Lauréat du prix littéraire Gens de Mer-Littoral France 3 et France Bleu pour son ouvrage "Pour mourir le monde", Yan Lespoux signe un 1ᵉʳ roman d'aventure captivant dont l'action se déroule sur les routes maritimes des Indes et dans le fin fond du Médoc au 17ᵉ siècle. Rencontre avec un historien décomplexé, prêt à s'extraire de la réalité pour nous inventer des récits palpitants.
Yan Lespoux aime écrire, depuis longtemps. On le sent dans l'enthousiasme communicatif qui ressort de sa voix lorsqu'il raconte la naissance de son 1ᵉʳ roman "Pour mourir, le monde" aux éditions Agullo. Avant cela, cet historien spécialiste de la langue occitane avait produit de nombreux écrits universitaires et aussi un recueil de nouvelles. Mais pour faire le grand plongeon et se lancer dans la rédaction d'un roman d'aventure, il a fallu un enchainement de signaux positifs, quelque part, que les planètes soient enfin bien alignées.
Après deux ans de recherche historique minutieuse et une année de rédaction, "Pour mourir, le monde" a pu être bouclé avec brio. Remarqué et salué par la critique lors de la rentrée littéraire 2023, il vient d'obtenir le prix Gens de mer- Littoral France 3 - France Bleu dans le cadre du festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo.
Entretien avec un auteur atypique, fasciné par la mer sans pour autant avoir dépassé les cours d'optimiste sur le lac de Lacanau en Gironde :
- Vous êtes spécialisé dans l'histoire contemporaine. Comment est née l'envie d'écrire un roman dont l'action se situe au 17ᵉ siècle, sur la route des Indes ?
C'est en participant à un colloque sur les "ethnotypes et les stéréotypes" que j'ai cherché des éléments attachés à ma région d'origine, le Médoc. En fouillant les cartes du 18ᵉ siècle, notamment celle de mon village, Carcans, j'ai appris l'existence d'une dune, la dune de Caraque. Le cartographe du roi, Claude Masse avait laissé les indications suivantes : "Ici s'échoua une flotte portugaise de retour de Goa avec un Prince. Les survivants du naufrage furent massacrés par les habitants".
J'ai trouvé cette histoire très romanesque. Je suis parti de ce fait réel, le naufrage de plusieurs vaisseaux pour dérouler un récit. J'ai effectué deux années de recherches en lisant beaucoup de livres en lien avec les grandes découvertes, surtout des ouvrages portugais. La période de confinement m'a ensuite permis de me lancer dans l'écriture de ce roman.
- Les trois héros de votre livre sont des personnages de fiction, mais cela s'entremêle avec la présence de personnages historiques qui ont réellement existé. Comment a été pensé ce choix ?
Parmi les personnages réels, il y a effectivement le "Capitaine Mor" Dom Manuel de Meneses. J'avais pas mal de documentation le concernant. Mais ce qui m'intéressait avant tout, c'était de m'attacher aux gens ordinaires qui font l'histoire malgré eux. Le soldat qui revient d'Inde, Fernando, est venu très naturellement dans mon récit. Diogo va se retrouver bien malgré lui embarqué sur la Route des Indes de l'autre côté de l'Atlantique, au départ du Brésil. Et puis il me fallait un personnage féminin. Elle est isolée dans un paysage quelque part encore plus hostile composé de dunes et de marécages, c'est Marie.
- Un autre élément occupe une place centrale dans "Pour mourir, le monde". C'est la mer. De quelle façon vous a-t-elle inspirée ?
Il faut imaginer ces navigations qui s'étalaient sur plus de six mois sans aucune escale. Le rapport à la mort et à la vie était très particulier quand on embarquait sur ces navires dans lesquels un tiers de l'équipage ne survivait pas. Tout cela constitue une matière de fiction très riche. Les romans d'aventures maritimes ont toujours été un socle important dans mon rapport à la littérature. J'avais profondément envie d'écrire autour de la mer. Je ne connais strictement rien en navigation, à part quelques cours d'optimiste enfant. Cela m'a donc demandé un travail de recherche de vocabulaire important qui était finalement très ludique.
- Quel est l'origine du très beau vers "Pour mourir, le monde" qui a été choisi comme titre pour votre roman ?
C'est un poète jésuite du 17ᵉ siècle, Antonio Viera, qui explique que lorsque nous naissons portugais, on est sur un lopin de terre, mais qu'ensuite, on a toute la terre pour mourir, faisant référence à la puissance du Portugal et ses nombreuses conquêtes à cette époque. Je trouvais que cela résonnait bien avec l'histoire de mes personnages qui n'auront aucune limite à parcourir le monde pour s'élever.
Yan Lespoux, lauréat du prix Gens de Mer- Littoral France 3 et France Bleu sera l'invité d'une table ronde "La mer, un roman" au côté d'Isabelle Autissier et Marion Lejeune le samedi 18 mai 2024 à 17h45 - La Grande Passerelle- dans le cadre du festival Étonnants voyageurs de Saint-Malo.