Ce samedi 9 septembre à Redon, 200 personnes se sont mobilisées contre les normes imposées à l'élevage plein air. Mises en place pour lutter contre la grippe aviaire et la peste porcine, elles sont, selon les agriculteurs, trop nombreuses et trop contraignantes.
"C’est quoi l’agriculture normale ?" : c'est la question posée par la Journée mondiale pour une agriculture normale, organisée par le collectif du même nom. Venus d'Ille-et-Vilaine, de Loire-Atlantique et du Morbihan, une vingtaine de paysans et consommateurs est à l'origine de la mobilisation.
Ce samedi 9 septembre 2023, environ 200 personnes ont défilé dans les rues de Redon (Ille-et-Vilaine) pour dénoncer des normes de biosécurité, "inadaptées et destructrices", imposées à l'élevage plein-air.
Lutter contre "l'industrialisation de leur métier"
Les manifestants se sont d'abord retrouvés devant les halles de Redon en milieu de matinée. Des éleveurs plein-air ont pris la parole les uns après les autres. Cette "Journée mondiale pour une agriculture normale" leur sert aussi à faire connaître leurs conditions de travail.
Pour Audrey Lacroix, éleveuse de volailles plein-air dans la région nantaise, "l’Etat considère que la nature est dangereuse pour les animaux. Les gens pensent consommer du plein-air mais c’est faux !"
Le 7 juillet 2023, le gouvernement a pris un arrêté faisant passer le risque de "modéré" à "négligeable" sur tout le territoire national. Depuis le 14 août 2023, la France a retrouvé le statut "indemne" par rapport à l'épidémie de grippe aviaire.
L'État continue d'appeler à la vigilance et au respect des règles de protection et des normes de biosécurité. Un sas doit être mis en place entre l'extérieur et le bâtiment d'élevage. Des clôtures doivent être installées afin de limiter les contacts entre les animaux d'élevage et la faune sauvage. Les animaux d'élevage doivent aussi être enfermés. Des dispositifs similaires existent pour lutter contre la peste porcine africaine.
Françoise Louapre, éleveuse de volailles bio, regrette le manque d'adaptation des mesures préconisées par l'État. "Certaines mesures sont indispensables mais d’autres ne répondent pas à ce qui se passe sur le terrain. Mais nous obliger à enfermer nos volailles, c'est nous forcer à changer de métier. La grande majorité des contaminations se sont faites dans des élevages industriels, n'ayant aucun contact avec la faune sauvage."
Le cortège s'est ensuite élancé dans les rues de Redon. Enfermés dans un camion grillagé, et déguisés en cochons ou en coqs, l’image utilisée en tête de cortège est relativement claire. Sur les pancartes, les slogans ont rivalisé d'inventivité : "20 millions de volailles abattues en 2022 pour les protéger de la maladie", alors que "nos fermes sont des cul de sac pour les virus !" ou encore : "Grippe aviaire, peste porcine, des fermes-prisons à perpétuité".
Nous avons des élevages beaucoup moins denses, avec des animaux qu’on respecte, qui ne sont pas considérés comme des minerais.
Audrey Lacroix, éleveuse de volailles plein-air dans la région nantaise
Anne Fouquet, éleveuse de poules pondeuses à Allaire dans le Morbihan, critique des règles qui sont les mêmes pour tous, peu importe la taille de l'élevage. "On nous dépossède complètement de notre travail d’éleveur : s’occuper de nos troupeaux, veiller à leur santé et à leur bien-être", déplore-t-elle. "On est nous aussi en souffrance au travail car nous gérons des situations insupportables. L’enfermement des animaux est une mesure tout à fait inefficace."
Des normes opposées à un métier paysan
Les éleveurs de porc en plein-air sont eux aussi concernés. Chez Martin Robert, paysan éleveur de porcs, les truies ont des prénoms, des arbres pour s’abriter, et des bauges pour se baigner. Il doit grillager ces espaces et établir des sas sanitaires à chaque entrée, pour éviter que les sangliers n’entrent en contact avec ses animaux et leur transmettent la peste porcine.
Selon lui, le coût financier est trop important : "Ça m'a coûté 3 000 euros et surtout deux mois de travail à temps plein. C’est des demandes qui sont vraiment très conséquentes pour des petites exploitations plein air. Si on devait grillager 100% des fermes, ça coûterait beaucoup trop cher, donc on ne le fait plus."
S'ajoute aussi un coût environnemental : "Ces règles bloquent complètement une dynamique agro-écologique. Le porc est un très bon précédent pour du maraîchage. Et un cochon qui va aller dans différents endroits va gagner en immunité."
Ces éleveurs plein-air demandent donc des assouplissements, d’autant que d’après les autorités sanitaires, seules 0,6% des contaminations seraient liés à la faune sauvage.