A Rennes, l’association d’éducation populaire DéCONSTRUIRE lutte contre le racisme et le sexisme. A sa tête, Aurélia Décordé Gonzales, "militante par nécessité".
"Moi j’aime bien lire des histoires, peu importe qu’elles finissent bien ou non, qu’elles finissent tout court, pour me connaître, me reconnaître." Un jeudi soir dans les studios de la radio Canal B à Rennes. Aurélia Décordé Gonzales participe pour la première fois à l’émission féministe "Les Héroïnes". Ce mois-ci, les chroniques tournent autour de la place des femmes, dans la littérature.
Lorsqu’elle prend la parole, Aurélia évoque la difficulté de s'identifier dans des livres pour enfants ou même plus tard, en tant que femme noire. "En fait, je ne me suis jamais reconnue, de part la couleur de ma peau. Dans les années 80, de tels bouquins n’existaient pas. L’écart était grand avec mon quotidien." Elle a depuis décidé d’écrire ses propres histoires.
"Un espace qui me rassemble et me ressemble"
Depuis 2016, elle est directrice de l’association DéCONSTRUIRE à Rennes. Après un parcours où elle se forme et se reforme, puis "un long chemin" de réflexion, elle décide de se lancer. "Depuis que je suis petite, je sais que je suis noire, que je suis une femme mais ça ne fait pas longtemps que je me rends compte que c’est plus compliqué."
Difficile de s’y retrouver dans un premier temps. Elle s’investit dans des associations féministes mais la question raciale n’est pas évoquée. Du côté des associations contre le racisme, la place des femmes n’apparaît pas spécialement. Aurélia explique "Je n’avais pas envie de faire constamment le grand écart ou d’aller à Paris pour m’y retrouver. J’avais besoin d’un espace qui me rassemble et me ressemble."
DéCONSTRUIRE vient répondre aux problématiques quotidiennes du racisme "les injonctions permanentes, les assignations." avec ces éternelles questions intrusives, "tu viens d’où ?" , des gestes déplacés comme toucher les cheveux sans demander. En 2019, selon Aurélia, "on parle toujours de colonisation comme d'un partage de culture, ça arrange tout le monde."
"Je n’ai pas le temps de mesurer le chemin parcouru mais plutôt de voir ce qu’il reste à faire"
Elle ajoute "les urgences sont partout : sur le rapport aux forces de l’ordre, dans le domaine de l’emploi, sur les productions culturelles, la représentation des personnes racisées dans les médias."
En contrat aidé, à 20 h par semaine, Aurélia se sent parfois dépassée par l’enjeu, le poids des constructions et explique "je suis devenue militante par nécessité."
DéCONSTRUIRE propose des ateliers, à destination des enfants. D’autres s’orientent autour de l’accompagnement à l’emploi pour identifier les discriminations et déconstruire les préjugés, assurés par Aurélia et deux autres animatrices. Trois jours pendant lesquels Aurélia donne tous les outils qu’elle peut pour ouvrir les écoutilles. Des événements sont organisés ponctuellement : lectures, conférences gesticulées, tables rondes...
L’association possède aussi un local, 2 allée de Finlande à Rennes (avec l'association Le Bocal) dans lequel Aurélia prévoit une bibliothèque, pour que les garçons et filles noirs puissent trouver des lectures qui leur ressemblent. Le lieu devrait ouvrir à la rentrée, avec le recrutement d'une documentaliste.