La vague des intelligences artificielles génératives risque de bousculer de nombreux secteurs comme l'illustration, la traduction, la presse ou le marketing. Des emplois vont disparaître, d'autres devront se transformer. Des experts de l'IA présentent les dernières innovations à des chefs d'entreprise.
L’intelligence artificielle, IA pour les intimes, est mal connue et pourtant le sujet est en pleine effervescence. Les ados découvrent sur les réseaux sociaux des outils pour générer des textes, le milieu de l’édition voit arriver avec frayeur les premières bd créées par IA et des sociétés de presse licencient des journalistes pour les remplacer par des robots. Les intelligences artificielles interrogent, inquiètent autant qu’elles passionnent.
Beaucoup de métiers vont disparaître, certains vont changer de nature, d'autres seront créés.
Malo Bouessel du Bourg, directeur de Produit en Bretagne
Pour Malo Bouessel du Bourg, “l’impact sur les métiers va être colossal. On est sur un raz de marée. Beaucoup de métiers vont disparaître, certains vont changer de nature, d’autres vont être créés”. Le directeur de Produit en Bretagne, réseau composé d’une multitude d’entreprises de la région, propose une journée pour réunir des chefs d’entreprise et des experts des IA. “Le but est d’apprendre à dédramatiser, à maîtriser l’outil et à se familiariser avec”.
Apprendre à maîtriser l'outil
Les personnes présentes lors des ateliers sur l’intelligence artificielle aux Champs Libres de Rennes veulent découvrir des outils pour améliorer leurs performances de leurs entreprises.
Une IA ne va pas remplacer les hommes, mais un homme qui utilise l’intelligence artificielle pourra faire mieux qu’un qui ne l’utilise pas.
Cyril de Sousa Cardoso, spécialiste de l'innovation numérique
“Une IA ne va pas remplacer les hommes, mais un homme qui utilise l’intelligence artificielle pourra faire mieux qu’un qui ne l’utilise pas” avertit Cyril de Sousa Cardoso, spécialiste des intelligences artificielles. Ce Brestois dynamique, en chemise en jean et baskets blanches, déroule un aperçu des outils d’IA les plus connus et les plus utiles pour le grand public comme les Générateurs de textes pour faire des présentations ou des textes de présentation. De nombreux outils permettent aux personnes travaillant sur ordinateur d’utiliser les IA comme un assistant personnel.
La foule est médusée. Beaucoup utilisent leur smartphone pour prendre des photos afin de noter le nom des outils que conseille le Finistérien, spécialiste de l’innovation.
En une année mon métier a complètement changé. Tout est différent.
Kevin Solan, dirigeant d'une société en traduction et création de voix en langues étrangères
Kevin Solan n’est pas un débutant avec les outils d’intelligence artificielle. Depuis 20 ans, ce chef d’entreprise, dans le milieu de la traduction écrite et l’offre de voix en langues étrangères, voit les IA changer sa profession. “En une année, mon métier a complètement changé. Tout est différent” souffle le Rennais qui a dû repenser sa société. “Il y a quelques mois, du jour au lendemain, le téléphone a arrêté de sonner”. Ces clients avaient succombé aux charmes de la traduction gratuite générée par des intelligences artificielles. D’autres essaient de générer des voix par des robots. Kevin Solan a décidé d’utiliser ces nouveaux outils et d’en faire ressortir les avantages. “Maintenant, la partie rédaction de texte en langue étrangère va plus vite, mais nous devons être plus performants sur la relecture”. Sa société Voxappeal n’a pas licencié pendant la période de turbulence, mais travaille autrement avec les comédiens qui font leurs voix en langue étrangère.
“Nous avons fait des licences de voix. Nous enregistrons un timbre de voix et ensuite, nous pouvons utiliser sa voix dans autant de langues que nous voulons, même si le comédien ne parle pas cette langue”. La démonstration est bluffante. Une voix française peut d’un simple clic devenir portugaise, roumaine ou chinoise. “Il faut toujours une expertise humaine derrière pour vérifier si les intonations sont justes et s’il n’y a pas d’erreurs” avertit ce Rennais.
Notre client a préféré une image générée par intelligence artificielle sans savoir qu'une IA l'avait faite.
Gilles Estines, directeur artistique chez Kérozène
Dans le milieu de l’illustration et de la communication visuelle, l’arrivée des images générées automatiquement à partir d’un simple texte donne des sueurs froides aux graphistes. “Notre métier ne va plus être le même” assure Gilles Estines directeur artistique de l’agence Kerozène. “Nous avons livré, pour un festival international de cinéma, une affiche réalisée à 70% par intelligence artificielle”. Cette première pour l’entreprise a eu lieu fin septembre 2023. “Nous avons fait une présentation à l'aveugle. Le festival ne savait quelles étaient les créations 100% humaines ou faites avec l'IA. Ils ont préféré une création effectuée avec intelligence artificielle”.
Pour ce créateur, travailler avec les IA fait gagner du temps lors de la période de réflexion et de création des essais. “Pour une image photographiée, nous prenons du temps à trouver les lieux pour le shooting photo. Nous devons réaliser de nombreuses photos pour ensuite les assembler. Avec les IA tout est plus facile”.
Gilles Estines souhaite garder la main sur ses créations et valoriser le travail humain, mais pour lui, une chose est sûre, “les créateurs ont intérêt à prendre cette technologie en main et à l’expérimenter pour savoir où cela peut les amener. Et cela peut les emmener très loin”.
Un nouveau métier, ingénieur prompt
L’expérimenter veut dire apprendre à parler à l’intelligence artificielle. Ce savoir-faire, ce nouveau métier à un nom, ingénieur prompt. En Bretagne, caché sur la pointe Finistère, un petit génie sait parfaitement parler à la machine. Sébastien K est le créateur de Anne Kerdi, une jeune femme sur Instagram qui met en avant la Bretagne. “Ce personnage est généré par intelligence artificielle. C’est une compilation de différents outils pour lui donner son image, ses mots et sa voix”. Sébastien, en reconversion professionnelle, profite de son temps libre pour expérimenter tous les jours les nouvelles intelligences artificielles qui génèrent des textes, des images et dernièrement de la vidéo.
J'ai appris à me faire comprendre par la machine.
Sébastien K, créateur de Anne Kerdi sur Instagram
"Pour faire des images, j'ai appris à me faire comprendre par la machine. C'est un vrai apprentissage". Sébastien ne code pas comme un ingénieur. Il écrit des demandes à la machine en français ou en anglais. "Cela paraît simple, mais il faut maîtriser les termes et une forme de ponctuation pour bien exprimer les idées que doit comprendre le robot derrière l'IA".
Son savoir-faire plaît. “Avec Anne Kerdi, j’ai des propositions de partenariat pour mettre en avant des marques bretonnes sur Instagram”. Le secteur du tourisme a vu le bon marketing, et Sébastien est démarché par des départements pour mettre en avant des territoires sur Instagram via ses images générées par IA. “J’ai quand même plus envie de mettre en avant la Bretagne, mais les propositions sont intéressantes”.
La vague de l’IA générative, celle qui permet de créer des images, des sons ou des textes, n’est qu’à ses débuts. Il y a moins d’un an, les créations étaient rares. Aujourd’hui, elle est déjà partout, son évolution est très rapide. Les défauts esthétiques disparaissent et chaque jour. Il est plus difficile de déceler une fausse image d’une vraie. Si pour les experts, les IA ne vont pas nous remplacer, il est urgent d’apprendre à vivre avec.