Le tribunal judiciaire de Vannes a donné gain de cause à l'épouse d'un agriculteur. Elle demandait la reconnaissance en maladie professionnelle de la tumeur cérébrale dont son mari est décédé. Pendant toute sa carrière, il avait utilisé des pesticides.
Lorsque les premiers maux de tête sont apparus, en 2017, Jean-Michel Hervault est allé voir son médecin qui a alors évoqué une sinusite. Mais très vite, l’éleveur a commencé à ressentir une grande fatigue, à avoir des trous de mémoire. Quelques temps plus tard, une IRM révèle qu’il souffre d’un glioblastome, une tumeur cérébrale. Elle n’est pas opérable.
Jean-Michel Hervault a alors 47 ans. Il est agriculteur depuis 25 ans. Sur sa ferme, pendant des années, il a utilisé des fongicides, des pesticides, des insecticides. "Il faisait attention, témoigne sa femme, mais le lendemain, il allait dans les champs qui avaient été traités." Il est décédé en février 2020.
Le tribunal de Vannes constate que "le caractère professionnel de la pathologie de cet agriculteur a implicitement été reconnu par la Mutuelle sociale agricole qui a statué hors des délais réglementaires. "
"Je ne sais pas si cela changera le cours des choses pour les autres" se demande Anne-Cécile Hervault, la veuve de l’agriculteur. Mais pour le collectif Soutien aux victimes de pesticides, cette décision est "une victoire".
Pas encore inscrite au tableau des maladies professionnelles
Quand un agriculteur souffre de la maladie de Parkinson ou de lymphome, il peut faire reconnaître sa maladie comme maladie professionnelle. Mais les tumeurs cérébrales, elles, ne sont pas des pathologies reconnues dans le tableau des maladies professionnelles agricoles.
L'enquête Agrican menée sur une cohorte de 180.000 personnes affiliées à la MSA pointe pourtant "un risque qui peut être multiplié par 3 ou 4 selon les pesticides utilisés."
Les scientifiques chargés de l’étude se sont intéressés aux carbamates. "Une vingtaine d’insecticides, quatorze herbicides et seize fongicides carbamates ont été autorisés dans la plupart des secteurs agricoles, soit plusieurs centaines de produits commerciaux au total" indique leur rapport.
Jean-Michel, Christophe, Michel, Clément. "En trois ans, quatre personnes ont été reconnues en maladie professionnelle, explique Michel Besnard du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest. Clément est décédé en quelques mois à 42 ans. Michel est parti, lui aussi, en quelques mois à moins de 50 ans. Au mois de mars, une nouvelle audience est prévue à Angers. C’est tellement horrible, qu’on ne peut pas lâcher " soupire-t-il.
Casser l'omerta
"Les preuves de la responsabilité de ses produits sur les maladies existent partout, poursuit Michel Besnard, mais il y a encore des gens qui ne font pas le lien ou qui ne veulent pas le faire. Il y a une forme de déni. Il y a tous ceux qui se sentent un peu coupables, qui se disent qu’ils se sont rendus malades eux-mêmes. Il y a ceux qui subissent le poids du milieu agricole, des voisins ou copains qui leur demandent de ne pas cracher dans la soupe, d’arrêter de parler de ça pour ne pas faire du tort… certains sont morts sans savoir pourquoi ils étaient malades, déplore Michel Besnard. Mais nous sommes en train de casser l’omerta" constate-t-il.
Il souhaite que le glioblastome soit bientôt inscrit au tableau des maladies professionnelles. Il espère surtout un vrai changement dans les pratiques agricoles pour que la liste de malades suivis par l’association cesse enfin de s’allonger.