Ce vendredi 13 octobre 2023, les États européens se prononceront pour ou contre une nouvelle autorisation pour 10 ans du glyphosate. La France s’était engagée à interdire la molécule en 2021, elle semble hésiter aujourd’hui. Alors les associations de défense de l’environnement se mobilisent et appellent à un rassemblement le 12 octobre. Bernard Morel, ancien agriculteur sera dans la rue. Les pesticides l’ont rendu malade. "Il y en a marre de cette situation" dit-il.
"Moi, quand j’ai été formé au métier d’agriculteur, j’ai été formé à utiliser des produits chimiques", explique Bernard Morel. C’était comme cela. Entre 1973 et 1997, l’éleveur a utilisé de l’atrazine, du lindane et tout un tas de molécules pour ses prairies ou son maïs.
"À l’époque, je n’étais pas du tout conscient des effets des pesticides sur notre santé, avoue-t-il. Personne n’en parlait. Et puis, les produits que j’ai utilisés pendant 24 ans avaient reçu une autorisation de mise sur le marché. Mais à un moment, on a vu qu’il y avait un problème et ils ont été interdits."
"Je me souviens, quand je faisais des analyses de mon eau, dans chaque courrier de résultats, le laboratoire m’écrivait : 'votre eau est potable dans la limite des recherches effectuées'. C’était une petite ligne mais c’était sur chaque document, dit-il. C’est ce qui s’est passé avec le lindane, l’atrazine. On en a vendu et on s’est aperçu après que c’était très dangereux."
Atteint d'une leucémie
Aujourd’hui, Bernard Morel est en retraite. Et malade. En 2020, au cours d’une banale prise de sang, il a découvert qu’il avait un taux anormal de lymphocytes. Quelques mois d’analyses et d’examens plus tard, un nom et un diagnostic sont posés : leucémie lymphoïde chronique. "J’ai la moelle osseuse qui s’affole et qui produit trop de lymphocytes."
Bernard Morel doit faire régulièrement des prises de sang. Sa maladie est stabilisée mais il vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Il n’y a que l’homme qui est capable de faire des conneries pareilles
Bernard Morel
Il compare la situation du glyphosate avec celle de l’amiante. "On savait qu’il y avait un problème et on a mis des décennies à l’interdire. Il n’y a que l’homme qui est capable de faire des conneries pareilles. "
Dix ans de plus ?
Le 13 octobre, les pays européens vont se prononcer sur le prolongement de l’autorisation du glyphosate pour les 10 prochaines années. C’est aujourd’hui, le pesticide le plus utilisé au monde. Il représente entre 25 et 30% de l’ensemble des tonnages de pesticides employés.
"On nous dit qu’il y a plein de débats sur le glyphosate, s’étonne Bernard Morel. En 2013, le centre international de recherche sur le cancer, le CIRC qui dépend de l’OMS, a classé la substance cancérogène probable et là, l'agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) estime que cet herbicide ne présente pas 'de domaine critique de préoccupation'."
Le pouvoir des lobbys ?
"On essaye de satisfaire les lobbys, s’agace Henri Busnel, membre du Collectif de soutien aux victimes des pesticides. Il s’agit de prolonger de 10 ans .. ou pas ! Les scientifiques proches des fabricants de pesticides jouent la stratégie du doute pour remettre en cause les recherches des autres scientifiques. Quant aux Etats, ils font preuve de la plus grande mauvaise foi. Quand on ne veut pas voir, on ne voit pas. Mais en attendant il y a des malades, de la pollution. On ne peut pas accepter. "
Des morts et des malades
"Au début, on se protégeait à peine, se souvient Bernard Morel. Ensuite, l’éleveur a enfilé gants, masques et combinaisons, "mais les voisins, eux, ils n’avaient rien, ils en prenaient plein les trous de nez. Vous imaginez la culpabilité quand on utilise des pesticides ?"
Quand je réfléchis à tous les gens que je connais qui sont morts de cancers, il y en a un paquet. Et tous les collègues qui ont des problèmes de Parkinson, de prostate, de lymphomes, ça me fait froid dans le dos
Bernard Morel
Un produit irremplaçable ?
"On nous fait croire qu’il n’y aurait pas de moyens de se passer de ce glyphosate, s’irrite Bernard Morel. Ils ne sont pas doués pour trouver des alternatives".
Quand il a converti sa ferme à l’agriculture biologique en 1997, il a pris une herse étrille pour désherber, a semé des variétés résistantes aux maladies et favorisé les insectes auxiliaires de culture. "Si moi je l’ai fait… Mais aujourd’hui, on nous raconte des boniments, qu’on ne pourrait plus nourrir la population mondiale. "
Bernard Morel se désespère lorsqu’il voit certains de ses collègues d’aujourd’hui. "Les paysans en activité ont la tête dans le sable. Les exploitations ne font que s’agrandir alors ils achètent des pulvérisateurs de plus en plus grands. C’est une fuite en avant. Il y en a marre de cette situation. "
Ce 12 octobre, il sera place du Parlement à Rennes pour dire son refus de voir le glyphosate à nouveau autorisé. "Le glyphosate, tout ça, c’est une bombe à retardement, affirme-t-il. Et c’est notre génération et les générations à venir qui vont payer l’addition. Alors pas question de perdre encore 10 ans."