Emploi des seniors. "Périmés", ils ont trouvé leur place dans une entreprise

Même si la situation s'améliore petit à petit, le nombre de seniors en entreprise reste faible en France. Selon les chiffres de la Darès, le taux d'emplois des 55-64 ans est de 56% en France. Contre 71,8% en Allemagne ou 76,9 % en Suède. Et le chiffre s'effondre à 35,5% pour la classe d'âge des 60-64 ans.

Globalement, la France se classe à la 17e place sur 27 par rapport à l'emploi des seniors. En cause, de nombreux stéréotypes sur les salariés âgés. Mais, avec la récente réforme des retraites, de nombreuses entreprises commencent à investir sur le créneau des emplois séniors.

À 58 ans, Nathalie Cornichet est une femme dynamique. Pourtant, depuis 24 mois, elle est au chômage. Pour cette cadre dans le secteur de la cosmétique, pas question de ménager ses efforts pour retrouver un emploi conforme à son expérience. "Le dossier qui est là, ce sont la soixantaine de réponses à des annonces. Plus d'une vingtaine de candidatures spontanées, une vingtaine d'entretiens par téléphone ou en présentiel, et le résultat a toujours été négatif", regrette-t-elle.

Une senior qui refuse de jouer les victimes, même si elle a souvent été confrontée à des a priori de certains recruteurs par rapport à son âge... "Je me suis retrouvée devant un recruteur qui m'a dit - mais madame, vous ne pensez pas qu'être l'ambassadrice de cette marque va être compliqué pour vous ? Il m'a dit qu'il ne voulait pas faire de la discrimination mais que quelque part, une jeune femme serait peut-être plus propice pour le poste"

"Périmés", les seniors ? 

La discrimination liée à l'âge... C'est pour lutter contre ce fléau que l'APEC, l'Association Pour l'emploi des cadres, vient de lancer cette campagne choc...intitulée "Périmés ?". Des silhouettes de cadres au chômage avec une date de péremption, un peu comme pour un produit alimentaire. En France, ce sont 100.000 cadres seniors qui sont privés d'emplois, 4.700 en Bretagne.

Ces affiches qui fleurissent partout en France sont là pour faire changer les mentalités : "Ce qu'on entend souvent, ce sont les problématiques sur l'employabilité, sur le management de ces publics, et puis qu'ils pourraient être trop chers. En gros, on est sur de la discrimination à l'égard de ces personnes", rapporte Olivier Maurin, délégué régional de l'APEC Bretagne. Les difficultés de l'emploi des seniors : une situation qui touche tous les métiers, quelque soit leur degré de qualification.

Dispositif CDD Sénior

Pourtant, de plus en plus d'entreprises favorisent le maintien dans l'emploi des séniors. Comme, par exemple, au groupe La Poste. À 61 ans, Claudine Brémont est chargée de clientèle dans ce bureau de Cesson-Sévigné, près de Rennes. Elle a été recrutée il y a 2 ans dans le cadre du CDD sénior. Un dispositif mis en place par l'Etat pour les 50 ans et plus qui n'ont pas leurs annuités pour partir à la retraite.

"On s'aperçoit qu'à 60 ans, on peut encore être sur le marché de l'emploi. C'est valorisant. Pour moi, c'est très bien et de toute façon, je n'avais pas vraiment le choix non plus puisque je n'avais pas acquis tous mes trimestres, donc il fallait bien continuer à travailler", raconte Claudine Brémont. 

Outre les aides accordées à l'entreprise, le profil de cette ancienne commerçante qui gérait une alimentation de proximité, hébergeant un centre postal communal, a séduit la direction. Philippe Texier, délégué du secteur de Cesson-Sévigné (35) pour le groupe La Poste, confirme : "C'est toute son expérience, son vécu, sa fraîcheur, son dynamisme et au niveau commercial, elle va de l'avant avec un bon contact avec la clientèle, qui ont fait la différence. Il y a eu une bonne intégration, ce qui a permis de faire évoluer positivement les autres collaborateurs". 

Une plus-value : la transmission de compétences 

Dans cette autre entreprise, basée à Pluvigner dans le Morbihan, et spécialisée dans la fabrication de lits d'hôpitaux high-tech, les séniors reçoivent eux un traitement de faveur.

C'est le cas de Guy Donou, 59 ans en décembre prochain. Après deux décennies passées comme technicien, il a pu bénéficier d'une réorganisation de son poste au sein du groupe Baxter. Désormais, une partie de son temps consiste à transmettre ses compétences en formant de nouveaux salariés récemment embauchés : "Je suis en contact avec trois jeunes techniciens qui viennent d'arriver dans l'entreprise et évidemment, c'est très important de les former à nos différents modèles. J'ai beaucoup apprécié de changer d'activité et de découvrir autre chose tout en restant motivé par le travail", témoigne-t-il. 

Des formateurs et des tuteurs "maison" et aux tempes grises sur lesquels cette entreprise veut capitaliser pour améliorer ses performances : "C'est grâce à l'expérience de ces personnes qu'on peut transmettre et aller vers l'excellence opérationnelle", conclut Marc Capdeville, directeur exécutif chez Baxter, sur le site de Pluvigner (Morbihan).

Accompagnement psychologique vers la retraite

Autre aspect désormais mieux pris en compte, l'accompagnement psychologique vers la retraite. Dans ce laboratoire pharmaceutique breton de 300 salariés, qui produit des médicaments injectables, une consultante externe a été appelée au chevet de seniors dont beaucoup sont arrivés ici il y a 40 ans, à la création de cette entreprise familiale. "Il y en a qui ont peur de ce moment où on perd son rythme, ses relations de travail et qui ne savent pas comment occuper leur quotidien demain", raconte Cassandre Follet, responsable RH au laboratoire Panpharma à Luitré, en Ille-et-Vilaine.

Un jeune patron qui recrute volontairement un sénior

La France se classe 17e sur 27 en Europe pour le taux d'emplois des + de 55 ans. Des séniors que Magalie Guirriec, consultante et psychologue du travail spécialisée dans l'intergénérationnel, souhaiterait voir mieux intégrés en entreprises.

Ce jour-là, elle reçoit Arthur Faivre 27 ans et Philippe Quil, 62 ans. Une situation atypique car le salarié recruté en CDI il y a un mois totalise 35 ans de plus que son jeune patron. "En fait, tout nous séparait : l'âge bien sûr, le cursus universitaire, l'expérience professionnelle, le code vestimentaire et pourtant, dès les premières minutes du premier entretien, nous nous sommes vraiment entendus", se souvient Philppe QUIL, directeur commercial de l'agence de communication JODEE. 

Le recrutement d'un sénior est une démarche volontariste de la part de ce jeune chef d'entreprise : "Pour moi, c'était un vrai choix. J'avais besoin de quelqu'un qui puisse m'aiguiller, qui ait de l'expérience et qui ait du vécu, donc quelqu'un de mon âge, il n'avait pas tout ce que Philippe a pu vivre", affirme Arthur Faivre, co-dirigeant de l'agence de communication JODEE.

Dans l'équipe où la moyenne d'âge est de 25 ans, le sexagénaire a trouvé sa place. Un exemple réussi de ce que l'on appelle désormais la collaboration intergénérationnelle, comme l'explique Magalie Guirriec : "Une entreprise qui a en son coeur des salariés de toutes générations est une entreprise qui ressemble à notre société. Ce qui se passe chez JODEE, c'est qu'Arthur permet aussi à Philippe de grandir en compétences". Le senior a prévu de rester fidèle à sa nouvelle entreprise jusqu'à sa retraite qu'il prendra d'ici 5 ans.

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