Cold cases. La juge d'instruction Sabine Kheris à la pêche aux experts en région

Depuis la naissance du pôle national dédié aux cold cases, il y a un an, la juge d'instruction Sabine Kheris écume les laboratoires en quête d'expertises innovantes pour ses dossiers parfois vieux d'un demi-siècle. Gwénola Drogou, chirurgienne dentiste en Bretagne et experte judiciaire espère contribuer à la résolution d'une affaire.

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Depuis la naissance du pôle national dédié aux cold cases, il y a un an, la juge d'instruction Sabine Kheris écume les laboratoires en quête d'expertises innovantes pour ses dossiers parfois vieux d'un demi-siècle. La juge d'instruction part Sabine Kheris à la pêche aux experts

La recherche du détail

"Un tout petit détail va permettre de trouver l'auteur d'un crime", explique la coordinatrice du pôle installé à Nanterre, lors d'un colloque de la Compagnie des experts en justice criminalistique auquel l'AFP a assisté en novembre.

Et quand ce "tout petit détail" est révélé par une "expertise scientifique bien faite et bien expliquée", "la pièce est relativement incontestable lors d'un procès", assure la magistrate, connue pour avoir obtenu des aveux du tueur en série Michel Fourniret.

Devant un parterre d'experts venus l'écouter, Sabine Kheris l'admet volontiers: "un cabinet de juge d'instruction ne peut pas enquêter dans son coin. C'est l'effet tunnel assuré". "Un juge seul ne peut rien, alors qu'une équipe pluridisciplinaire peut soulever des montagnes et donner des réponses à des familles", abonde sa greffière Valérie Duby.

Alors la fine équipe "fait le tour des laboratoires" pour se tenir informée des "dernières technologies".

Intelligence artificielle et nouvelles technologies

La magistrate et la greffière ont notamment visité celui d'hématologie médico-légale de Bordeaux.

Contacté, le professeur Christian Doutremepuich tient à garder "confidentielles" ses relations avec le cabinet, aux enquêtes couvertes par le secret. Il a toutefois accepté d'évoquer pour l'AFP quelques techniques innovantes du laboratoire, qui s'est taillé une réputation dans l'analyse de scellés anciens issus d'affaires non résolues.

Par exemple, la microdissection laser. Cette méthode, inspirée de l'oncologie, consiste à isoler par un faisceau laser des cellules génétiques sur des scellés pauvres en cellules. Elle a permis, entre autres, de remonter jusqu'au meurtrier de Christelle Blétry, l'une des "disparues de l'A6", violée et assassinée en 1996: Pascal Jardin a été confondu par une trace de sperme retrouvée sur un pantalon.

Le laboratoire parvient également à dessiner des portraits-robot génétiques à partir de traces laissées. "On détermine la couleur des yeux, des cheveux et de la peau", explique le professeur. Et bientôt "l'âge de la personne" ? L'équipe y travaille.

Par ailleurs, un groupe dédié à l'innovation creuse la piste de l'intelligence artificielle pour "permettre d'orienter l'enquête biologique", poursuit le spécialiste.

"La bonne parole" 

Parmi ces expertises foisonnantes, le magistrat doit voir clair. Or "il est souvent reproché aux experts de conclure quelque chose d'inaudible ou de ne pas trop se mouiller", témoigne Mikael Petit, qui a travaillé à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) de 2010 à 2021.

Lui a été deux ans coordinateur des opérations criminalistiques auprès de Mme Kheris, notamment sur le dossier de la disparition de la petite Estelle Mouzin: il s'occupait de "faire le lien" entre experts et magistrat, comprenant "le vocabulaire" des deux professions et "contextualisant" chaque expertise.

Faire le tour des laboratoires est "une très bonne démarche" de Mme Kheris, salue M. Petit. "Toute personne travaillant sur un cold case doit être à jour sur les techniques pour revisiter l'ensemble des traces".

Dans leur tournée, la juge et la greffière veulent aussi inciter les experts à être "force de proposition" afin d'"éviter des écueils", explique Mme Kheris. Comme "ce dossier des années 80 où une femme est retrouvée morte, nue, sur son canapé" mais où "on ne saura jamais si elle a eu des relations sexuelles, consenties ou pas". Le médecin légiste d'alors a bien constaté les causes du décès par arme blanche "sur le haut du corps", mais "n'a pas regardé plus bas".

Un an après son lancement, la juge espère "faire partager" les méthodes de travail du pôle. "Les experts qui auront travaillé avec nous pourront diffuser la bonne parole dans les régions", sourit-elle.

Message reçu par Gwénola Drogou, chirurgienne dentiste en Bretagne et experte judiciaire, qui espère bien contribuer à la résolution d'un cold case.

"J'ai donné ma carte à Sabine Kheris", raconte-t-elle à l'AFP. "Avec l'identification odontologique", c'est-à-dire l'analyse comparative bucco-dentaire, "nous pourrions faire des liens entre les portés disparus et les enterrés sous X".

BT avec AFP

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