Sorti en 2005, le premier roman de Corinne Aguzou, "La révolution par les femmes", avait suscité une quasi-indifférence. Il annonçait pourtant, avec 20 ans d'avance, le mouvement MeToo.
En 2005, l’autrice désormais lotoise Corinne Aguzou était publiée pour la première fois. Son roman "La révolution par les femmes", passe alors relativement inaperçu, malgré quelques élogieuses (mais rares) critiques de presse. Sylvie Martigny et Jean-Hubert Gailliot, ses éditeurs gersois chez Tristram éditions, ont réédité son ouvrage le 2 janvier 2025. Succès immédiat dans la presse et auprès du public. Le contenu du livre n’a pas été modifié. L’époque, elle, a changé. Rencontre avec une autrice dont le roman féministe était vraisemblablement en avance sur son temps.
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France 3 Occitanie : Dans quel état d’esprit étiez-vous lors de l’écriture de ce livre ?
Corinne Aguzou : J’écrivais depuis longtemps, mes questionnements concernant les femmes étaient déjà apparents dans ce que j’écrivais. Mais je n’avais encore jamais été publiée lorsque j’ai proposé ce livre à mes éditeurs. À début des années 2000, je travaillais comme médiatrice littéraire.
À ce moment-là, le sujet de l’égalité entre les hommes et les femmes n’était pas sur le devant de la scène. Dans les conversations, on avait l’impression que la question était réglée. Pourtant, malgré les révolutions féministes survenues au XXème siècle, les systèmes qu'ils soient social, politique, économique n’avaient pas réellement évolué. Je n’étais pas proche des milieux féministes. Mais je me posais des questions sur les rapports entre les femmes et les hommes. C’est en écrivant ce livre que m’est apparue progressivement toute la clarté des questions sensibles que je me posais sur la question de la place des femmes et des violences qu’elles rencontrent. Je décris dans ce livre la domination que subissent les femmes. J’évoque par exemple des situations d’emprise, de tentative de viol. On n’en parlait pas à l’époque. C’est ce qui fait sa cohérence aujourd’hui.
France 3 Occitanie : Comment vivez-vous cette réédition ?
Corinne Aguzou : Je suis contente, c’est beaucoup plus facile qu’à l’époque de la première parution. À ce moment-là, j’aurais tant souhaité avoir l’écoute d’un public sensible, pouvoir avoir des retours et des réflexions, des discussions, avec des lectrices et lecteurs. Je m’étais sentie seule, peu écoutée. J’étais critiqué, on refusait parfois de me lire car il s’agissait d’un premier roman. Cette fois-ci, j’ai pris de l’âge, j’en attends moins. Mais c’est maintenant que je reçois de l’écoute et de l’attention pour ce roman.
France 3 Occitanie : L’histoire est incarnée par des femmes qui subissent des violences sexuelles, des violences économiques, sociales. Dans la préface, vos éditeurs disent avoir souvent repensé aux personnages de ce livre en suivant l’actualité ces dernières années, et vous ?
Corinne Aguzou : Effectivement, il m’arrivait de me dire, en entendant parler de victimes de viols, "tiens, j’en avais parlé". J’ai eu l’impression d’avoir abordé des thèmes dont les médias se sont emparés ensuite.
France 3 Occitanie : La situation actuelle des femmes, vous inspire-t-elle pour un prochain ouvrage ?
Corinne Aguzou : Je me pose la question. Je m’intéresse toujours aux femmes, il y a besoin de travailler cette sensibilité aux choses qui n’est pas assez représentée. Il faut mettre en avant une façon de ne pas être dominant, il y a matière à créer des personnages qui ne sont pas dominants. Cela m’intéresse toujours.
France 3 Occitanie : Quel regard portez-vous sur la montée des sujets féministes (médias, librairies, manifestations, évènements) depuis le mouvement MeToo ?
C’est bien, je suis très contente de ces mouvements féministes, il y en a besoin. Ce n’est pas seulement une question qui concerne les femmes, c’est le problème de l’organisation de toute la société. En soumettant les femmes, on met à mal l’idée même de démocratie. Je me réjouis de voir que l’on parle aujourd’hui beaucoup plus de "patriarcat", de "sororité". Ces termes ont émergé, on n’en parlait pas il y a vingt ans. Montrer qu’on n’est plus seule à subir, que l’on s’unit aussi pour se soutenir, faire la fête, échanger, entre personnes qui ont une communauté de vécus, c’est très important. C’est aujourd’hui le cas. Et c’est heureux.