David Hallifax, 67 ans, citoyen britannique installé en France depuis 1981, coule une retraite heureuse en Ille-et-Vilaine. Mais la perspective du Brexit pousse cet ancien expert comptable à demander la nationalité française pour pouvoir continuer à vivre "librement en Europe".
Détenir des papiers français, David Hallifax n'y avait pas songé jusqu'à l'onde de choc du Brexit. "On pensait qu'on avait un passeport qui nous permettait de vivre librement en Europe et maintenant ce n'est plus possible", explique plein d'amertume cet homme au visage rond et à la barbe grisonnante, maniant un français parfait avec un zeste d'accent anglais.
Sa famille a foulé les champs de bataille européens lors des deux guerres mondiales: "mon père a fait l'Afrique du Nord et l'Italie, ma mère a vécu la guerre en Belgique, ma belle-mère était Suisse et mon beau-père a fait le débarquement du côté de Caen", énumère ce père de cinq enfants, dépité par la montée du protectionnisme et des eurosceptiques."Ça me fait mal au coeur pour mon pays d'origine, mais est-ce que c'est vraiment mon pays d'origine? Géographiquement oui, mais philosophiquement non", assène cet européen convaincu.
Très impliqué dans la vie locale
Après avoir grandi à Londres et dans le Surrey (sud), il s'implante en Cornouailles. En 1981, sous Thatcher, "il n'y avait plus beaucoup d'emplois dans la petite électronique", glisse-t-il, et il émigre en France. Direction Cernay, près de Mulhouse, pendant seize ans, avant de devenir directeur financier en région parisienne puis de s'installer finalement en 2005 à Hédé-Bazouges en Ille-et-Vilaine au nord de Rennes.Très impliqué dans la vie locale, ce retraité a été conseiller municipal et conserve les clefs de l'église du village, qu'il nettoie épisodiquement. Autant de preuves de son implantation.
"Il faut que je trouve un traducteur assermenté pour les papiers britanniques, mon certificat de naissance et de mariage, les autres papiers, l'historique de carrière, les ressources, le logement sont en français", appuie-t-il en préparant un minuteur pour ne pas trop infuser le thé, avec en toile de fond la BBC.
David Hallifax, qui compte déposer en mars son dossier en préfecture, a bon espoir de devenir Français alors que le ministère de l'Intérieur a noté "une augmentation très sensible" du nombre de demandes d'accès à la nationalité déposées par des ressortissants britanniques, estimés à 150.000 par l'Insee.
Pour son fils Daniel, chef d'entreprise de 44 ans vivant à Nice, "il est assez étonnant, voire désolant, que des personnes comme mon père doivent à leur âge faire toutes ces démarches"."On est assez impliqué localement, on parle bien français, on a des attaches avec des enfants et des petits-enfants nés en France", énumère ce catholique pratiquant.
Crainte pour la paix en Irlande
Encore "catastrophé" par la sortie de l'UE qui se profile fin mars, David Hallifax est aussi inquiet pour les conséquences en Irlande alors qu'il a vécu à Guilford, touché par un attentat sanglant de l'IRA en 1974. "Cette violence pourrait ressurgir, jusqu'à maintenant il y a un libre mouvement entre le Nord et le Sud mais là (en cas de retour d'une frontière, ndlr) on a la recette pour un retour en arrière", craint-il.Avec deux enfants vivant à Crawley, au sud de Londres, David Hallifax traverse une fois par trimestre la Manche. Selon lui, "l'Angleterre devient de plus en plus dense, les gens conduisent de plus en plus mal mais on a fait des progrès pour la nourriture". Et de retour sur le continent, s'il regrette la convivialité et l'atmosphère unique propres aux pubs anglais, il retrouve avec bonheur "l'espace" caractéristique de la campagne française.