Au centre de rétention de Rennes, l'attentat de Marseille a changé la donne

Au centre de rétention administrative (CRA) de Rennes, l'attentat de Marseille, en octobre 2017, a changé la donne: comme d'autres centres, il reçoit désormais un nombre important de personnes sortant de prison, ce qui a modifié les pratiques et l'ambiance collective du lieu.
 


Dans les CRA, où sont enfermés, en vue de leur expulsion, des étrangers dépourvus d'autorisation de séjour en France, l'enfermement résulte d'une décision administrative et non d'une condamnationMais depuis l'attentat de Marseille, la situation a évolué

"On reçoit de plus en plus de personnes qui sortent de prison ou de garde à vue", constate le capitaine de la PAF (Police de l'air et des frontières), responsable du centre de 56 places.

"En 2018, entre 33 et 36% des personnes retenues sortaient de prison ou de garde à vue", précise-t-il, à l'occasion de la visite du CRA par une parlementaire, accompagnée de journalistes.

De la prison au centre de rétention


A la gare Saint-Charles de Marseille, le 1er octobre 2017, deux jeunes femmes ont été tuées par arme blanche. La veille des faits, l'auteur de l'attentat, en
situation irrégulière, était sorti de garde à vue après avoir été interpellé suite à un acte de petite délinquance. En raison d'un dysfonctionnement administratif,
il n'avait pas été placé en CRA à sa sortie de garde à vue.  Depuis ce drame, les étrangers en situation irrégulière sont systématiquement placés en rétention à leur sortie de prison ou de garde à vue.
 

La population a changé


Une nouvelle population dont l'influence se fait sentir dans les CRA où ils amènent avec eux des pratiques jusqu'alors confinées à l'univers carcéral.
Dans le bureau du directeur, un sac plastique renferme une panoplie d'objets confisqués: des brosses à dent au manche aiguisé, un emballage métallique de cachet affuté pouvant être utilisé "comme une lame", une pièce métallique récupérée sur un meuble et transformée en grappin en vue d'une tentative d'évasion, un cordage de draps noués dans le même objectif... 
 

On en vient à avoir les mêmes soucis qu'en prison


"Tout ça n'existait pas auparavant (...) Maintenant, on en vient à avoir les mêmes soucis qu'en prison", constate le directeur du centre. "C'est parfois assez tendu, pas nécessairement avec nous, mais plutôt entre eux", précise-t-il. Dans la salle commune censée permettre la détente des retenus, pour l'essentiel
de jeunes hommes, une télévision trône en hauteur et seuls quelques bancs sans dossier occupent le lieu. "Il y a eu beaucoup de matériel de cassé (...) Ils démontent et s'en servent comme arme", explique le directeur, "C'est un mode d'emploi qui vient des maison d'arrêt".


Chaque déplacement accompagné d'un policier


Au-dessus d'une partie du centre, déjà entouré de grillages et de barbelés, surveillé en permanence par des caméras, un immense filet est en cours d'installation pour éviter le jet d'objets de l'extérieur. Chaque déplacement, y compris la visite chez l'infirmière ou le passage chez le coiffeur, se fait accompagné d'un policier.
Dans la cour, quelques activités sont à disposition pour rompre la monotonie de l'attente. Un mini terrain de foot et bientôt des agrès. "Il faut trouver des activités occupationnelles", commente le responsable.


La physionomie du centre est en train de changer


La Cimade, une association qui assure, avec l'accord de l'administration une permanence juridique à l'intérieur du CRA, a constaté aussi les changements depuis fin 2017. "On a vu une explosion des placements en CRA (...) Ça a été une course aux places partout", assure Paul Chiron, intervenant accompagnateur pour la Cimade. En plus des ex-détenus, les CRA doivent aussi s'adapter au nouveau délai de 90 jours de détention dans le cadre de la loi Asile et Immigration, adoptée en 2018, contre 45 auparavant.

"On sent la situation qui se tend, l'angoisse qui monte... Cela a de graves conséquences sur leur santé mentale, certains ont du mal à dormir, d'autres cessent de s'alimenter", assure M. Chiron évoquant des tentatives de suicide et des auto-mutilations. "La physionomie du centre est en train de changer, le métier est en train d'évoluer", explique le directeur du centre. "Les collègues font un gros travail de médiation. C'est devenu indispensable".
 
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