Des familles de la région de Rennes se sont associées pour convaincre des parents d'élèves de s'engager à refuser le smartphone pour leur enfant, jusqu'au lycée. Une pétition lancée en mars 2024 affiche l'engagement des parents à résister à la pression du premier smartphone, souvent acheté au début des années collège de l'enfant. En se mobilisant localement, ils espèrent que les enfants sans smartphone se sentiront moins marginalisés.
"Nous, parents d’Ille-et-Vilaine, souhaitons nous engager collectivement à donner un smartphone à notre enfant seulement à partir du lycée." C'est le "pacte" que lancent plusieurs familles installées autour de Rennes. Afin de lutter contre la pression sociale, et le puissant « mais tout le monde en a un dans ma classe », ces parents imaginent agir collectivement et en se concertant, pour faire reculer l’âge d’acquisition du premier téléphone portable.
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"Ne plus être minoritaire"
Parmi les auteurs de cette initiative, un habitant de Betton, au Nord de Rennes, dont les deux plus jeunes enfants s'apprêtent à entrer au collège. Cadre supérieur dans l'industrie, Olivier Le Port se documente depuis plusieurs années sur les effets des écrans sur les enfants. Il souhaite pouvoir refuser que ses plus jeunes aient un smartphone au collège, et aimerait que cela ne porte pas à conséquence sur leurs relations sociales avec les autres élèves. "L’objectif est que, dans plusieurs années, les enfants sans smartphone au collège ne soient plus marginaux, mais une minorité significative voire la majorité", précise le quadragénaire.
ça va être difficile de faire avancer les choses sur le smartphone chez les enfants, parce qu'on touche à l'intimité des familles, avec des parents qui parfois sont eux-mêmes surconsommateurs d'écran
Olivier Le PortParent d'élèves et co-fondateur du Pacte smartphone 35
"Comme l'alcool proposé à table aux adolescents"
Pour l'heure, l'initiative "pas de smartphone avant le lycée" ne rassemble que 289 signatures en Ille-et-Vilaine. Aux yeux d'Olivier Le Port, l'exposition des adolescents aux risques des smartphones ressemble à d'autres problèmes de santé publique, qui ont fini par évoluer : "imaginez, nous sommes dans les années 60, et à l'époque, on proposait à table de l'alcool aux adolescents." Cet usage n'a plus cours aujourd'hui.
Pour convaincre d'autres familles de s'engager, le collectif de parents d'élèves a organisé une conférence fin mars 2024, faisant intervenir une psychologue clinicienne, un cardiologue et une docteure en sciences de la communication, spécialiste des effets des écrans sur les enfants. Ils ont exposé les études scientifiques sur les conséquences néfastes des smartphones dans le développement cognitif des enfants et sur leur santé mentale. Professeur de Sciences de la vie et de la terre au collège, l'un des fondateurs du collectif constate surtout la difficulté à se concentrer des élèves arrivant en classe, après avoir passé sur leur téléphone tout le temps de trajet en bus. "Et c'est pareil à la pause de midi, et pareil en sortant de cours le soir : la concentration est difficile", précise Julien Cabioch.
Des professionnels de santé veulent relayer le message
Au niveau national, la commission d'experts sur l'exposition des enfants aux écrans a mis en lumière les risques d'un usage excessif du numérique pour le développement des plus jeunes. Dans son rapport remis au président de la République le 30 avril 2024, les dix membres de la commission ne sont néanmoins pas parvenus à se mettre d'accord sur des préconisations pour les adolescents, en dehors des salles de classe.
En Ille-et-Vilaine, des professionnels de santé de la région de Rennes (infirmiers libéraux, pharmaciens, médecins de ville, et aussi des orthophonistes) se sont manifestés pour relayer l'initiative du "pacte de parents d'Ille-et-Vilaine pour un recul du 1er smartphone à partir du lycée", en l'affichant dans la salle d'attente de leur cabinet. La vice-présidente du Conseil départemental déléguée à l'éducation suit aussi l'initiative du collectif de parents d'élèves. Elle a proposé qu'il saisisse la commission Éducation du Conseil départemental, qui a une compétence sur le fonctionnement des collèges.
En attendant, les parents à l'origine du "pacte smartphone" se réjouissent de voir d'autres pétitions lancées ailleurs, comme celle proposée dans les Yvelines "pour interdire les smartphones et l'accès aux réseaux sociaux au moins de 16 ans". Néanmoins, en sept mois, elle n'a pas dépassé les 2000 signatures.