Le parquet a requis jeudi à Rennes au moins deux ans de prison pour un entrepreneur accusé d'avoir entreposé des déchets d'amiante dans une dizaine de sites clandestins de l'ouest de la France. Le jugement a été mis en délibéré au 2 juin.
Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés à l'extérieur de la cité judiciaire avec des pancartes telles que "Les empoisonneurs doivent être jugés" alors que se tenait le procès de Daniel Couet, ancien patron de la société de désamiantage et de démolition CDEC à Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine).
En dépit de la règlementation
"Vous avez comme le Petit Poucet essaimé vos déchets d'amiante aux quatre coins du Grand Ouest. Vous êtes un serial pollueur", lui a lancé Michel Ledoux, avocat des parties civiles, qui a réclamé 12.000 euros de dédommagement pour huit anciens salariés. Maître Ledoux a évoqué des agriculteurs qui risquent de déterrer un jour de l'amiante cachée dans leurs champs. "Peut-être que dans 50, 60 ou 70 ans, des maladies liées à l'amiante pourront vous être imputées", a-t-il dénoncé.Evoquant "une volonté manifestement délibérée" d'ignorer la réglementation, le procureur a réclamé au moins deux ans de prison pour Daniel Couet, qui a déjà purgé quatre mois de détention provisoire, et 2.000 euros de dédommagements pour six des anciens salariés.
Neuf sites pollués
La CDEC, fondée en 1999, a été mise en liquidation après la mise en examen de son patron fin 2008. Elle a compté jusqu'à 25 salariés et est intervenue sur de nombreux chantiers publics de démolition (lycées, gymnases, hôpitaux...). Dénoncé à l'époque par un ancien salarié, Daniel Couet est poursuivi pour avoir déposé entre 2003 et 2008 des déchets d'amiante dans neuf sites sauvages, notamment des champs ou des forêts, répartis sur sept départements.La sécurité précaire des salariés
Quant à ses ex-salariés, il lui est reproché de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour les protéger lors des travaux de retrait d'amiante. La présidente du tribunal a évoqué des "manquements" dans les mesures de sécurité dont auraient dû bénéficier les désamianteurs, rappelant que ces derniers devaient parfois se contenter de se verser une bouteille d'eau sur la tête en guise de décontamination."C'est dangereux", a dû reconnaître le prévenu, un homme de 59 ans plutôt corpulent et agité de tics, qui a admis qu'il avait bien été formé aux risques de l'amiante. La présidente a évoqué aussi des démolitions de bâtiments scolaires, avec "des sacs amiantés qui restent dans l'école, alors que les élèves courent à côté". Elle a relevé que CDEC était souvent la mieux-disante lors de marchés publics, soupçonnant que cela était lié aux économies faites sur la sécurité.
Les avocats de la défense ont dénoncé un dossier "bâclé", estimant qu'il n'y avait pas de certitude sur la nature des déchets abandonnés, faute de fouille des lieux d'enfouissement. "J'ai l'impression que Mr Couet est un véritable bouc émissaire", a plaidé le bâtonnier Philippe Olive.
Aucun des ex-salariés qui se sont portés partie civile n'a contracté de cancer, mais Patrick Hamon, président de l'association départementale de défense des victimes de l'amiante de Loire-Atlantique (Addeva 44), a rappelé à l'AFP que la maladie "se déclenche 20, 30 ou 40 ans après l'exposition à l'amiante".
"On transportait des gravats mais on ne savait pas ce qu'il y avait dedans", a expliqué Gérard Pigeon, un ancien chauffeur de l'entreprise. "Moi, je bâchais mon camion à cause de la poussière. Une fois, (Daniel Couet) nous a dit: 'c'est de l'amiante mais c'est pas grave, il n'y a pas de problème'", a témoigné par téléphone cet ancien salarié. Gérard Pigeon affirme avoir eu un suivi médical juste après la fermeture de l'entreprise, "mais rien depuis". "Je m'inquiète pour moi, pour mes trois enfants et pour mon
ex-femme: c'est elle qui lavait les bleus de travail que je ramenais à la maison", dit-il.
Le jugement a été mis en délibéré au 2 juin à 14h00.