise n'a pas été atteinte pour valider ou rejeter la proposition de la commission européenne sur le glyphosate : l'autorisation de l'utiliser dans l'Union Européenne va donc renouveler pour 10 ans.
" Conformément à la législation de l'UE et en l'absence de la majorité requise dans un sens ou dans l'autre, la Commission est tenue d'adopter une décision avant le 15 décembre 2023, date d'expiration de la période d'approbation actuelle", a expliqué l'exécutif européen dans un communiqué.
Le renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de dix ans,
Commission Européenne
" La Commission, en collaboration avec les États membres de l'UE, va maintenant procéder au renouvellement de l'approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions", poursuit la Commission.
La Commission a proposé de renouveler son feu vert après le rapport d'un régulateur européen estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d'interdire l'herbicide controversé.
Elle prévoit quelques garde-fous et interdit l'usage de cette substance pour la dessiccation (épandage pour sécher une culture avant récolte).
Sept pays, dont la France, l'Allemagne et l'Italie, se sont abstenus, selon des sources diplomatiques.