Après des élections, une fois les émotions retombées et les visages des élus dévoilés, il est toujours intéressant de regarder de près ce qu'il se cache sous les chiffres. Que faut-il y lire ? Comment un territoire comme la Bretagne est-il en train d'évoluer ? Au lendemain de ces élections législatives, c'est ce que nous avons essayé de comprendre.
Compiler dans un tableur tous les résultats par circonscription et voir comment les lignes politiques ont bougé est un exercice un peu fastidieux. Mais il est aussi très riche d'enseignements, notamment à l'occasion de ces élections législatives, si particulières. Et peut-être encore plus en Bretagne qui, historiquement, a souvent été une région modérée dans ses choix.
Le camp présidentiel, première force politique de Bretagne
Une "modération" qui, en regardant la carte des élus au lendemain de ces législatives 2024, ne se dément pas. Les électeurs bretons n'ont pas renversé la table. Ils ont même confirmé à leur poste la plupart des députés sortants : 22 d'entre eux (sur 27) ont été réélus. Les Bretons ont également renouvelé leur confiance au camp présidentiel en lui donnant 15 sièges (contre 9 pour le Nouveau Front Populaire, 1 pour LR, 1 pour le Centre et 1 pour les Régionalistes).
Avec l'aide du Front républicain, et au gré des désistements, les candidats macronistes ont même augmenté leur nombre d'électeurs de plus de 20% entre les deux tours en Bretagne, pour atteindre quasiment la barre des 700.000 voix.
Le RN sur la deuxième marche bretonne
Mais la carte des élus, si ressemblante à la précédente, ne doit pas empêcher de voir que beaucoup de lignes ont bougé, notamment à la droite de l'échiquier. Car si la Bretagne n'a envoyé aucun député Rassemblement national au Palais Bourbon, le RN obtient néanmoins 40.245 suffrages de plus qu'au premier tour dans la région (soit une progression de près de 7,5%). Au lendemain du second tour de ces élections, avec 553.424 électeurs, le Rassemblement national devient ainsi la deuxième force de la région (29,26%) derrière Ensemble (36,98%) et devant le Nouveau Front Populaire (20,22%).
Dans les Côtes d'Armor, le RN est même en tête avec 110.363 voix, contre 106.768 pour Ensemble et 72.464 pour le Nouveau Front Populaire.
Un Nouveau Front Populaire qui n'a pas réussi à concrétiser
Au jeu des désistements, c'est le Nouveau Front Populaire qui est sorti le plus affaibli du rapport de force politique en Bretagne. En retirant 11 de ses candidats entre les deux tours, le NFP a entraîné plus de 30% de son électorat breton à devoir faire un autre choix politique. Soit probablement près de 170.000 électeurs déçus.
On le voit, entre la carte politique de la Bretagne après ces législatives 2024 et la réalité du poids des différents électorats, il y a une vraie différence. Elle est due au mode de scrutin, non proportionnel, de cette élection. Et dans les faits, bien plus qu'en 2017 ou 2022, le camp présidentiel en Bretagne est pris en étau entre deux blocs : le Rassemblement national, de plus en plus fort à chaque élection, et un front de gauche, lui aussi dans une dynamique de progression.
Les électorats de ces deux blocs ont conscience de leur poids, et ressortent probablement de ces élections avec le sentiment d'être mal représentés. Un sentiment que ceux qui ont été élus devront savoir entendre et écouter, sans quoi il pourrait se transformer en colère à la moindre étincelle.