C’est une des réformes des études de médecine. Désormais, en fin de 1ère année, une partie des candidats passe un oral. A Rennes, une centaine était convoqué. Mais quand les résultats sont tombés, les élèves ont noté d’énormes écarts entre les notes des jurys. Ils envisagent d'aller en justice.
Cette année, les étudiants en médecine ont découvert et expérimenté la réforme des études de santé. Et ce ne fut parfois pas sans mal.
Ils étaient 460 inscrits en PASS (Parcours d’accès spécifique santé) à Rennes avec pour objectif se situer dans les 90 premiers pour accéder à la 2ème année.
Les 45 meilleurs élèves ont eu leurs places directement. Les suivants ont dû se présenter fin juin pour un oral. Répartis en 5 jurys, une centaine d’élèves se sont pliés à l’exercice : 20 minutes avec des questions sur un texte, et un entretien de motivation.
A la mi-juillet, les notes sont tombées. Et des élèves ont eu l'impression qu’ils n’avaient pas forcément tous été logés à la même enseigne.
"Le jury 1 a fait preuve de beaucoup plus de sévérité que les autres" témoigne le père d'une élève. Les étudiants ont calculé, comparé : le premier jour des oraux, la moyenne des notes attribuées par le jury 1 ne dépassait pas 12,75 : le lendemain, cette même moyenne plafonnait à 13,11.
Pendant ce temps, les autres jurys étaient beaucoup plus généreux. La moyenne du jury 2 par exemple était à 17,86, celle du 5 à 19,37.
4,3 points d'écart entre les jurys
Les élèves ont relevé qu'entre le jury 1 et les autres, il y avait 4,3 points d’écart. Or, dans un concours, chaque petit point est important."En conséquence, poursuit Philippe Collet, le père d'une étudiante, 21 % des élèves qui ont composé devant le jury 1 ont été admis en 2ème année, contre 42% de ceux qui se sont trouvés face aux autres jurys."
"La conclusion, s’indignent les élèves et leurs parents, est très claire : les étudiant(e)s qui sont passé(e)s avec le jury 1 avaient deux fois moins de chance, que les autres et même pratiquement trois fois moins de chance que ceux qui ont été auditionnés par le jury 4. Ceci est une marque d’inégalité flagrante que nous vous demandons de corriger, et il est très surprenant que cette analyse n’ait pas été réalisée avant la publication des résultats."
"Normalement, pour toutes les épreuves, les notes doivent être harmonisées. Là visiblement, cela n’ a pas été le cas, s’offusque un papa. Un dixième de point de plus ou un point de moins, ça fait qu’on peut faire médecine ou pas. Cette histoire, c’est une vraie catastrophe" dit –il.
Le rapport accablant d'une sénatrice
Les parents citent le rapport de la sénatrice normande Sonia de La Provôté sur la réforme des études de santé. Elle y dénonce les conditions d’études pour les jeunes, notamment pour cette promotion auto-qualifiée “crash test”.
@SoniadlpCaen (@UC_Senat) interroge @VidalFrederique sur la réforme Santé : “Les étudiants inscrits en première année subissent les nombreux dysfonctionnements de la réforme de l’accès aux études de santé. Quelles mesures exceptionnelles envisagez-vous ?”#QAG pic.twitter.com/5jcJUSXyPC
— Public Sénat (@publicsenat) May 19, 2021
"Ils n’ont pas été accompagnés, pour un grand nombre, faute d’information, de lisibilité. Ils ont découvert les règles du jeu en cours de route" analysait-elle au printemps lors de la remise de son rapport. La sénatrice réclamait un pilotage national entre le ministère et les universités, pour qu’il y ait un cadrage, des minimum requis en termes de programmes, d’organisation des heures de cours. "Il ne peut plus y avoir des promotions qui font 50% plus d’heures que d’autres, comme c’est le cas actuellement. D’une université à l’autre, l’équité n’existe pas entre les promotions."
"Ni entre promotions, ni entre élèves" ajoute le père d'une étudiante.
Pour le président du jury, le concours s'est déroulé dans les règles
Le président du Jury PASS, Marc-Antoine Belaud-Rotureau, s’étonne : "A ma connaissance, il n’y a pas eu de problème, on a une grille d’évaluation très détaillée, nos notes ont été harmonisées et le jury dont ils parlent a mis d’excellentes notes à certains étudiants. C’est un concours, donc il y a forcément un premier non-reçu. Il faut qu’ils acceptent ce résultat."
Dans un mail qu’il leur a adressé, Marc-Antoine Belaud-Rotureau, promet de recevoir les parents."Vous nous demandez de prendre un rendez-vous avec un secrétariat à partir du 16 août 2021, ceci est irrespectueux et intolérable" répondent-ils.
'Nous vous indiquons à nouveau que nous souhaitons que vous fassiez corriger toutes les notes des 24 étudiant(e)s qui sont passé(e)s avec ce jury N°1, nous pensons qu’un délai de 48 heures pour réaliser ces calculs paraît raisonnable compte tenu de la gravité et de l’urgence de la situation (…) Il faut que les moyennes et les écarts-types soient similaires entre les différents jurys. Manifestement cette harmonisation n’a pas été réalisée.'
"Le temps presse" conclut Philippe Collet, "la rentrée a lieu début septembre." Les parents ont déjà pris contact avec un avocat et envisagent de déposer une demande de référé devant le Tribunal administratif de Rennes pour "injustice entre élèves et non-harmonisation des notes".