L'école à la maison, en voyage, en forêt, démocratique ou alternative ou encore via la médiation animale... en marge de la pédagogie traditionnelle, il existe des méthodes d'enseignements différentes. Il s'agit, pour les parents et les enseignants de proposer des sources d'apprentissage alternatives afin de permettre l'épanouissement, l'autonomie et la curiosité des enfants. Zoom sur 6 d'entre elles.
Dans le système éducatif français, tous les élèves apprennent la même chose en même temps, avec un programme, des niveaux et des évaluations définis. Une méthode qui ne convient pas à certains enfants ni à certains parents. Face au risque de décrochage, de mal-être ou tout simplement par choix ou par conviction, certains se tournent vers des pédagogies alternatives qui remettent l'enfant au cœur de l'apprentissage.
1- L'école démocratique
L'école Noèsis a pris ses quartiers dans une maison en pierre, sur le site de la ferme équestre "La ruée vers l'air" à Guignen, au sud de Rennes. Depuis 2018, cette école démocratique, hors contrat, mène une expérience inspirée de l'école américaine de la Sudbury Valley née il y a 50 ans. En France, il en existe une vingtaine.
Soixante élèves, de 3 à 17 ans sont scolarisés sur place. On peut y suivre un cursus complet du primaire au secondaire. Pas de niveau de classe, pas de programme ni de rythme scolaire imposé. Ici, on mise sur les apprentissages autonomes. Pas de différences entre élèves et professeurs, chacun est un membre de la communauté et participe aux décisions concernant la vie de l'établissement.
Les apprentissages tournent autour du vivre ensemble, du savoir être et du savoir apprendre au delà des connaissances. Tout les conflits se règlent par la médiation. Chacun est responsable de faire respecter l'autorité. Ce n'est pas un endroit où l'on fait ce que l'on veut.
Rozenn HarelDirectrice école Noésis
"La démocratie est la clé de notre enseignement. Les enfants prennent part aux décisions concernant les règles de vie, le budget et le fonctionnement à travers des conseils d'école et de justice. Leur voix compte au même titre que celle des adultes. Ainsi ils sont tous garants du cadre, de la sécurité et du bien-être de chacun. Ils comprennent mieux les contraintes de la vie en collectivité car ils en sont acteurs." précise la Directrice. "Les enfants que nous accueillons éprouvent souvent une faible estime d'eux avec des parcours difficiles. On travaille à réparer leurs fragilités".
Les cours magistraux ne sont pas totalement abandonnés. Deux heures d'enseignement formel par jour sont délivrées, "pour ne pas déstabiliser les habitudes des enfants". Le reste est consacré aux apprentissages au service d'un projet individuel. Comme ce jeune qui souhaite se lancer dans la mécanique. Il sera aidé pour chercher des intervenants, trouver des ateliers pour apprendre et construire peu à peu son projet. À l’instar de ce modèle éducatif, il existe d'autres établissements comme le lycée expérimental de Saint-Nazaire ou le lycée autogéré de Paris.
2- L'école du voyage
Les voyages forment la jeunesse : une évidence pour Benoît et Françoise. Avec leurs deux enfants, Bazille et Maïa, ces Rennais quittent leur quotidien en 2019 pour un périple de sept mois à travers le Costa Rica, un petit pays d'Amérique du Sud. Une destination choisie pour le dépaysement et en adéquation avec l'éveil des petits.
C'est un pays assez sûr et captivant pour les enfants avec sa faune, sa flore et ses forêts. Il y avait un attrait écologique, source de richesse pour eux.
Benoît
La famille trouve des hébergements au fil du voyage .Une ambiance de vacances mais pas seulement. Bazille et Maïa rentrent dans le dispositif de l'école à la maison. Pas facile tous les jours de jouer le rôle d'enseignant pour leurs parents. "Il y a eu quelques frictions, on est parfois moins patient qu'un enseignant et l'on sait de quoi ils sont capables , d'où de petits conflits". Chaque matin, sept jours sur sept, le programme est le même. Une heure de français et une heure de mathématiques à l'aide de manuels classiques. Les opportunités font le reste. L'anglais et l'espagnol s'apprennent au contact de la population locale,le pays sert de base pour enseigner l'histoire-géographie.
Les enfants recroiseront parfois le chemin de l'école. Dans un village, ils retrouveront les bancs de la classe ,aux côtés des élèves du coin. Il y aura aussi un passage au sein d'une école internationale dirigée par une Française. Jusqu'au retour en France dans le système éducatif classique. "C'était une expérience qui a été vécue en famille. Le programme scolaire a été respecté. Une belle parenthèse avec, au retour, l'envie de retrouver la vie collective et les copains."
3- L'instruction dans la famille à la maison
C'est parce que son fils se sentait mal à l'école, ne correspondait pas aux standards et était devenu le bouc émissaire pour certains de ses camarades que Catherine, résidant en périphérie de Rennes, décide de lui faire cours à la maison. Ses trois filles plus jeunes, suivront du coup le même cursus. La maman cesse de travailler pour se consacrer entièrement à l'éducation de ses enfants.
"On est des parents instructeurs, alors il faut trouver sa place, on est juste des accompagnants et des sachants" explique-t-elle. Alors le rythme s'installe peu à peu dans la vie quotidienne de la famille pour apprendre dans la vie de tous les jours.
"On fait des choses informelles. Avec un gâteau, en coupant les parts, on aborde les proportions. Lors d'un voyage à Paris, avec la découverte de la Tour Eiffel, des arrondissements, du métro, on se penche sur la géographie, l'histoire, et d'autres matières. Cela fait des enfants curieux, on fait confiance à leur instinct.
Catherinemaman faisant l'instruction en famille
"Nous faisons un peu d'écrit, c'est obligatoire, mais on s'appuie surtout sur les activités pour stimuler la curiosité de chacun. Je m'adapte aussi à leurs capacités. Le petit dernier est suivi par un orthophoniste car il bute parfois pour la lecture. Son apprentissage est plus lent, donc je personnalise son enseignement . Il n'y a pas de note, alors il n'a pas la pression, il ne doute pas". La mère de famille doit pour autant rendre des comptes. Tous les ans, les enfants font l'objet d'une inspection académique pour évaluer leur évolution. Tous les deux ans, c'est une visite de la mairie pour valider les conditions de vie dans la maison, car pas question de faire l'école clandestine.
Catherine comprend ses mesures mais regrette les dernières dispositions de 2021 qui durcissent l'encadrement de l'instruction dans la famille . Comme jusqu'à présent, les motifs restent les suivants:
- L'état de santé de l'enfant ou son handicap
- La pratique d'activités sportives ou artistiques intensives
- L’itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public
- L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif
Mais désormais, il faut faire systématiquement une demande d'autorisation d'instruction préalable et une demande de renouvellement chaque année. "Le dossier peut être rejeté, et c'est de plus en plus fréquent", regrette Catherine, qui milite au sein du collectif Ief 35 pour défendre la liberté d'instruction.
4- Un chien dans l'école : les vertus de la médiation animale
Susy, une femelle golden retriever de deux ans et demi, est devenue la star du collège Roger Vercel de Dinan. Dans le bureau du principal, elle a son tapis et sa gamelle . On la retrouve en cours, aux pieds d'un élève ou près du radiateur. Depuis un an, elle accompagne les scolaires du dispositif ULIS, enfants souffrant d'un handicap avec des troubles cognitifs ou du comportement.
Suzy est calme, câline et sans agressivité. On voulait un chien sympa. Choisi dans un élevage du coin, on l'a pris à l'essai. Les vertus de sa présence auprès des élèves sont maintenant évidentes.
Nicolas Hérisséproviseur du collège publique Roger Vercel de Dinan
"Le chien est un sujet lié à la sphère domestique. Normalement il est à la maison. Sa présence à l'école en fait un lieu rassurant, un peu cocon, réconfortant, qui ramène les élèves à leur identité d'enfant"souligne le proviseur.
En témoignent les paroles d'Alice : "moi j'ai la flemme d'aller à l'école, mais pas quand il y a Suzy". "Avec elle, les tensions s'apaisent, les enfants sont plus concentrés", rajoute le proviseur. "C'est aussi un formidable vecteur de valorisation. Les enfants deviennent les maîtres du chien quand ils vont faire un tour avec lui dans les autres classes. Aux yeux des autres, ils deviennent importants. Certains enfants ont une voix et une posture plus assurées quand ils sont avec Suzy." L'apprentissage des mathématiques, du français, des sciences et de l'anatomie : là aussi, on se réfère au chien pour illustrer certains sujets. Et une fois les cours terminés, la belle à poils longs est en garde alternée chez ses deux référentes.
5- L'école en forêt
Une demi-journée par semaine, les CP, CE1 et CE2 de l'école primaire publique de Tressé-Le Tronchet, en Ille-et-Vilaine, enfilent leurs bottes pour emprunter un petit chemin à travers le bourg et rejoindre la forêt domaniale du Mesnil. Bénédicte Evans, la directrice de l'établissement, est à la tête de cette petite troupe en route pour un cours au cœur de la nature. L'école dehors ou l'école en forêt nous vient d'une pédagogie née dans les pays scandinaves.
Qu'il pleuve, que le vent souffle, peu importe ! On chante en marchant, chacun a amené sa gourde, une ardoise, des crayons et un livre. Motivation écologique bien sûr, les détritus trouvés à terre sont ramassés. Sous les hêtres, les petits choisissent leur place : au pied d'un arbre au tronc accueillant, assis sur de la mousse ou un rondin de bois, près du copain. Puis, on ouvre les livres.
C'est un moment d'exploration , d'échange et d'observation. Un moment d'apprentissage différent. Les enfants construisent des teepees, font du land 'art. Les souches, les branches, les feuilles des arbres sont autant de matériaux qui leur permettent de créer et d'apprendre en s'amusant.
Bénédicte EvansDirectrice école primaire publique de Tressé
Mine de rien, l'enseignante glisse des notions de français, de mathématique, de science du vivant ou d'anglais. Les enfants découvrent le vocabulaire de la forêt, racontent des histoires. Les arbres sont un support concret pour comprendre les notions de géométrie, la différence entre le minéral, le végétal et l'animal. Ce moment de liberté, les petits en redemandent. Loin des salles de cours, ils peuvent courir, se détendre et retrouver leur âme d'enfant en pleine nature. Succès garanti pour cette méthode de plus en plus pratiquée en France.
6- Pédagogies alternatives : Montessori et Freinet
Au début,en 2023, ils étaient installés dans une yourte contemporaine, on les prenait pour des hippies et ça ne faisait pas très sérieux. Mais c'était pour des questions budgétaires. Aujourd’hui, l'équipe de l'école "Hêtre et devenir" et ses quarante élèves ont intégré l'ancienne école publique de Sixt-sur-Aff, petite commune du bassin de Redon en Ille-et-Vilaine.
Trois classes multi-âges, des enfants de 3 a 12 ans, venus de toute la France : certains parents n'ont pas hésité à déménager pour scolariser leur progéniture dans cet établissement, qui pratique la pédagogie alternative de l'italienne Maria Montessori.
Plus de 60% de nos élèves sont neurotypiques. Hyperactifs, Haut potentiel intellectuel, autistes de haut niveau : ils ont beaucoup de mal à gérer leurs émotions. Souvent, ils sont déscolarisés.
Laura Rembert-ChoisyCo-directrice école alternative "Hêtre et devenir" et enseignante
La méthode remporte un vif succès chez nous. Elle s'appuie sur la liberté d'apprentissage. Chaque enfant choisi son activité. L'enseignant a juste un rôle d'observateur.
C'est en manipulant des formes, des figures, des symboles géométriques ,avec des panels de couleurs, que l'enfant établit des correspondances avec les mots, les lettres ou les chiffres.
Laura Rembert-ChoisyCol-directrice école "Hêtre et devenir" et enseignante
Derrière ces jeux d'enfants, sans s'en rendre compte, l'élève apprend la grammaire ou les mathématiques, de façon très concrète. "Ne croyez pas pour autant qu'il n'y a pas de discipline" tient à préciser Laura. " On doit chuchoter en classe, se déplacer sans courir, l'élève doit ranger son matériel".
La pédagogie Freinet
Cette pédagogie considère que la participation de chaque enfant au travail est intimement liée à la réussite des autres. Fondée par l'instituteur français Célestin Freinet, la méthode Freinet (institut coopératif de l'école moderne) se base sur l'expression libre des enfants. On considère que chaque enfant essaie des choses au hasard. Il peut réussir ou se tromper et va progresser en expérimentant. C'est le tâtonnement expérimental.
Dans ces écoles, moins connues du grand public, l'enseignement se base sur les travaux en groupe. Ce modèle est aujourd'hui un peu en fin de course. Il a été initié par des professeurs plutôt marqués à gauche avec l'idée de libérer l'enfant, de s'émanciper d'une école "caserne" et de construire une société plus égalitaire.
Point commun de ces pédagogies alternatives : elles sont délivrées dans des établissements privés hors contrats, avec des frais de scolarité qu'il faut prendre en compte.