Depuis le 17 mars, ni pêcheurs, ni promeneurs au bord de l’eau, personne ne veille plus sur les rivières, pas même les riverains cantonnés chez eux. Pourtant les rivières fournissent 80% de l'eau potable bretonne et abritent une part extrêmement importante de la biodiversité.
Le confinement a débuté juste après l’ouverture de la truite. Au moins pouvait-on penser que goujons et truitelles profiteraient de l’aubaine pour croitre et se multiplier en toute tranquillité. Que nenni ! Car ce n’est pas du pêcheur que la truite a le plus à craindre : c’est du pollueur.
Pêcheurs confinés, rivières en danger
Contrairement aux oiseaux qui retrouvent une certaine tranquillité dans l’espace naturel, et à une grande partie de la faune qui sort du bois pour s’enhardir dans les champs, sur les routes et même dans les lotissements, les poissons eux, ont plus à perdre qu’à gagner de ce confinement général. Il suffit d’un humain irrespectueux des règles environnementales pour tuer les poissons sur plusieurs kilomètres de rivière.
La tension monte un peu entre la Fédération de pêche d’Ille-et-Vilaine et les services de l’État en charge de la surveillance des cours d’eau. Depuis le début du confinement plus personne n’est au bord des rivières pour dissuader certains pollueurs. Ni les pêcheurs qui ne manquent pas de signaler les pollutions, ni la police de l’environnement, l’Office français de la biodiversité (OFB) dont les effectifs déjà minces, sont priorisés sur d’autres fronts, selon Jérémy Grandière, le président de la Fédération des pêcheurs d’Ille-et-Vilaine. Et il le déplore :
Certains profitent de la situation pour se débarrasser de matières polluantes ce qui les encombre. Dans le monde agricole certains exploitants ne respectent pas les règles de distance des cours d’eau ou déversent du lisier à forte dose pour gagner du temps.
Et d'ajouter : "Quand il n’y a plus de pêcheurs au bord de l’eau, ça n’a pas du tout un impact positif. Les pêcheurs sont les sentinelles des rivières. Ce sont eux, avec les promeneurs, les kayakistes et les riverains, qui sont les meilleurs garants du respect des cours d'eau, de la faune et de la flore aquatique".
Épandages de lisier à outrance
Le confinement contre le Covid-19 a entraîné une absence totale de surveillance. En cette période de printemps, les agriculteurs fertilisent leurs prairies ou la terre qu'ils préparent en vue de semer certaines cultures gourmandes en engrais. Les prairies servent de zones d’épandage aux éleveurs de cochons ou de bovins. Ils se débarrassent ainsi des purins et lisiers qui sont des engrais naturels pour les prairies ou les cultures, à condition de respecter certaines règles.
Les bonnes pratiques d'épandage du lisier
Un exercice qui n'est pas toujours facile : il faut épandre la bonne dose au bon endroit et au bon moment. Certaines techniques d'enfouissement évitent aussi la pollution de l'air.
Normalement les agriculteurs doivent épandre le lisier en respectant des distances réglementaires par rapport aux fossés, ruisseaux et rivières, de 35 mètres. Cette distance est réduite à 10 mètres si l’agriculteur préserve une zone d’herbage permanente dans cette bande qui fait tampon contre les pollutions accidentelles.
Ensuite il faut réunir plusieurs conditions. Ne pas épandre plus de liquide que la surface agricole est capable d’en absorber. Respecter les conditions météorologiques : une terre trop détrempée avant l’épandage ou la pluie qui tombe trop rapidement après l’opération, entraîne le lisier vers la rivière.
Dans ce cas c’est la mort des poissons soit parce que le produit ou sa concentration empoisonne directement la faune piscicole, soit parce qu’il asphyxie la rivière en la privant de son oxygène. Tous les produits biologiques issus du vivant, se dégradent dans l’eau en absorbant l’oxygène.
À Romagné, c'est un affluent du Couesnon, le ruisseau du Thouru, qui a été pollué de cette façon. Un crève-coeur pour les pêcheurs. C’était une réserve de reproduction de truites naturelles. Cinq générations de truites et truitelles sont ainsi mortes. Plusieurs années de travail de la Fédération de pêche réduites à néant; et il faudra autant de temps pour reconstituer cette réserve de biodiversité dont les poissons ne sont que la partie visible.
Recrudescences d’infractions
Ces derniers jours, d'autres cas de pollutions agricoles ont eu lieu sur les communes d'Iffendic et de Bazouge-du-Désert. Mais il n’y a malheureusement pas que les épandages de lisiers pour polluer l'eau.
Ainsi, du coté de Vitré, la Fédération de pêche a aussi porté plainte pour une forte pollution aux hydrocarbures en provenance d'une entreprise du BTP. Une enquête est en cours. Un déversement toxique de plusieurs centaines de litres dans le réseau des eaux pluviales qui rejoint la Vilaine. Faut-il rappeler qu’en Bretagne 80% de l’eau que nous buvons provient des rivières?