La Cour des comptes a publié jeudi 1er juillet un rapport sur la gestion de l’association CPPC (festival Mythos, le MeM, le Théâtre de l'Air Libre...). Les comptes sont positifs, mais la chambre régionale appelle à la vigilance à cause notamment d'un manque de clarté et de dépenses "somptuaires".
Gare aux conflits d'intérêts ! Le rapport de la Cour des comptes appelle le CPPC à la vigilance. Durant dix-huit mois, sa chambre régionale a épluché la gestion et le fonctionnement de l'association rennaise sur une période de cinq ans. Elle émet plusieurs réserves, quant à une gouvernance imprécise ou encore des dépenses excessives.
Entre 2014 et 2019, l'association est passée de 16 à 25 salariés. Elle a vu son chiffre d’affaires doubler, en passant de 1,1M€ à 2,4M€ grâce à la multiplication de son offre culturelle.
Mais aujourd'hui, la Cour des comptes pointe un fonctionnement qui manque parfois de clarté.
Une gouvernance "imprécise et enchâssée dans des liens personnels"
Support du festival Mythos, le Centre de production des paroles contemporaines a grandi au fil des ans. En plus de produire des spectacles et tournées, il regroupe aussi maintenant le Théâtre de l’Aire Libre ainsi que le MeM qui est composé en bord de Vilaine de deux espaces : le Magic Mirrors et la Guinguette.
L'association a créé deux filiales pour la gestion de ses activités commerciales : la SARL Manger Bon et la société Otarie. Société, dont le président et le directeur général sont aussi administrateurs du CPPC. La Cour de comptes pointe du doigt "une gouvernance imprécise et enchâssée dans des liens personnels".
Née il y a plus de vingt ans de l’initiative d’un groupe d’étudiants rennais, l’association reste marquée par une gouvernance confinée, la dizaine d’administrateurs entretenant entre eux des liens personnels ou d’affaires.
Si la chambre régionale reconnaît que "le CPPC a participé à l’élargissement et à la diversification de l’offre culturelle sur la métropole rennaise", son rapport insiste sur les écueils à éviter.
"Le CPPC a créé des filiales très intégrées pour la gestion des activités commerciales qui modifie le modèle économique initial, ce qui nécessite à la fois de veiller à l’absence de conflits d’intérêts et de mener une réflexion stratégique sur l’évolution globale du projet associatif".
L'association se défend
"La chambre est dans son rôle, elle a raison de parler de risque, mais il n'y a pas de conflits d'intérêts !" rétorque Emmanuel Grange.
Le secrétaire général du Centre de production des paroles contemporaines (CPPC) défend la logique suivie : ces filiales ont été créées pour une question de rapidité et d'efficacité. "Ce n'est pas un montage conventionnel, on en est conscient mais on fait très attention. Pour nous les choses sont très sectorisées, nous sommes les premiers vigilants."
Des dépenses parfois "somptuaires" pointées par la Cour
"Le CPPC est peu familier des procédures de mise en concurrence" juge aussi la chambre régionale des comptes de Bretagne dans son rapport. En dehors de quelques devis pour l’achat de fournitures ou de services courants, les experts ont en effet remarqué que le CPPC a le plus souvent recours aux mêmes fournisseurs.
Dépenses parfois excessives, à l'image de l’acquisition en location avec option d’achat, d’un véhicule de marque Tesla d’une valeur de 125.000 € TTC. La chambre considère, "eu égard aux financements publics dont bénéficie l’association, que cette dépense présente un caractère somptuaire, même pour le transport des artistes" précisant que des alternatives telles que des véhicules moins onéreux ou des offres de location de voitures avec ou sans chauffeur étaient envisageables.
C'est vrai, mais on assume ! Cette décision a fait l'objet de calculs coûts/avantages : consommation électrique, coût d'entretien... c'est économiquement rationnel, même si je comprends que l'image choque certains... D'ailleurs, on ne le referait peut-être pas.
L’association exerçant intégralement son activité sur le domaine public et bénéficiant de nombreux concours publics, elle pourrait, selon la chambre régional des comptes, pour assurer une pleine transparence notamment vis-à-vis de ses financeurs, développer ainsi le recours à la concurrence et s’assurer de l’efficience de ses achats.
Subventions, aides en nature et tarifs préférentiels
Synonyme de retour des beaux jours, le festival Mythos, créé en 1996, attire chaque année près de 25.000 festivaliers. Il a bénéficié en 2019 de 313.000 € de subventions de la part d’une dizaine de financeurs. Des subventions, mais aussi des aides "en nature" à l'image de la mise à disposition gracieuse du carré du Guesclin au parc du Thabor. "Des concours en nature, très partiellement valorisés (132.000 €)" note la Cour des comptes.
Le Théâtre de l'Aire Libre, qui attire chaque année plus de 8.000 spectateurs, bénéficie aussi de la participation de la commune de Saint-Jacques-de-la-Lande (à hauteur de 535.000 € par an) et de subventions versées par d'autres financeurs (126.000 € en 2019). "C’est à partir de l’obtention de la délégation de service public du Théâtre de l'Aire Libre en 2014 que le CPPC a amorcé une croissance, qui s’est amplifiée jusqu’en 2019" relève la chambre dans son rapport.
Le montage financier du MeM aussi en cause
C'est surtout le montage de la troisième structure culturelle qui a interpellé les experts. Implanté sur un terrain de 7.400 m2 appartenant à la commune de Rennes, le MeM s'est lui, vu délivrer un permis de construire précaire pour une durée de quatre ans. Selon la Cour des comptes, "les engagements pris sur huit ans auprès du fournisseur du chapiteau constituent un risque au regard de la durée de ce permis de construire".
Elle pointe aussi du doigt le montage financier de sa Guinguette, dont l'exploitation a été confiée à sa filiale Manger Bon. "Les premiers mois d’activité ont permis à cette société de multiplier son chiffre d’affaires par dix, alors que son activité ne rentre pas explicitement dans l’assiette de la redevance d’occupation versée par le CPPC à la commune de Rennes, cette dernière n’ayant d’ailleurs pas été informée de cette sous-occupation avant le contrôle de la chambre."
"C'est faux !" répond cette fois le secrétaire général. "Les choses ont toujours été claires avec la ville. Cela faisait même partie de la faisabilité du projet sur le site de la Piverdière !" rétorque Emmanuel Grange.
Grâce à un tarif préférentiel appliqué habituellement aux associations, la Guinguette ne paye aujourd'hui que 5.184 € par an de redevance. Sans ce tarif préférentiel, cette part fixe de redevance pourrait, selon la Cour des comptes, s'élever à 520.000 € environ.
"Certes !" admet le secrétaire général qui tient à ajouter qu' 1% des recettes générées sont aussi reversées à la ville. Mais selon lui, cela fait partie du contrat de départ : "C'est le modèle économique du MeM sur le site de la Piverdière !
Dès le départ, pour le MeM, le montage économique c'était de bénéficier d'une remontée du chiffre d'affaires de la Guinguette pour développer des projets artistiques et culturels. Si nous avions dû nous acquitter de ces 520.000€ par an, jamais nous n'y serions allés ! Les activités commerciales nous permettent de générer des excédents qui nous permettent d'injecter dans des activités culturelles non subventionnées.
Si le résultat comptable de l’association est positif sur l’ensemble de la période 2014-2019, la Cour des comptes a néanmoins dressé une liste de recommandations.
"Nous allons les mettre en oeuvre, poursuit le secrétaire général. C'est une manière d'atteindre une rigueur de gestion plus proche des structures institionnelles. Plus on tendra vers ces standards, mieux on gérera la structure. L'objectif, c'est de développer des projets artistiques durables !"