Vingt-neuf personnes ont été condamnées ce jeudi 26 novembre par le tribunal correctionnel de Rennes dans une affaire de trafic de cocaïne entre la Guyane et la métropole de 2018 à 2020. Les peines vont de deux à huit ans de prison.
Les mules étaient recrutées en Guyane pour acheminer la drogue jusqu’à Orly. Le tribunal n'a pas retenu le délit d'association de malfaiteurs mais a condamné les prévenus notamment pour acquisition, détention, transport, offre ou cession non
autorisée de stupéfiants.
Les peines prononcées sont sensiblement conformes aux réquisitions du parquet qui avait demandé entre deux et dix ans d’emprisonnement.
Ce procès, qui avait débuté le 15 novembre devant la Juridiction interrégionale spécialisés (Jirs) de Rennes, a mis en lumière une filière de drogue avec des transporteurs, des logisticiens, des revendeurs, les têtes de réseau ainsi qu’un fournisseur surinamais, actuellement recherché. Sur les 29 prévenus âgés de 23 à 56 ans figuraient cinq femmes.
Des peines jugées excessives par les avocats des condamnés
"C'est un peu excessif, on n'a pas pris en compte la particularité du trafic guyanais, qui n'est pas un trafic de quartier, car tout est fait de manière volontaire", a déclaré Me Gwendoline Ténier, avocate d'un prévenu qui a écopé d’une peine de cinq ans d'emprisonnement et qui souhaite faire appel.
"Il y a eu des relaxes sur pas mal d'infractions, comme l'association de malfaiteurs, mais qui n'ont pas été suivies dans les quantums des peines prononcées”, a-t-elle regretté.
Me Kévin Descamps-Guezou, conseil d'un homme condamné à cinq années d'incarcération, a estimé qu'il s'agissait d'un "coup médiatique”. "Ils n'ont pas fait tomber un réseau incroyable! C'est un échantillon de ce qu'il y a tous les jours et c'est ridicule par rapport à la dimension du trafic de cocaïne entre la Guyane et la France", a-t-il dit.
Jusqu’à 80 ovules ingérées par voyage
Les "mules", originaires principalement de Guyane et du Suriname, ingéraient jusqu'à 80 ovules ou les transportaient dans leurs sous-vêtements ou leurs chaussures. Arrivées en métropole, elles étaient récupérées "par un individu, à l’aéroport d'Orly, en gare de Rennes, ou dans les Hauts-de-France avant de venir remettre le produit en Ille-et-Vilaine", avait indiqué dans un communiqué le procureur de la République de Rennes, estimant la quantité transportée entre trois et cinq kilos
hebdomadaires en un an.
Le 15 novembre dernier, en ouverture de procès, la présidente du tribunal avait déclaré : “c’est une procédure d'ampleur, les transports étaient très organisés, certaines personnes organisaient le recrutement des 'mules' en Guyane pour être sûres qu'elles avalaient correctement la cocaïne, puis d'autres les prenaient en charge en métropole”.
Le gramme revenu dix fois plus cher en France
L'un des prévenus, Jacenco, a raconté avoir effectué neuf voyages entre janvier 2019 et janvier 2020, lorsqu'il a été interpellé. Il pouvait ingérer jusqu'à 86 ovules, soit près d'un kilo de drogue. Il était rémunéré entre 6500 et 7000 euros pour chaque voyage. Il explique que l'ingestion durait "entre trois et cinq heures". "Je prenais des boissons gazeuses, du coca, pour faciliter l'absorption, ainsi que deux pilules constipantes avant et après", a-t-il déclaré à la barre. "De temps en temps, j'ai des douleurs dans la gorge et dans le ventre, des vomissements de sang et des ovules qui ressortent", a-t-il ajouté, précisant que l'expulsion était aussi un moment douloureux. Avec l'argent récolté, il s'achètait des vêtements et chaussures.
Achetée moins de 5 euros le gramme au Suriname (pays voisin de la Guyane), la marchandise était revendue dix fois ce prix en France.
Les suspects avaient été interpellés en janvier 2020 à Rennes, en Guyane et dans les Hauts-de-France, lors d'une opération qui avait mobilisé quelque 300 gendarmes. Les prévenus ont également été condamnés jeudi à payer une amende douanière totale de 1,8 million d'euros.