CARTE. Crise de l'hôpital : pourquoi la fermeture partielle des urgences des hôpitaux en Bretagne, est le signe clinique d'un mal profond

Le Centre hospitalier privé Saint-Grégoire annonce que faute de médecins urgentistes, il est obligé de fermer son service d’urgence pendant cinq jours. Alors que le Président de la République s’est rendu ce 31 mai au chevet de l’hôpital, une fermeture symptomatique d’une crise grave du secteur de la santé.

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"C’est dramatique, les urgences, c’est le premier endroit où les gens peuvent aller quand ils ont un problème "s’inquiète Sandra Ruzé, déléguée syndicale CFDT du CHP Saint-Grégoire.

"Nous sommes soignants, nous sommes là pour soigner, mais là, ce que je vois, c’est que l’on va mettre la population en danger" ajoute Fabienne Le Buhan, déléguée syndicale CGT de la clinique.

Le Centre hospitalier privé de Saint Grégoire comptait dix médecins urgentistes, il n’en a plus que huit. "Il en faudrait douze", précise Fabienne Le Buhan. "Ceux qui sont là font de semaines de 60, 70, 80 heures."

Il y a quelques jours, la direction du Centre hospitalier privé a annoncé au personnel que les urgences allaient fermer la nuit du 1er au 5 juin 2022.

"Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient" déplore Sandra Ruzé, "ll y a une pénurie de médecins urgentistes."

"Cela fait des mois et des mois que l’on tire la sonnette d’alarme ",s’indigne Fabienne Le Buhan, infirmière en salle de réveil. "Cela fait même des années que la santé est malade. Et là, en France, en 2022, on va avoir des pertes de chances pour certains patients parce que les ministres et les gouvernements successifs n’ont pas fait ce qu’il fallait."

La CGT Santé a publié une carte de lits et des services d'urgence menacés.  

Des répercussions à craindre sur les autres services d’urgence

Les urgences du Centre hospitalier privé Saint- Grégoire accueillent 180 à 200 personnes par jour. Si elles restent closes la nuit, cela fera 70 ou 80 patients de plus dans les autres centres.

"Les usagers vont se rendre au CHU qui est déjà saturé "redoute Katia Merienne, secrétaire générale CFDT Santé-sociaux d’Ille et Vilaine. "C’est une situation compliquée pour tout le monde."


Et elle dresse la liste : les urgences de Vitré sont fermées la nuit depuis novembre 2020. A l’époque, le docteur Soulat, chef de service SAMU 35 - Urgences au CHU Pontchaillou estimait qu’il manquait 80 médecins urgentistes en Bretagne. Les urgences de Redon essayent de tenir mais sont parfois obligées de clore certains week-end, c’est pareil pour celles de Fougères et celles de Laval (qui n’est pas dans le département, mais pour une partie des habitants, il est plus rapide de venir à Rennes que d’aller à l’autre bout de la Mayenne), résultat, les urgences de Rennes ont vu leur activité augmenter de 30%.

Il y a deux ans, elles recevaient en moyenne 180 patients par jour. En 2022, c’est 200. "On bat des records tous les jours"  dénonce Kévin Houget du Collectif Inter-hôpitaux.


Il y a quelques jours, le 17 mai, Les urgences du CHU de Rennes ont connu un pic : 256 passages en 24 heures. "Et c’était en mai " s’inquiètent les soignants. "Que va-t-il se passer cet été quand des services d’urgence vont fermer pendant tout un mois ?"

Catastrophe annoncée

Louis Soulat est vice-président de Samu-Urgences de France parle de "catastrophe annoncée. Les mois qui viennent vont être compliqués "explique-t-il.

"Il y a deux problèmes," détaille le médecin. "D’une part, il y a des patients qui viennent aux urgences parce qu’ils ne trouvent pas de médecins généralistes pour s’occuper d’eux. Il faut donc que l'on réorganise la médecine de ville."


"Et puis, d’autre part, il y a un hôpital qui n’est plus dimensionné pour faire face aux attentes. "
 

Depuis 2000, ce sont plus de 80 000 lits d'hospitalisations dans le public qui ont été fermés. Cela représente une baisse de 25% du nombre de lits en vingt ans.

Louis Soulat parle d’un "effet domino." "Quand on ferme des lits dans les services de soin de suite, les patients qui sont dans les services de cardiologie, de neurologie, d’orthopédie qui ne peuvent pas rentrer chez eux, y demeurent. Les médecins n’ont alors plus de chambre libre pour accueillir les nouveaux malades ou blessés qui ont été admis aux urgences. Ils restent donc aux urgences !"

"Ce 1er juin, décrit le médecin, à l’hôpital, on a une centaine de malades en attente de soins de suite. Et nous, tous les matins, nous devons trouver des lits pour les patients des urgences. Aujourd’hui, il n’y en a que 18. C’est monté jusqu’à 40. Cela veut dire qu’il y a des gens qui passent plus de 12 heures sur un brancard, parfois dans un couloir."

"Et pour couronner le tout, on nous présente un plan de fermeture de lits pour cet été catastrophique : dans certains départements 25% de lits seront fermés, c’est deux fois plus que d’habitude".

Pour permettre aux soignants de prendre des congés, une partie de l’activité programmée est suspendue, mais les professionnels s’inquiètent. "L’été n’est pas passé !"

Le personnel à bout

"On va dans le mur, redoute Kevin Houget du Collectif Inter hôpitaux. Dans les hôpitaux, les cliniques, les Ehpad, les soignants rendent leurs blouses blanches. Et donc, pour ceux qui restent dans les services, la tâche est de plus en plus compliquée."

"Il faut que les métiers de la santé soient mieux reconnus. Pour que les médecins ne prennent plus cette spécialité, c’est qu’il y a un problème quelque part "s’interroge Sandra Ruzé, "Il y a vraiment un souci".

"Il faut redonner de l’attractivité au métier et arrêter l’hémorragie de personnel" acquiesce Louis Soulat.

Tous redoutent le pire. "Que se passera-t-il si on connait cet été une épidémie comme celle du Covid ou une canicule ?"

La mission d'information sur les urgences, annoncée hier par le Président de la République, irrite les professionnels qui ont l'impression que le diagnostic a été posé depuis longtemps. 


Pour éviter tout risque, Louis Soulat recommande d’appeler le 15 avant de se déplacer vers un service d’urgence. Le service de régulation saura orienter les malades vers les lieux adaptés à leur état de santé.

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