Vers un allongement de la durée d'enfermement des étrangers dans les centres de rétention ?

Le gouvernement va proposer d'allonger la durée maximale de rétention administrative des migrants, de 45 jours actuellement à 90 jours. Au centre de rétention de Rennes-Saint Jacques, l'association intervenant à l'intérieur du centre, la Cimade, dénonce une mesure "totalement inutile".

Le gouvernement prépare un projet de loi sur l'immigration qu'il devrait présenter le 12 octobre. Nos confrères de l'AFP ont mis la main sur une copie du projet de loi, avant qu'il soit transmis au Conseil d'Etat. Dans cette version du projet, la durée maximale d'enfermement des étrangers en Centre de rétention passerait de 45 à 90 jours.

Une mesure qui suscite, si elle est votée, l'indignation de la Cimade. Cette dernière est la seule association à Rennes, autorisée à intervenir auprès des migrants au Centre de rétention administrative de Rennes -Saint-Jacques.  Saint-Jacques de la Lande fait partie des 24 centres de rétention administrative que compte la France (20 en métropole et 4 en outre-mer).

A Rennes, 100 policiers de la Police aux Frontières surveillent 10 à 55 retenus, leur nombre variant selon les périodes.  Les migrants enfermés au CRA ont été interpellés sur la façade Ouest, depuis Dunkerque jusqu'à La Rochelle, en passant par Nantes et jusqu'au Mans. Leur placement en rétention est décidée par le Préfet et peut faire l'objet d'un recours.

A Rennes, seul un quart des rétentions aboutit à une expulsion


Près de 46 000 personnes sont retenues chaque année en France, la moitié en métropole, et l'autre moitié en outre-mer. A Rennes, le CRA de Saint-Jacques de la Lande a vu passé 902 migrants l'année dernière, selon le rapport de la Cimade. Parmi eux, seul un quart (24,2%) a ensuite été expulsé, soit vers le pays d’origine, soit vers un pays européen où une demande d’asile est en cours d’instruction. Les autres ont été relâchés, notamment parce que les procédures n'ont pas été respectées, ou pour des raisons médicales, ou encore parce qu'une demande d'asile est finalement instruite. 55% des retenus à Rennes ont été libérés par des juges, administratifs ou judiciaires, et près de 15% ont été libérés par la préfecture (qui avait décidé de leur enfermement).


"Allonger la durée d'enfermement des étrangers ne sert à rien"

Un étranger retenu au CRA de Rennes reste en moyenne 10 jours. Une période à l'issue de laquelle soit il est expulsé, soit il est relâché. Seul 2.4% des retenus sont relâchés parce que la durée maximale d'enfermement autorisée (45 jours) est atteinte.
Sur la base de ces chiffres, Adrien Cornec, porte-parole de la Cimade en Bretagne et accompagnateur juridique au CRA de Rennes, " ne voit pas l'utilité d'allonger la rétention à 90 jours maximum, si ce n'est pour punir les migrants". "C'est un effet d'annoncepoursuit-il,  juste pour montrer que l'Etat fait quelque chose pour expulser les migrants."

La rétention administrative doit permettre aux pouvoirs publics d'avoir le temps d'entamer les démarches de renvoi auprès du pays d'origine. Et d'en obtenir le nécessaire laissez-passer.  Est-il fréquent qu'une demande d'expulsion échoue parce que le pays d'origine tarde à répondre? Y-a-t-il des cas de "blocage administratif" entre l'Etat français et certains pays étrangers? La Préfecture d'Ille-et-Vilaine et de la région Bretagne n'a pas encore répondu à nos deux questions. 


Depuis sa création il y a 10 ans, le centre de rétention administrative de Rennes-Saint-Jacques n'avait encore jamais été ouvert à des journalistes. En août 2017, l'intérieur du centre a pu être filmé. ©France 3 Bretagne

 

Qu'est-ce qu'un centre de rétention administrative?
Les centres de rétention administrative (CRA) sont des bâtiments surveillés par la police ou la gendarmerie, dans lesquels sont retenus des étrangers en situation irrégulière qui font l’objet d’une procédure d’« éloignement forcé » (expulsion), mais qui ne peuvent pas quitter immédiatement la France. Comme le précise le ministère de l’intérieur, un CRA n’est pas une prison, car la privation de liberté a été décidée par l’administration et non par un juge, c’est pourquoi on parle de « rétention » et non de « détention » ou « d’emprisonnement ».

Dans les faits, les CRA ont beaucoup de points communs avec l'univers carceral: les retenus ne peuvent en sortir, les visites sont réglementées, les téléphones portables équipés d'appareil photo sont interdits, les retenus sont surveillés nuit et jour, par des policiers ou des gendarmes, et par les caméras de vidéosurveillance qui équipe le centre. Le CRA de Rennes-Saint-Jacques compte pas moins de 60 caméras, pour contrôler un groupe de 55 personnes maximum.

Pour informer de leurs droits les étrangers retenus, l'Etat a dès le départ autorisé certaines associations comme la Cimade à intervenir dans les CRA. Au moment de la création des premiers CRA en France, il y a une trentaine d'années, c'était en quelque sorte le compromis trouvé: un enfermement qui n'a pas été décidé par un juge devait s'accompagner d'une aide juridique, fournie par une association compétente.
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