VIDÉO. La médaille, la prise d'otages... 51 ans après, l'athlète breton Francis Kerbiriou raconte le rêve et le cauchemar des JO de Munich

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Reportage Gilles Le Morvan/ Christophe Rousseau/ Fred Bonnafous ©France 3 Bretagne

Les Jeux de Paris approchent, mais si les souvenirs lui reviennent, c'est avant tout à cause de l'actualité. En 1972 à Munich, l'athlète breton Francis Kerbiriou assiste à la prise d'otages au village olympique. Un drame qu'il va devoir dépasser pour aller chercher une médaille avec le relais 4x400. Dans une course d'anthologie dont il n'avait jamais vu les images. C'est désormais chose faite.

Dans sa maison au sud de Rennes, Francis Kerbiriou découvre le fichier sur un écran ordinateur. Depuis 51 ans, le médaillé olympique de Munich n’avait jamais vu les images de sa course. Et il est ému, forcément. Ce relais 4x400 a marqué l'histoire de l'athlétisme français, mais aussi sa vie d'homme.

Le 10 septembre 1972, qualifiée pour la finale, l’équipe de France se présente au Stade olympique. Sur les quatre relayeurs tricolores, deux sont licenciés au Stade Rennais Athlétisme. Francis Kerbiriou est champion de France en titre, Gilles Bertould son dauphin. Les deux Bretons sont accompagnés de Daniel Velasques et de Jacques Carette. 

Au terme d’une course époustouflante, la France va réussir à se classer 3e derrière le Kenya et la Grande-Bretagne, mais en coiffant sur le fil l’Allemagne de l’Ouest à domicile.

"Sur le podium, raconte Kerbiriou, on était comme sur un nuage. J’avais 21 ans, j'étais venu réaliser un rêve, celui de tout athlète, participer aux Jeux. Depuis le début de la compétition, le stade était comme un chaudron. On n’avait pas l’habitude de concourir devant 80 000 spectateurs. Et là, on remporte une médaille"

Que du plaisir... avant que les Jeux ne virent au drame 

Pour le jeune Breton, cette qualification pour les Jeux était d'abord un défi sportif, se confronter aux meilleurs mondiaux, mais aussi une ouverture sur le monde. 

"Au village olympique, j'ai rencontré des athlètes de tous les pays, j’ai même croisé Jesse Owens, le champion de 1936, celui qui avait fait quitter le stade à Hitler. 36 ans après, pour ces premiers Jeux en Allemagne depuis la guerre qui devaient être ceux de la fraternité, il était revenu. J’ai même fait une photo avec lui".

"La cérémonie d'ouverture, la compétition, le village olympique", poursuit Kerbiriou, "c’était que du plaisir, que du bonheur. Jusqu’à la prise d’otages, le 5 septembre.."

"Caché derrière un pilier, j'ai vu la prise d'otages..." 

À Munich, les Jeux avaient commencé le 26 août. Éliminé la première semaine en individuel, Kerbiriou se préparait pour le relais des 9 et 10 septembre.

Le 5 septembre au matin, le voilà qui, de très bonne heure, vient prendre son petit-déjeuner au restaurant olympique. 

Quand je suis sorti, j’ai vu des hommes armés, des militaires allemands. L'un d’entre eux m’a dit de me cacher derrière un pilier. Et j’ai vu, sur le balcon à 50 mètres, le commando avec des otages…

Francis Kerbiriou

L’attaque a commencé à l’aube. Vers 4 heures du matin, huit membres du commando palestinien  "Septembre noir" pénètrent dans le village olympique avec pour cible la délégation israélienne. Deux membres de l’équipe sont tués, neuf autres pris en otage.

En échange de leurs prisonniers, les terroristes demandent la libération de plus de 200 détenus palestiniens.

Commencent alors les tractations. Le commando négocie un avion pour quitter le pays avec ses prisonniers. Mais à l’aéroport, la police allemande va tenter une opération. Qui va tourner au fiasco, et bientôt au carnage. En tout, il y aura 17 morts. Tous les otages assassinés, cinq des huit terroristes abattus, un policier tué.

"Quand j’assiste à ça, se souvient Francis Kerbiriou, ça me dépasse. J’ai 21 ans, je me suis toujours intéressé à l’histoire, je connais le conflit israélo-palestinien, ses épisodes, mais là, me retrouver au cœur de ça, ça me dépasse. Il faut du recul."

La question, c’était évidemment de savoir s’il fallait ou pas continuer les Jeux. Si on m’avait demandé mon avis à l'époque, je n’aurais pas su trancher. Ce n’est qu’après, longtemps après, après réflexion, discussions, que j’ai trouvé que continuer avait été la bonne solution. Parce que quelle que soit la cause, il ne faut pas céder à des actes de terrorisme

Francis Kerbiriou

Munich 72, à la fois le rêve, et le cauchemar

Les Jeux vont s’interrompre. Une journée. Et puis reprendre.

Quelques jours plus tard, éprouvés comme tous les concurrents par le drame, Francis Kerbiriou et ses camarades de l’équipe de France trouveront la force de concourir, et monteront donc sur le podium. Avec le record de France à la clé, 3’0"7.

"Les souvenirs reviennent. C'est lié à l'actualité ..."

De son aventure olympique, le champion garde, 51 ans après, des souvenirs forcément partagés. "Après, ma carrière, j’ai fait autre chose, j’ai été prof de gym, j’ai eu des responsabilités au club, à la Direction régionale Jeunesse et Sports. Bien sûr, des Jeux, on en reparlait entre copains, mais j'étais aussi passé à autre chose. Et là, ça revient. C’est lié à l’actualité, aux évènements en Israël, à Gaza. Ce conflit me paraît insoluble".

"Et je suis peut-être plus désespéré aujourd’hui que je ne l’étais en 72. Quand je repense à Munich, je pense à la fois au rêve accompli, et aux mauvais moments. C'est très particulier. Comme sentiment."

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