Violences en prison : une plainte contre des surveillants

Une plainte pour violences volontaires et faux et usage de faux en écriture a été déposée contre des surveillants de la prison de Vezin le Coquet près de Rennes. Un détenu les accuse de l’avoir malmené et d’avoir couvert leurs agissements par de fausses déclarations.

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Les faits se sont déroulés le 28 novembre dernier. C’était un dimanche matin, il était 8h45. Abdallah M. sort de sa cellule pour partir en promenade. A la grille, un surveillant le stoppe pour lui réclamer sa carte de circulation intérieure.

"Je mets ma main dans ma poche et là il me pousse. Je lui ai dit pourquoi tu fais ça et là il me repousse et après tous les surveillants sont arrivés" décrit le jeune détenu à son avocate, Maitre Amina Saadaoui.

Dans le rapport d’incident qu’il a rédigé, le surveillant explique, lui, qu’au moment de sa demande, le détenu lui aurait lancé "Sale fils de pute, tu fais trop le malin ici, tu vas voir si on se croise dehors, t’es un homme mort " et l’aurait bousculé pour forcer le passage." Je l’ai repoussé et il a retenté de forcer le passage. Je l’ai donc mis contre le mur. Lorsqu’on a essayé de l’accompagner en cellule, celui ca a essayé de nous mettre un coup de poing. Pour mettre fin à l’incident, nous l’avons maitrisé au sol."

"La commission de discipline confirme la version du détenu "

Le jeune détenu est conduit au quartier disciplinaire et convoqué deux jours plus tard devant la Commission de Discipline.
Le jeune homme maintient sa version des faits. "Je vous le promets, ça ne s’est pas passé comme ça" affirme- t-il à son avocate.

Elle demande à regarder la vidéo des caméras de surveillance. Les bandes existent et sont exploitables.

"Elles montrent que mon client a dit la vérité, détaille Amina Saadaoui. Il veut aller en promenade, il n’est pas du tout agressif, on voit qu’il ne comprend pas ce qui se passe. Il est jeté à terre et bloqué au sol par trois surveillants."

La commission de discipline a conclu que l’exploitation de la vidéosurveillance allait dans le sens du détenu, "qu’il avait été poussé à plusieurs reprises par les surveillants alors qu’il ne manifestait aucune velléité d’agression."

Les avocates Amina Saadaoui et Gwendoline Tenier ont immédiatement porté plainte pour violences volontaires et faux et usage de faux en écriture publique.

"Des faits graves"


"Les violences aggravées sont punies de 5 ans d’emprisonnement, ce sont des faits sérieux, surtout quand elles ont été commises en réunion par des personnes dépositaires de l’autorité publique" relève Matre Gwendoline Tenier, "mais les faux en écriture, c’est encore plus grave."

Et elle poursuit, "si cette vidéo n’existe pas, on croit sur parole les surveillants, on décide d’un placement en quartier disciplinaire, le Procureur de la république est en capacité de poursuivre. Doit-on continuer de croire les surveillants sur parole, c’est inacceptable car cela rompt le contrat social."

"Le fait de rédiger de faux rapports, c’est clairement réprimé par les textes, ajoute Amina Saadaoui. C’est un crime passible de la cour d’assises et là encore, le fait que les écrits ont été rédigés par des personnes dépositaires de l’autorité publique constitue une circonstance aggravante."

Une prison surpeuplée


Éric Toxe, secrétaire UFAP-UNSa Justice du Centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet ne veut pas commenter l’affaire en cours mais s’inquiète de voir "l’honneur et le professionnalisme des surveillants jetés aux chiens" et souligne que "des images de caméras de surveillance, on peut leur faire dire tout et son contraire."


"Je n’ai jamais vu un surveillant agresser un détenu pour le plaisir affirme le surveillant. De la violence, il y en a dans la société, il y en a aussi en prison mais en 10 ans, je n’ai vu qu’une seule fois des agissements contraires au règlement."

Eric Toxe note que les conditions de travail en détention sont de plus en plus difficiles, comme les autres, la prison de Rennes-Vezin connait des problèmes de surpopulation carcérale. 

Il y a deux jours, le Ministère de la Justice communiquait les chiffres : les établissements pénitentiaires français comptaient 71 038 détenus au 1er mai. Le pays comptant 60 722 places opérationnelles, la densité carcérale globale s'établit à 117%, "Ils sont parfois trois détenus dans une cellule prévue pour une personne. Alors, souligne-t-il, les surveillants font des heures supplémentaires, ne sont pas souvent chez eux. Il y a des jours où on est plus irritable reconnait-il, certains sont au bord du burn out."

5 plaintes en 4 ans


Maîtres Saadaoui et Tenier attendent des nouvelles de la plainte qu’elles ont déposée en décembre 2021. "Notre client n’a toujours pas été entendu " s’indignent-elles. "On a affaire à une justice à deux vitesses, accusent-elles. Quand un détenu est coupable de violences à l’encontre d’un surveillant, la justice ne tarde pas à passer aux actes. Là, rien ne bouge." Cinq plaintes pour des faits de violences par des surveillants sur des détenus ont été déposées en quatre ans.

En 2019, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté avait déjà pointé dans un rapport "un niveau de violence inquiétant" à la prison de Rennes.

L'administration pénitentiaire indique à l'AFP qu'une procédure disciplinaire est en cours à l'encontre du surveillant accusé de violence.

"Les personnes en prison, ne sont pas des sous hommes, rappelle Maitre Saadaoui, ce n’est pas parce qu’on est détenu que l’on n’a pas de droit."

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