Isabelle, 74 ans est la plus ancienne détenue femme de France. Incarcérée à Rennes, elle a déjà purgé 33 ans, dont 21 en psychiatrie. Son avocate sollicite pour la seconde fois une grâce présidentielle en raison de son état de santé mental.
Isabelle (prénom d'emprunt), 74 ans, a été condamnée à la prison à perpétuité pour meurtre. Elle purge sa peine à Rennes depuis 33 ans, dont 21 passés en psychiatrie. Elle sollicite aujourd'hui une grâce présidentielle pour ne plus être sous la tutelle de la justice. Virginie Bianchi, son avocate depuis quatre ans, a déjà fait la demande deux fois, une en septembre 2015, l'autre le 1er mars dernier. Les deux restent pour l'instant sans réponse.
Hospitalisée sous contrainte
Isabelle est condamnée en 1988 après avoir commis ce meurtre aux Antilles d'où elle est originaire. Elle est alors transférée à Rennes. Depuis 1997, elle est hospitalisée sous contrainte au centre Guillaume Régnier. Fragile psychologiquement, elle a déjà été hospitalisée plus jeune.
Son état mental a été relevé par la cour d'assises. Experts et professionnels qui l'entourent au quotidien confirme qu'elle ne pourrait pas retourner en prison. "Sa souffrance psychologique fait que pour elle, les contraintes carcérales, l'enfermement lui sont insupportables."
Elle se retrouve aujourd'hui à la fois sous la tutelle de la justice, et de l'hôpital. "C'est ça le problème" souligne son avocate.
Elle sait ce qu'elle a fait. Elle est bien consciente aussi de cette démarche de demande de grâce présidentielle. Elle souffre beaucoup de sa situation (Virginie Bianchi)
"L'idée, ce n'est pas de demander sa liberté"
Virginie Bianchi sollicite une grâce présidentielle car dans le cas de sa cliente, les recours habituels sont limités. "Le service juridique français ne propose pas de procédure qui s'applique à son cas" explique t-elle. Dans le cas de personnes condamnées à perpétuité, les démarches s'avèrent contraignantes. Elles peuvent notamment impliquer une évaluation sur plusieurs semaines, dans un établissement pénitentiaire comme à Fresnes. Impossible pour sa cliente trop terrorisée à l'idée de retourner dans cet univers. Autre solution envisagée : une suspension de peine médicale. Là encore, son statut d'hospitalisée sous contrainte ne lui permet pas d'y prétendre.
"L'idée n'est pas de demander sa liberté" rappelle son avocate "mais de lui enlever la contrainte judiciaire, qui n'a plus de sens car elle ne retournera pas en détention. Elle finira sa vie en psychiatrie."
Au quotidien, ce "double statut" se révèle difficile. Si elle doit sortir de l'hôpital psychiatrique pour un rendez-vous, cela se fait sous escorte policière. Donc elle ne sort pas, trop apeurée. Si elle doit faire des courses dans le cadre d'une activité thérapeutique, c'est également impossible. "Elle n'a pas non plus le droit de téléphoner" alors qu'elle a noué des relations avec des visiteurs extérieurs.
L'avocate n'est pas une fervente adepte de la médiatisation. Elle aimerait juste avoir une réponse, "que la situation bouge car je vois qu'elle vieillit, j'aimerais juste qu'elle ait une petite joie."