Dans le cadre du festival Rennes au Pluriel, un atelier " généalogie et histoire des familles antillaises " était proposé . Cette animation a affiché complet et prouve la nécessité pour de nombreux citoyens d’en savoir plus sur leurs racines, et ce pan méconnu de l’histoire coloniale.
Brigitte a 74 ans. Cela fait une quinzaine d’années qu’elle essaie de retrouver des traces de ses aïeuls. Son père, martiniquais, est né en France. De son histoire familiale, Brigitte sait seulement que c’est son grand-père qui a quitté les Antilles pour venir s’installer en métropole.
Brigitte est une des premières personnes à s’être inscrite à l’atelier "généalogie et histoire des familles antillaises " proposé par l’association déCONSTRUIRE dans le cadre du festival Rennes au Pluriel, le rendez-vous rennais de l’égalité et de la diversité culturelle.
"J’aimerais récupérer quelques bribes de l’histoire de mes arrière grands-parents, pouvoir me recueillir sur la tombe de membres de ma famille" explique-t-elle. " Savoir que mes ancêtres étaient des esclaves, cela ne laisse pas indifférent ".
Le comité marche du 23 mai 1998, acteur essentiel du travail mémoriel
Brigitte s’installe en face de Magalie Guanel de l’association mémorielle CM98. Le comité marche du 23 mai 1998 a pour objectif de réhabiliter, honorer et défendre la mémoire des victimes de la traite négrière et de l’esclavage colonial. Une de ses actions consiste à aider les citoyens qui le souhaitent, à retrouver l’identité de leurs ancêtres.
Magalie et Brigitte vont passer près d’une heure et demi à discuter et rechercher sur la base de données de l’association, des traces de la famille Zali. En recoupant les informations déjà rassemblées par Brigitte et celles de l’association, l’arbre généalogique fleurit et se pare de nouveaux noms, et d’autant de parcours de vie.
Dans la salle, où cinq accompagnatrices du CM98 sont venues tout spécialement de Paris, l’ambiance est chaleureuse et chargée d’émotions.
Redonner un nom et une dignité à ses ancêtres esclaves
A quelques mètres de là, deux jeunes femmes sont penchées sur leur arbre généalogique. Aurane, 20 ans, a réussi à remonter sur 4 générations, jusqu’à la nomination de ses arrières arrières grands-parents à Marie-Galante.
Car avant l’abolition de l’esclavage les personnes n’avaient pas de nom et pas d’identité. Juste un prénom, souvent francisé et imposé par le propriétaire, et un âge, approximatif. Après 1848, les officiers d’Etat civil recensent et enregistrent ces nouvelles femmes et hommes libres et leur attribuent des patronymes. Ce sont souvent les premières traces administratives de l’existence de ces centaines de milliers de Français.
Elodie 33 ans, elle, n’a pas porté d’extrait de naissance ou de documents officiels familiaux, et se retrouve limitée dans ses recherches. " Ça me met devant le fait qu’il y a une grande part de mon histoire familiale que je ne connais pas " constate-t-elle avec déception. Puis elle ajoute en souriant " c’est très antillais, les non-dits".
Un évenement qui met en lumière l'histoire coloniale
Pour autant Elodie se réjouit qu’un tel atelier ait pu être proposé à Rennes et, qui plus est, dans le cadre d’un festival coordonné par la ville de Rennes. " C’est positif que ce soit un évènement porté à la connaissance du grand public. Ça met en lumière le fait que tout le monde n’a pas la même facilité à avoir des infos sur son histoire".
Ces ateliers de généalogie ont permis de retrouver l’identité de 120 000 personnes esclaves en Guadeloupe et en Martinique, nommées après l’abolition de l’esclavage par le décret du 27 avril 1848. Des milliers d’Antillais ont ainsi pu découvrir l’origine de leur nom de famille et parfois retrouver des aïeux qui vécurent en esclavage.
Mais au-delà de la reconstruction d’histoires personnelles et familiales, ce travail permet aussi de construire une mémoire de l’esclavage apaisée et de favoriser la réconciliation.
Une histoire populaire rennaise des populations afrodescendantes et asiodescendantes.
Cet atelier de généalogie a été proposé par l’association déCONSTRUIRE, et par Aurelia Décordé-Gonzalez et Julien Le Hoangan. Ces deux chercheurs rennais s’engagent dans le projet "Une histoire populaire rennaise des populations afrodescendantes et asiodescendantes ".
Dans ce cadre une conférence sur l’Histoire de la nomination des personnes esclavisées des colonies françaises était également proposée, ce samedi 13 mai 2023, aux Archives municipales de Rennes.
La pièce de théâtre “Mémoires invisibles (ou la part manquante)” de Paul Nguyen sera, quant à elle, présentée le mercredi 17 mai à 19h30 à la Maison de Quartier de Villejean.
Pour toute information sur le projet d'étude : migration.rennes@gmail.com