La Cour d'appel de Rennes a débouté mercredi les parents d'une fillette morte d'une leucémie liée à l'exposition aux pesticides de sa mère fleuriste. Ils réclamaient une indemnisation au nom du préjudice subi par leur fille.
La Cour d'appel de Rennes a débouté mercredi les parents d'une enfant de 11 ans décédée d'une leucémie en mars 2022. Sa mère, alors fleuriste, avait été exposée aux pesticides pendant sa grossesse.
Le couple réclamait une indemnisation au nom du préjudice subi par leur fille. Mais la cour a déclaré "irrecevables les demandes" des parents "agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure".
En revanche, elle confirme leur indemnisation "à la somme de 25.000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral", qui leur avait été proposée par le "Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides" (FIVP). Elle fixe en outre "l'indemnisation des frais d'obsèques à 2.500 euros".
A l'audience le 10 octobre, l'avocate du FIVP, Me Géraldine Brasier Porterie, avait fait valoir que le fonds était "lié par les textes" qui empêchaient l'indemnisation demandée.
Lire. Sans le savoir je respirais des produits chimiques
Lien avec l'exposition aux pesticides est établi
La famille, qui vit en Loire-Atlantique, et qui avait engagé une procédure devant ce Fonds d'indemnisation des Victimes de Pesticides, avait obtenu "la reconnaissance du lien entre l'exposition aux pesticides et la leucémie en juillet 2023", rappelle l'association Phyto-victimes, qui soutient la famille.
Le FIVP avait proposé 25.000 euros d'indemnité à chacun des parents. Mais les parents veulent que le préjudice subi par leur fille, ainsi que la souffrance de son frère, de sa soeur et de sa grand-mère, tous affectés par ses multiples séjours à l'hôpital et par son décès, soient également pris en compte et indemnisés.
"On est choqués, cela n'a aucun sens" réagit la maman d'Emmy.
A l'énoncé du délibéré, l'avocat de la famille Me François Lafforgue a évoqué "une situation inacceptable, et scandaleuse".
"En fait, la cour ne peut que constater qu’aucune indemnisation n’est prévue pour une personne décédée. L’indemnisation ne visant qu’à compenser l’incidence des dommages corporels de l’enfant sur sa vie future".
Autrement dit, souligne Me Lafforgue, "la cour, après avoir examiné les textes qui ont créé le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, considère que ces textes ne permettent d’indemniser que les préjudices subis par les enfants vivants. Et pas les préjudices subis par les enfants décédés. C’est une situation absurde."
Laure Marivain, la maman, a également fait part de son incompréhension.
Nous sommes profondément accablés, et même choqués. Ce fond d’indemnisation a un très joli nom, mais il ne répare en rien. En ce qui concerne les enfants, je pense que la question ne devrait même pas se poser.
Laure MarivainMaman d'Emmy
"Emmy n’avait rien demandé, a poursuivi Laure Marivain. Elle a subi cette maladie pendant des années. Et là, on nous dit qu’on peut indemniser des enfants vivants, ce qui est normal. par contre ceux qui sont décédés, on n’en fait rien. C'est choquant. Et c’est terrible pour les parents, c’est ajouter de la souffrance à de la souffrance".
Accablés par la décision de la Cour d'appel, les parents de la petite Emmy et leur avocat ont désormais deux mois pour se pourvoir en cassation.
D'autres enfants malades
Emmy n'est pas la seule enfant malade à la suite d'une exposition aux pesticides durant la grossesse. Selon l'association Phyto-victimes, le FIVP a étudié six dossiers au 31 décembre 2023, "avec cinq avis favorables et un avis défavorable rendus par la commission d'indemnisation des enfants victimes d'une exposition prénatale aux pesticides".
Le FIVP a été mis en place fin 2020 pour "garantir la réparation forfaitaire des dommages subis par l'ensemble des personnes concernées dont la maladie est liée à une exposition professionnelle aux pesticides" et donc les enfants exposés pendant la période prénatale et ayant une pathologie, selon son site internet.