A l'occasion du centenaire de l'Armistice 1918, l'Orchestre symphonique de Bretagne joue samedi à Rennes, une création inédite dédiée aux musiciens noirs de l'armée américaine ayant interprété les premières notes de jazz en Europe, avec en tête d'affiche le saxophoniste américain Branford Marsalis.
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L'histoire des "Harlem Hellfighters", ces soldats afro-américains qui débarquèrent à Brest en décembre 1917 en jouant La Marseillaise sur un air de "ragtime", précurseur du jazz, était dès le départ liée à la Bretagne. Le 12 février 1918, c'est à Nantes que ces soldats, qui furent intégrés dans le 369e régiment d'infanterie de l'armée française, donnent leur premier concert sous l'oeil médusé du public.
Une nouvelle expression musicale
Cent ans plus tard, l'OSB redonne voix
"aux ombres silencieuses des photos fanées", à travers
"Black Bohemia", création du saxophoniste Guillaume Saint-James et hommage
à James Reese Europe, premier compositeur noir à se produire au Carnegie Hall, et qui dirigea l'orchestre du 369e régiment. Écrite pour Branford Marsalis, célèbre saxophoniste qui a baigné toute son enfance dans l'environnement musical de la Nouvelle-Orléans, le récit musical raconte tour à tour les premiers "rags" d'avant guerre, la traversée de l'Atlantique à bord de l'USS Pocahontas, la guerre et la naissance d'une nouvelle expression musicale dans les années 1920.
Le prinscipe du flash back
"Pour beaucoup d'Américains, dont Branford, il est hors de question de toucher à l'oeuvre de James Reese Europe", raconte Guillaume Saint-James.
J'ai donc utilisé le principe du "flash-back" c'est-à-dire que je cite à plusieurs reprises des pièces de James Reese Europe sans en travestir l'esprit". Une première partie, entrecoupée de moments de narration et de chants, est également consacrée aux compositeurs européens qui ont pris part au conflit.
Déjà en 2014, un hommage aux acteurs du débarquement de juin 44
Avec
"Black Bohemia", l'Orchestre symphonique de Bretagne emmené par le chef d'orchestre gallois Grant Llewellyn poursuit son travail mémoriel. En 2014, il avait déjà présenté une oeuvre symphonique à la mémoire des acteurs du Débarquement de juin 1944.
"L'OSB se perçoit comme un orchestre citoyen intégré dans la vie de la cité et qui prend part aux débats", souligne Camille Ceysson, chargée de communication.
"Nous avons une attention particulière à ce qui se passe autour de nous, il faut être en prise avec ce qui traverse la société aujourd'hui", poursuit-elle.
Importance de la Grande Guerre pour le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis
Interrogé par l'AFP, Branford Marsalis reconnaît qu'aux États-Unis, au 21e siècle, la Première guerre mondiale n'a pas la même résonance qu'en Europe.
"Pour moi c'est important, je suis citoyen du monde, je viens en France depuis 35 ans et je suis fan d'histoire. Je comprends l'importance historique de cette partie de l'histoire de France", confie le saxophoniste, souvent sollicité comme soliste par des ensembles classiques. Et de rappeler que la Grande guerre a également été
"très importante pour le mouvement des droits civiques aux États-Unis".
La Grande Guerre a changé leur vision du monde et d'eux-mêmes
Alors que les soldats afro-américains étaient considérés aux États-Unis comme des citoyens de seconde zone, cantonnés à des rôles de divertissement et de corvée, leur expérience de la guerre en Europe a totalement changé leur vision du monde et d'eux-mêmes.
"Pendant sept mois, nous avons vécu comme des frères d'armes, partageant les mêmes travaux, les mêmes fatigues, les mêmes dangers", écrivait le général français Goybet en 1918.
"Ils n'avaient subitement plus toutes ces règles qu'on leur imposait, leur disant où ils pouvaient manger, dormir. Ils étaient traités comme des hommes à part entière et plus comme des citoyens de seconde zone", rappelle Branford Marsalis, pour qui leur retour aux États-Unis marqua le début du mouvement des droits civiques.
Les 10 et 11 novembre en concert à Rennes
Sur le plan musical, les soldats à la musique syncopée de James Reese Europe bouleversent les scènes européennes et marquent les consciences. Certains musiciens sont restés en France pour contribuer à la scène musicale du Paris de l'entre-deux-guerres. Aujourd'hui, J. R. Europe est considéré comme le chef de file de la musique fondatrice du jazz. "
Black Bohemia" sera présentée
à Rennes les 10 et 11 novembre (Couvent des Jacobins à 20h30 et 16h) ainsi qu'à Brest le 17 novembre (au Quartz à 19h30), avant d'être jouée aux États-Unis en 2019 et 2020.